Peter Dale Scott : La Machine de guerre américaine et les événements profonds

En septembre 2010, l’association ReOpen911 annonçait la parution du premier ouvrage traduit en français de Peter Dale Scott. Universitaire et ancien diplomate canadien, ce dernier était alors méconnu en France. Depuis, les deux livres de cet auteur publiés par les Éditions Demi-Lune ont été recommandés par la Revue Défense Nationale, le magazine Diplomatie et la revue Afrique Contemporaine. Ils sont lus à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr ou à Sciences Po Paris. Bien qu’ils dénoncent la version officielle du 11-Septembre, ces ouvrages sont conseillés et appréciés au sein des milieux universitaires, militaires et diplomatiques français.
 
Malgré ce succès critique et quelques apparitions dans la presse (Le Soir, L’Humanité), Peter Dale Scott – un activiste antiguerre – n’est toujours pas sollicité par les médias hexagonaux. Au contraire, nombre d’entre eux se montrent plus bellicistes que jamais et en appellent à une intervention militaire occidentale en Syrie, en dépit du bilan catastrophique des guerres en Afghanistan, en Irak et en Libye.
 
Or, comme le rappelle Peter Dale Scott dans cet extrait de son dernier ouvrage, les entrées en guerre récentes des États-Unis ont été systématiquement légitimées par des « événements profonds » trompeurs et irrésolus – des casus belli fabriqués pour manipuler l’opinion publique et justifier des actions militaires pré-planifiées –. Ainsi, malgré les hésitations de l’administration Obama à intervenir militairement en Syrie, il ne peut être exclu qu’un « événement profond » puisse changer la donne. Dans ce contexte, puisque la compréhension de l’Histoire permet d’éviter sa répétition tragique, l’association ReOpen911 publie cet extrait exclusif de La Machine de guerre américaine.
 
(Extrait proposé par les Éditions Demi-Lune, traduit et introduit par Maxime Chaix. Pour plus de renseignements sur cet ouvrage et son auteur, voici le dossier de présentation de ce livre et le dernier communiqué de presse à son sujet.) 
 
 
 

 
Chapitre 9 : Le 11-Septembre et la tradition américaine des événements profonds fabriqués
 
 
 
« Une étude de la planification du Pentagone montre clairement que, pour un cercle restreint de hauts fonctionnaires civils et militaires, l’idée que les États-Unis pourraient délibérément provoquer des événements à Cuba qui serviraient de prétextes à une intervention [militaire] US représentait un plan d’action possible – fréquemment invoqué – et non une impensable calomnie qui aurait émergé des délires paranoïaques de La Havane et de Moscou»[1]
 
– James G. Hershberg, 1990.
 
« La fabrication d’une série de provocations destinées à justifier une intervention militaire est réalisable et pourrait être accomplie à l’aide des ressources disponibles. »[2]
 
– Rapport du J-5 du Comité des chefs d’États-majors interarmées des États-Unis (JCS), 1963.
 
 
 
Les événements profonds fabriqués comme prétextes aux guerres
 
Dans l’Histoire des États-Unis, les deux guerres les plus longues – sans évoquer l’Afghanistan – furent le Vietnam dans les années 1960 puis l’Irak. Aujourd’hui, les historiens s’accordent sur le fait que le soutien du Congrès à ces deux conflits fut obtenu par le recours délibéré à la tromperie – concernant les incidents du golfe du Tonkin en 1964 et les prétendues armes de destruction massive (ADM) de Saddam Hussein en 2003. Dans ce chapitre, je souhaite démontrer que l’intervention militaire en Afghanistan fut également précédée par un événement profond, le 11-Septembre, au sujet duquel nous ne savons réellement que bien peu de choses, et dont il est utile d’envisager si des éléments de la machine de guerre US ont pu jouer un rôle dans sa planification.
 
