Belgique – Deux mois d’alerte terroriste : bon anniversaire ?

Ce jeudi 21 février, cela fera deux mois que la Belgique est sous le coup d’une alerte terroriste. Le projet d’évasion de Nizar Trabelsi, le statut international de Bruxelles, le verdict du procès de la « filière kamikaze » et, enfin, la visite du Président Musharaff ont été successivement invoqués pour justifier le maintien de cet état d’alerte.

 

Ce jeudi 21 février, cela fera deux mois que la Belgique est sous le coup d’une alerte terroriste. Le projet d’évasion de Nizar Trabelsi, le statut international de Bruxelles, le verdict du procès de la « filière kamikaze » et, enfin, la visite du Président Musharaff ont été successivement invoqués pour justifier le maintien de cet état d’alerte. Des justifications peu claires et surtout qui évoluent au gré de l’actualité. Un peu de tout en somme et, semble-t-il, un peu n’importe comment.

On est en effet en droit de s’interroger sur l’opportunité de la mise d’un pays sous alerte terroriste pour un prétendu projet d’évasion – infirmé par la justice – de Trabelsi, détenu à la prison de Nivelles, alors que, semble-t-il, aucune mesure de sécurité particulière n’aurait été mise en place à la prison de Nivelles…

Les vagues motifs qui justifient ce régime d’alerte ne vont pas sans poser de questions sur l’orientation sécuritaire que prend ce pays, sur la manière dont le gouvernement gère ce régime exceptionnel et, par ailleurs, sur son coût pour le contribuable.

1. Vers l’urgence permanente ?

La notion d’urgence ne peut exister que par rapport à une situation normale. Or que ce soit aux abords de la Grand Place le soir du 31 décembre ou sous les lambris du Parlement lors des votes de textes augmentant l’arsenal anti-terroriste, il semble bien que nous devons faire le deuil de la normalité. En matière de terrorisme, tout semble être devenu urgentissime depuis le 11 septembre 2001… Mais, si l’urgence devient permanente, à quoi bon l’invoquer puisqu’elle ne peut se distinguer de ce qui n’est pas urgent ? Tout se passe comme si la brièveté d’un acte terroriste impliquait une réduction de notre espace-temps de réflexion. Ce projet de loi visant à donner des moyens accrus aux services de renseignement en est un exemple. Il avait été abandonné en avril 2007 car il nécessitait une réflexion beaucoup plus approfondie. Il semblerait cependant, d’après les déclarations du ministre de l’Intérieur, qu’il pourrait rapidement ressurgir parce que la situation actuelle serait encore plus urgente. Cet état d’alerte constitue une aubaine pour un gouvernement intérimaire qui se condamne à agir vite parce qu’il a peu de temps et qu’il doit pour rester dans la course à l’urgence. Avec une hasardeuse précipitation ?

2. Illogique sécuritaire

Le feu d’artifice de la Saint-Sylvestre a été interdit au motif qu’un rassemblement d’une foule importante présenterait un risque trop élevé : on a pourtant laissé la foule se rassembler en masse aux abords de la Grand Place…

On procède à la fermeture des poubelles dans le métro : un tas d’autres possibilités de cacher des explosifs subsistent cependant dans les stations de métro…

Ces deux exemples révélateurs posent une question fondamentale : y a-t-il une véritable stratégie de prévention logistique et de sécurisation des lieux « à risques » ? La réponse à apporter à une hypothétique menace a-t-elle été véritablement « analysée » ? Si cela n’est pas le cas, ne prend-t-on pas le risque d’habituer la population à vivre dans une situation d’alerte permanente et de la banaliser ?

3. Une menace tout aussi floue que son analyse

La loi du 10 juillet 2006 relative à l’analyse de la menace a mis sur pied un Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM). Cette loi ne prévoit ni les délais dans lesquels l’OCAM doit effectuer ses évaluations sur les menaces terroristes, ni les "mesures nécessaires" qu’elle peut mettre en oeuvre pour y faire face. Dès lors, on est en droit de se demander en fonction de quels critères l’OCAM décide de rendre ses évaluations, dans quels délais, combien de temps peut s’écouler au maximum entre deux évaluations… en bref, quel est l’agenda de travail de l’OCAM ?

En outre, les lois réglementant la matière n’organisent pas de contrôle démocratique direct sur l’OCAM. En effet, le seul contrôle organisé est un contrôle conjoint des comités P et R, mais l’OCAM échappe à toute enquête à l’initiative du Parlement, ce qui est un privilège dont aucun autre service (ni de police, ni de renseignement) ne semble disposer. Que justifie ce privilège en terme de contrôle pour un organisme susceptible de décréter un état d’urgence, avec les conséquences non négligeables que l’on peut imaginer sur les libertés fondamentales ?

4. Récupération politique ?

Le plan national de sécurité (PNS) adopté récemment fait de la lutte contre le terrorisme une « priorité absolue ». L’alerte terroriste que nous connaissons actuellement constitue la matérialisation du « danger potentiel » évoqué par le PNS, ce qui pourrait justifier une adaptation des méthodes particulières d’enquête permettant un recours accru « à l’enregistrement systématique des données d’identification de suspects ».

La Ligue des droits de l’Homme ne prétend pas, bien entendu, qu’aucune menace terroriste n’est envisageable sur le territoire belge et que le gouvernement ne doit pas agir préventivement pour éviter les risques –avérés- d’attentats. En ce sens, il est impératif que les services de sécurité se voient dotés des outils et moyens nécessaires et légaux pour accomplir leur mission.

Par contre, il est tout aussi impératif que ces alertes terroristes soient parfaitement justifiées. Utilisé de manière inconsidérée ou non dénué d’arrière-pensées politiques, le recours aux "mesures nécessaires" pour lutter contre le terrorisme constitue une porte dangereusement entrouverte à des dérives sécuritaires liberticides et à une banalisation de mesures exceptionnelles.

Il est donc impératif que soit mis sur pied un organe indépendant de l’exécutif permettant de contrôler, sur une base régulière, si l’évaluation de la menace terroriste justifie le recours à des mesures spéciales. Cet organe existe déjà : c’est le Parlement.

Et le fait qu’il soit relégué au second plan du débat – et avec lui le citoyen – est plutôt alarmant quant à l’état de notre démocratie.

Lorsque la réponse à une menace inquiète autant que la menace, il devient urgent de ne pas agir dans l’urgence.

[Ligue des droits de l’Homme]

CONTACTS PRESSE
Benoït VAN DER MEERSCHEN, Président LDH : 0497/294 672
Manuel LAMBERT, Conseiller juridique LDH : 0479/869081

http://mouvements.be/88019
sélectionné par
http://groups.google.fr/group/medias-me … nformation





*
To prove you're a person (not a spam script), type the security word shown in the picture. Click on the picture to hear an audio file of the word.
Click to hear an audio file of the anti-spam word

``