Même une décennie plus tard, de nombreux Américains ne sont toujours pas prêts à croire que le 11-Septembre constitue un événement profond au sujet duquel on nous a menti. Cependant les États-Unis, et par-dessus tout le Congrès, mirent un certain temps pour se rendre compte que les incidents du golfe du Tonkin et l’affaire des ADM constituaient également des tromperies. En 1964, le scepticisme légitime du sénateur Wayne Morse concernant le second incident du golfe du Tonkin (dont nous savons aujourd’hui qu’il n’a jamais eu lieu) ne fut appuyé que par un seul autre sénateur lorsque le Congrès vota la Résolution du golfe du Tonkin. En 2002, un seul et unique membre de la Chambre des Représentants vota contre la Résolution de la guerre d’Irak, qui avançait que les ADM irakiennes représentaient une « menace pour la sécurité nationale des États-Unis ainsi que pour la paix internationale et la sécurité dans le golfe Persique ».
 
Quelle que soit l’analyse du 11-Septembre à laquelle on adhère – y compris la  version officielle de 19 islamistes d’al-Qaïda agissant seuls – le 11-Septembre est clairement un événement profond tel que nous l’avons défini : un événement systématiquement ignoré ou falsifié dans les médias de masse et dans la conscience collective. John Farmer, le principal avocat-conseil de la Commission nationale sur le 11-Septembre, écrivit un livre pour soutenir la version établie par celle-ci, tout en admettant que « le public a été sérieusement induit en erreur sur ce qui s’est déroulé le matin des attentats ». Il avança même qu’« à certains niveaux du gouvernement, à un certain moment, (…) il y a eu un accord pour ne pas dire la vérité sur ce qui s’est passé. »[3] Nous pouvons affirmer avec confiance que nous avons été trompés au sujet du 11-Septembre, au moins ex post facto. Les comparaisons avec les incidents du golfe du Tonkin soulèvent la question – à laquelle je ne pourrai répondre – de savoir si ces deux incidents ne furent pas dans une certaine mesure « fabriqués » (pour citer un document du Comité des chefs d’États-majors interarmées [JCS] de 1963).
 
Les incidents du golfe du Tonkin constituèrent aussi un événement profond, induisant la provocation et la tromperie. La Résolution qui s’ensuivit fut votée par le Congrès en réponse aux assurances du secrétaire à la Défense Robert McNamara, selon lequel il existait « des preuves irréfutables » d’une deuxième « attaque non provoquée » contre les destroyers US. Aujourd’hui, nous savons que cette seconde attaque n’a jamais eu lieu, et il est généralement accepté que la première fût délibérément provoquée. Les similarités entre ces incidents et le 11-Septembre – qui en font des événements profonds – sont si frappantes que je les explorerai plus en détail dans ce chapitre.
 
Il est clair que la guerre d’Irak fut aussi précédée par une action similaire – une opération meurtrière sous faux pavillon contre des civils innocents aux États-Unis. Je fais ici référence aux lettres piégées à l’anthrax en 2001, dont la source a été ultérieurement identifiée comme provenant des États-Unis. Comme nous l’avons vu, le FBI a d’abord suspecté Steven Hatfill, un employé de la Science Applications International Corporation (SAIC), d’être le responsable de ces courriers. Plus tard, le Bureau suspecta Bruce Ivins, un chercheur du laboratoire gouvernemental USAMRIID de la base militaire de Fort Detrick.[4] Mais à l’époque des attaques, la presse relayait de nombreuses allégations comme celle qui suit, rédigée par Simon Reeve pour le Daily Mail :
 
« L’Irak a été identifié comme la source la plus probable de l’anthrax utilisé ces dernières semaines afin de terroriser les États-Unis. De nouveaux plans pour des frappes de représailles contre Saddam Hussein sont actuellement envisagés, selon des responsables du gouvernement US. Bien que les  analyses  des  spores  d’anthrax envoyées par courrier soient toujours en cours, les scientifiques américains ont découvert les ‘signes distinctifs’ d’une implication irakienne. Les enquêteurs sont de plus en plus convaincus que l’anthrax a été introduit clandestinement aux États-Unis avant d’être posté à un certain nombre de cibles par des sympathisants ‘dormants’ d’al-Qaïda, l’organisation d’Oussama ben Laden. »[5]
 
Bien plus tard, parlant de Fort Detrick, le journaliste du magazine Salon Glenn Greenwald souligna que « le laboratoire gouvernemental d’où provenaient les attaques à l’anthrax est le lieu même où furent élaborés les faux rapports attribuant la responsabilité de ces envois à  l’Irak ».[6] Comme nous l’avons vu (chapitre 8), les deux sénateurs auxquels les courriers piégés à l’anthrax ont été adressés – Tom Daschle, alors leader de la majorité au Sénat, et Patrick Leahy – étaient tous deux des Démocrates qui avaient initialement remis en question la loi Patriot Act, introduite hâtivement devant le Congrès.[7] Après la psychose provoquée par l’anthrax, les deux sénateurs changèrent d’avis et votèrent en faveur de cette loi.
 
Peu importe qui aux États-Unis porte la responsabilité de ces attaques à l’anthrax : celles-ci constituèrent une série trompeuse d’attentats sous fausse bannière, planifiés depuis un certain temps et soutenus par deux revendications grossières contenant la phrase « Allah est grand ». L’ensemble de faux documents accusant l’Irak d’avoir acheté au Niger du concentré de minerai d’uranium (le « yellow cake ») est un exemple comparable et plus complexe d’événement profond fabriqué ciblant l’Irak.
 
Depuis le 11-Septembre, j’ai été de plus en plus convaincu que :
 
  • en étudiant les événements profonds dans leur ensemble, nous pouvons voir plus clairement les aspects qui les sous-tendent ; [8]
  •  les événements profonds, quelle que soit la manière dont on les analyse, ont collectivement contribué à accentuer l’érosion et la corruption du système politique des États-Unis, qui est aujourd’hui dans son pire état depuis le maccarthysme des années 1950 ;
  • les événements profonds ayant des caractéristiques récurrentes ont engendré des tromperies qui ont mené les États-Unis vers toutes leurs guerres récentes.
 
Dans les dernières étapes de la relecture de ce livre, les implications de ce dernier point me sont apparues comme encore plus importantes. Sans parler du cas controversé du 11-Septembre (sur lequel nous reviendrons), presque toutes les guerres menées par les États-Unis à l’étranger depuis 1959 ont été induites de façon préemptive par la machine de guerre US, pour être ensuite maquillées en réponses à une agression ennemie non provoquée (le Laos et le Vietnam dans les années 1960, l’Afghanistan en 2001 et l’Irak en 2003). Dans chaque cas, le travestissement de la réalité fut généré par des événements trompeurs, dont la plupart impliquaient à des degrés divers des éléments de la connexion narcotique globale.
 
(…)
 
La prévalence d’événements trompeurs fabriqués
 
La planification de complots meurtriers sous fausse bannière pour tuer des civils innocents n’est pas l’exclusivité du [Comité des chefs d’États-majors interarmées des États-Unis (JCS)]. Au contraire, elle a été largement répandue sur le plan international au cours du siècle dernier. L’Algérie française dans les années 1950 en est un exemple emblématique, lorsque des éléments dissidents des forces armées françaises, résistant aux plans du général de Gaulle en faveur de l’indépendance algérienne, se regroupèrent sous le nom d’Organisation Armée Secrète (OAS). Ils commirent alors des attentats à la bombe visant des civils de manière indiscriminée, leurs cibles incluant des hôpitaux et des écoles.[9] Cette stratégie reposait sur les provocations sous fausse bannière menées par une équipe spéciale de contre-terrorisme créée par la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) – équipe dont la mission était de perpétrer des attentats terroristes et de saper les espoirs de compromis politique.[10]
 
J’ai relevé par ailleurs comment cette « stratégie de la tension » a été imitée en Italie par des alliés de l’OAS, à travers les sanglants attentats à la bombe sous fausse bannière  commis par les renseignements militaires sur la Piazza Fontana à Milan (1969) ainsi qu’à la gare ferroviaire de Bologne (1980). Guido Giannettini, l’un des auteurs italiens de l’attentat de Milan, aurait donné en 1961 à Annapolis une conférence sur les techniques de coups d’État à des officiers militaires US.[11] Peu après, en mars 1962, le JCS prépara son propre document développant la stratégie de Giannettini – le document Northwoods qui, comme l’a écrit James Bamford, « appelait à tirer sur des personnes innocentes dans les rues des États-Unis ».[12]
 
Des actions comparables en Turquie firent émerger dans ce pays la notion d’un « État profond » extralégal – une combinaison de forces alliant d’anciens membres de l’organisation Gladio soutenue par la CIA à « une vaste matrice de responsables de la sécurité et des renseignements, d’éléments ultranationalistes de la pègre turque et de transfuges du [parti séparatiste kurde] PKK. »[13] L’État profond, partiellement financé par l’important trafic d’héroïne en Turquie, a été accusé d’avoir tué des milliers de civils dans des incidents tels que le meurtrier attentat à la bombe contre une librairie de Semdinli en novembre 2005. Initialement attribuée au PKK, cette attaque a en fait été perpétrée par des éléments du service paramilitaire des renseignements policiers, agissant avec un ex-membre du PKK devenu informateur.[14] Le 23 avril 2008, Mehmet Agar, ancien ministre de l’Intérieur turc, fut traduit en justice pour son rôle dans cette sale guerre durant les années 1990.[15]
 
Dans mon livre intitulé La Route vers le nouveau désordre mondial, j’ai soutenu que des forces comparables aux États-Unis, associant aussi certains fonctionnaires des renseignements à des éléments issus du milieu du narcotrafic, auraient pu en fin de compte être responsables des impressionnantes dissimulations officielles sur le 11-Septembre – l’événement profond qui a été si rapidement suivi de l’invasion de l’Afghanistan par les États-Unis.[16] Dans cet ouvrage, j’ai également analysé les récentes décennies de collaboration entre les agences US et al-Qaïda, une organisation terroriste clandestine dont les activités dans le trafic de drogue ont été minimisées par les médias de masse états-uniens et par le Rapport de la Commission sur le 11-Septembre.[17]
 
Aujourd’hui, il faudrait encore nous expliquer pourquoi Ali Mohamed, le principal instructeur d’al-Qaïda en matière de détournements d’avion, était simultanément un agent double du FBI qui conservait très vraisemblablement des liens avec la CIA. En effet, cette dernière l’avait utilisé comme agent et avait contribué à le faire entrer aux États-Unis dans les années 1980 – tous ces faits anormaux étant  ignorés  ou  occultés.1[8] Il  ne  fait  aucun  doute  qu’Ali Mohamed organisa l’attentat  à  la  bombe contre l’ambassade US au Kenya, et qu’il put le faire uniquement  parce que la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) le libéra à la demande expresse du FBI, après qu’elle l’eut mis en garde à vue à l’aéroport de Vancouver avec un autre terroriste connu.[19]
 
Il est pratiquement certain qu’Ali Mohamed n’était pas le seul agent double des États-Unis au sein d’al-Qaïda. Deux des pirates de l’air présumés du 11-Septembre, Nawaf al-Hazmi et Khaled al-Mihdhar, furent autorisés à entrer aux États-Unis peu de temps après qu’ils eurent été identifiés à un sommet d’al-Qaïda en Malaisie, dans des circonstances tellement sensibles que la Maison Blanche en informa le directeur du FBI contrairement au reste du Bureau – à qui on aurait évidemment dû le révéler.[20]
 
Comme nous le verrons, Lawrence Wright, commentant dans The New Yorker la même rétention d’informations par l’Agence au sujet d’al-Mihdhar, en conclut que « la CIA pourrait aussi avoir protégé une opération à l’étranger, et donc craindre que le FBI ne la révèle. »[21] Il est également possible que la CIA, utilisant les renseignements saoudiens comme intermédiaires ou négociateurs, ait pensé qu’al-Hazmi et al-Mihdhar étaient des agents fiables afin de pénétrer les réseaux d’al-Qaïda aux États-Unis. L’utilisation d’agents doubles est une technique largement répandue dans le monde des renseignements. Toutefois, elle comporte des risques, comme la CIA l’a appris à ses dépens lorsque sept de ses employés furent assassinés en décembre 2009 par un kamikaze, qu’ils considéraient comme un agent double digne de confiance.[22]
 
Dans ce livre, je ne présenterai pas mes propres hypothèses sur les potentiels responsables du 11-Septembre. Mon objectif est plutôt d’établir que :
 
  • ces attentats constituent clairement un événement profond tel que nous l’avons défini : un événement systématiquement ignoré ou falsifié dans les médias de masse et dans la conscience collective ;
  • le 11-Septembre, en tant qu’événement profond non expliqué ayant rapidement conduit à la guerre, s’inscrit dans un schéma d’événements profonds comparables. Il partage suffisamment de caractéristiques avec les incidents du golfe du Tonkin de 1964 pour suggérer que leurs causes n’étaient pas totalement externes, mais qu’elles dérivaient au  moins partiellement des forces prévalant à l’intérieur de ce pays ;
  • il est temps d’affronter la déplaisante réalité démontrant que, mis à part l’Afghanistan, les principaux conflits dans lesquels les États-Unis se sont récemment engagés ont indéniablement été précédés par des preuves falsifiées d’attaques étrangères, à travers ce que j’ai appelé des événements profonds fabriqués (le Laos en 1959,[23] le Vietnam en 1964 et l’Irak en 2003).[24]
 
Si cette dernière assertion est exacte, elle justifierait un examen plus approfondi du 11-Septembre. En effet, peut-on croire que cet événement profond ne fût pas, comme tous les autres, fabriqué pour tromper le public états-unien ?
 
Si je ne suis pas prêt à ajouter à cette liste la guerre de Corée en juin 1950 – l’invasion de Kim Il-sung depuis le nord étant suffisamment authentique – il me semble nécessaire de rappeler les commentaires ironiques de Bruce Cumings. En effet, ce dernier décrivit l’étrange attitude, dans les hautes sphères de Washington, durant les semaines précédant cette invasion. Ce comportement général suggère que l’opinion publique aurait également pu être manipulée à cette occasion :
« Le 14 juin [1950], la CIA prédit la potentialité d’une invasion [de la Corée du Sud] à tout moment. Personne ne remet cela en question. Cinq jours plus tard, l’Agence prédit une invasion imminente. (…) Corson (…) déclare alors que le rapport du 14 juin a fuité vers les ‘milieux autorisés’ et que, de ce fait, ‘on craignait que les détracteurs de l’administration au Congrès ne soulèvent publiquement ce problème. Par conséquent, la Maison Blanche prit la décision inouïe de dire au Congrès que tout allait bien en Corée.’ (…) N’aurait-on pas dû s’attendre à ce qu’on lui dise que la situation n’était pas si bonne en Corée ? Je veux dire, à moins que l’on ait comme objectif de susciter surprise et indignation au sein du Congrès. »[25]
 
Le 6 août 2001, des décennies après que Cumings eut écrit ces lignes, la CIA annonçait dans un briefing présidentiel quotidien que « ben Laden [était] déterminé à frapper aux États-Unis », mentionnant pour le prouver un rapport selon lequel « ben Laden voulait détourner un avion US ».[26] Comme nous le savons, Bush et Cheney ne prirent aucune mesure, et ils s’offrirent chacun une longue période de vacances, faisant en sorte que le Congrès soit de nouveau surpris et indigné – comme en 1950 et en 1964.
 
À suivre…
 
Notes :

1. James G. Hershberg, « Before ‘The Missiles of October’: Did Kennedy Plan a Military Strike against Cuba? » dans The Cuban Missile Crisis Revisited, sous la direction de James A. Nathan (St. Martin’s Press, New York, 1992), p.242.
2. Comité des chefs d’États-majors interarmées (JCS), « Courses of Action Related to Cuba (Case II) », Rapport du J-5 pour le Comité des chefs d’États-majors interarmées, 1er mai 1963, NARA #202-10002-10018, p.21.
3. John J. Farmer, The Ground Truth: The Untold Story of America under Attack on 9/11 (Riverhead, New York, 2009). Le 2 août 2006, le membre de la Commission sur le 11-Septembre Tim Roemer déclara également sur CNN que « nous étions extrêmement frustrés par les faux témoignages que nous obtenions ».

4. Marilyn W. Thompson, « The Pursuit of Steven Hatfill », Washington Post, 14 septembre 2003 ; voir note 49 du chapitre 8.

5. Simon Reeve, « Scientists Link Iraq to Anthrax Terror Attacks », Sunday Mail (Londres), 28 octobre 2001. Il serait intéressant de connaître l’identité des « scientifiques » que Reeve a évoqués.

6. Glenn Greenwald, « Vital Unresolved Anthrax Questions and ABC News », Salon,1er août 2008 – Cf. Richard Butler, ambassadeur invité au Conseil des Relations Étrangères (CFR), New York Times, 18 octobre 2001 : « Des rencontres entre Mohamed Atta, soupçonné d’avoir été l’un des organisateurs des attaques du 11-Septembre, et un responsable des renseignements irakiens à Prague en juin 2000 auraient pu être l’occasion de la fourniture de l’anthrax à M. Atta. On a également rapporté des rencontres entre de hauts responsables des renseignements irakiens et des membres d’al-Qaïda. » Depuis, les accusations de Butler concernant l’Irak, Atta, l’anthrax et al-Qaïda ont aussi été discréditées, bien que Dick Cheney et son collègue James Woolsey continuent de les affirmer. Cf. 9/11 Commission Report, p.66, pp.228-29.
7. Cf. Time, 26 novembre 2001 ; voir note 51 du chapitre 8.

8. Voir, par exemple, Peter Dale Scott, The War Conspiracy: JFK, 9/11, and the Deep Politics of War (Mary Ferrell Foundation Press, Ipswich, MA, 2008), pp.341-96.
9. Dans la nuit du 5 au 6 mars 1962, l’Organisation Armée Secrète (OAS) fit exploser jusqu’à 120 bombes. « The Generals’ Putsch », in Helen Chapan Metz, (sous la direction de). Algeria: A Country Study (GPO for the Library of Congress, Washington, 1994).
10. Roger Faligot et Pascal Krop, DST, Police Secrète (Flammarion, Paris, 1999), p.174.
11. Peter Dale Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial : 50 ans d’ambitions secrètes des États-Unis (Éditions Demi-Lune, Paris, 2010), p.43, pp.253-56, citant Fabrizio Calvi, et Frédéric Laurent, Piazza Fontana : La Verità su una Strage (Mondadori, Milan, 1997), p.109.

12. James Bamford, Body of Secrets (Doubleday, New York, 2001), p.82.

13. Gareth Jenkins, « Susurluk and the Legacy of Turkey’s Dirty War », Terrorism Monitor, 1er mai 2008.
14. Nicholas Birch, Irish Times, 26 novembre 2005 – L’ancien Président et Premier ministre turc Süleyman Demirel a commenté ainsi cette affaire : « Le fait qu’il y ait un État est un principe fondamental. Dans notre pays, il y en a deux. (…) Il y a un État profond et un autre État. (…) Celui qui devrait être le véritable État est en fait de trop, et celui qui devrait être de trop est le véritable État. » Jon Gorvett, « Turkey’s ‘Deep State’ Surfaces in Former President’s Words, Deeds in Kurdish Town », Washington Report on Middle East Affairs, janvier/février 2006.
15. Jenkins, « Susurluk and the Legacy of Turkey’s Dirty War ». Le 7 juin 2008, une recherche « Semdinli + PKK » sur Google donna 157 résultats dans les principales publications mondiales en anglais. Parmi celles-ci, seulement deux venaient des États-Unis. L’une d’entre elles ne mentionnait pas du tout l’implication de l’État profond dans cette affaire (Washington Times, 6 décembre 2005). L’autre définissait l’État profond sans mentionner son implication dans les milieux mafieux (Newsweek, 28 novembre 2005). Une recherche comparable sur l’expression « État profond » révéla une même carence de couverture journalistique dans les médias US.
16. Scott, La Route vers le nouveau désordre mondial, pp.30-34, pp.44-47.

17. Ibidem, pp.175-77, pp.180-84, pp.229-38.

18. Ibidem, pp.197-201, pp.211-25 ; Peter Lance, Triple Cross: How bin Laden’s Master Spy Penetrated the CIA, the Green Berets, and the FBI – And Why Patrick Fitzgerald Failed to Stop Him (Regan/HarperCollins, New York, 2006).

19. Scott, ibidem, pp.215-16, citant le Toronto Globe & Mail, 22 novembre 2001. Il ne relève pas du hasard si la presse dominante aux États-Unis est restée silencieuse sur ce fait important, mais également sur les deux seuls livres qui en parlaient : l’ouvrage de Peter Lance intitulé Triple Cross et mon livre La Route vers le nouveau désordre mondial. Triple Cross a finalement été mentionné par son titre dans le New York Times, mais uniquement car son éditeur, Judith Regan, fut renvoyée par la News Corporation de Rupert Murdoch (New York Times, 19 décembre 2006).
20. J’ai défendu ailleurs qu’il était possible que le FBI n’ait pas été informé [sur al-Hazmi et al-Mihdhar] pour la même raison expliquant pourquoi la CIA, en octobre 1963, dissimula au Bureau des informations importantes sur Lee Harvey Oswald. J’entends par là que ces trois individus auraient pu être présélectionnés comme coupables désignés pour un désastre prochain, et qu’il était donc important que le FBI n’interfère pas dans leurs mouvements. Voir Scott, The War Conspiracy, pp.354-57, pp.387-91.
21. Lawrence Wright, « The Agent », New Yorker, 10 et 17 juillet 2006, p.68 ; discussion dans Scott, The War Conspiracy, pp.388-89.
22. « La CIA croyait que le médecin jordanien Humam Khalil Abu-Mulal al-Balawi l’aurait aidée à infiltrer des groupes islamistes radicaux – et même à trouver Ayman al-Zawahiri, l’insaisissable N°2 d’al-Qaïda. Mais il s’est avéré que cet informateur était également un assassin, dont l’attentat-suicide du 30 décembre [2009] contre
une base de la CIA en Afghanistan tua sept employés de l’Agence. » Claire Suddath, « Brief History: Double Agents », Time, 25 janvier 2010.
23. J’ai inclus le Laos dans cette liste du fait de la mascarade organisée durant laquelle le journaliste Joseph Alsop, après qu’on lui eut montré quatre villageois – dont l’un avait une blessure à la jambe – affirma que le Laos avait subi « une invasion à grande échelle menée par le Nord-Vietnam communiste et soutenue par leur artillerie. » (Voir chapitre 4).
24. En outre, les événements en Colombie furent outrageusement déformés par le Vice-président George H. W. Bush et par certains de ses collègues pour justifier
la Décision de Sécurité nationale d’avril 1986 (la Directive 211). Cette décision secrète conduisit finalement à la militarisation de l’interdiction de la drogue imposée par Bush ainsi qu’à l’agressive « initiative andine » de 1989. Voir Peter Dale Scott et Jonathan Marshall, Cocaine Politics: The CIA, Drugs, and Armies in Central America (University of California Press, Berkeley, 1998), pp.94-103 ; Peter Dale Scott, Drugs, Oil, and War: The United States in Afghanistan, Colombia, and Indochina (Rowman & Littlefield, Lanham, MD, 2003), pp.87-88.
25. Bruce Cumings, The Origins of the Korean War, Vol.2 (Princeton University Press, Princeton, NJ, 1990), p.611, p.613, accentuation ajoutée, citant William R. Corson, The Armies of Ignorance: The Rise of the American Intelligence Empire (Dial, New York, 1977), pp.315-21. Ce passage est intégralement cité dans Scott, Drugs, Oil, and War, p.61. Je ne suis pas non plus disposé à inclure dans cette liste l’invasion US du Panama en 1989. Toutefois, il a été avancé que l’un des incidents cités parmi les justifications de l’invasion – le meurtre d’un Marine non armé appelé Robert Paz – résultait potentiellement d’une provocation (« Il a aussi été rapporté par le Los Angeles Times que, ‘selon des sources civiles et militaires US’, l’officier tué était un membre des ‘Hard Chargers’, un groupe dont le but était de perturber les membres de la FDP [Force de Défense du Panama]. Il a aussi été rapporté que les ‘tactiques [de ce groupe] étaient bien connus des haut gradés de l’armée US’, qui étaient irrités par ‘les provocations panaméennes commises sous les ordres du dictateur Manuel A. Noriega’ » [Wikipedia, « United State Invasion of Panama », citant Los Angeles Times, 22 décembre 1990, « Some Blame Rogue Band of Marines for Picking Fight, Spurring Panama Invasion »).
26. 9/11 Commission Report, pp.261-62.

 


 
L’auteur
 
Docteur en sciences politiques et ancien diplomate, le Canadien Peter Dale SCOTT est l’auteur de nombreux ouvrages (dont La Route vers le nouveau désordre mondial) analysant la politique étrangère américaine, les narcotrafics et les opérations secrètes. Ses recherches et écrits mettent en lumière le concept de ce qu’il définit comme le « supramonde » (l’État profond dissimulé au sein de l’État public). Porte-parole du mouvement antiguerre lors du conflit vietnamien, il cofonda le programme d’études « Paix et Conflit » de la prestigieuse Université de Berkeley (Californie), où il enseigna la littérature anglaise durant près de 30 ans. Primé pour ses recherches en géopolitique, Scott est également un auteur reconnu pour son œuvre littéraire dans le domaine de la poésie.
 
 

 

Du même auteur, dans la collection Résistance :  

En lien avec cet article :

 


2 Responses to “Peter Dale Scott : La Machine de guerre américaine et les événements profonds”

  • kidkodak

     »il est temps d’affronter la déplaisante réalité démontrant que, mis à part l’Afghanistan, les principaux conflits dans lesquels les États-Unis se sont récemment engagés ont indéniablement été précédés par des preuves falsifiées d’attaques étrangères, à travers ce que j’ai appelé des événements profonds fabriqués (le Laos en 1959,[23] le Vietnam en 1964 et l’Irak en 2003).[24] »

    Pourquoi  »mis à part l’Afghanistan » ?

    Connaissons-nous les preuves ayant servit de prétexte aux E.U. pour attaquer l’Afghanistan et y entrainer l’Otan dans son sillon?

  • Supedro

    Excellent livre, comme tous ceux de Dale Scott.
    Nécessaire pour mettre en perspective les évènements marquants du dernier demi siecle et meme un peu plus.

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