Glenn Greenwald : Par nature, la « guerre contre le terrorisme » est une guerre sans fin

 
L’avocat général du département de la défense US, Jeh Johnson


Par nature, la "guerre contre le terrorisme" est une guerre sans fin

Alors que l’ancien juriste le plus important du Pentagone insiste sur le fait que la guerre doit être limitée dans le temps, les États Unis évoluent dans la direction opposée.
 
Par Glenn Greenwald, journaliste politique au Guardian, le vendredi 4 janvier 2013.
 
Traduit par François pour ReOpenNews
 
L’avocat général du Département de la Défense américain, Jeh Johnson, déclare que la responsabilité de la lutte contre al-Qaïda devrait être transférée aux organismes chargés de faire appliquer la loi dès lors qu’un "point critique" est atteint dans les actions engagées pour appréhender ce groupe.
 
Le mois dernier, l’ancien avocat général du Pentagone, Jeh Johnson, a prononcé un discours devant l’Oxford Union (Ndt : L’Oxford Union Society, communément appelée Oxford Union, est un forum de discussion fondé en 1823, basé en Angleterre à Oxford et qui jouit d’une réputation internationale pour la pertinence et la vivacité de ses débats) au cours duquel il a déclaré que la guerre contre le terrorisme devait prendre fin un jour ou l’autre :
 
"Maintenant que les opérations militaires contre al-Qaïda entrent dans leur 12ème année, nous devons nous demander comment on peut mettre un terme à ce conflit. La "guerre" doit être considérée comme une situation extraordinaire, non-naturelle et limitée dans le temps. Nous ne devons pas accepter que le conflit actuel, et tout ce qu’il implique, constitue une situation "normale". La paix doit être considérée comme la norme vers laquelle doit tendre en permanence l’humanité…
 
"Lorsqu’un certain nombre de membres d’al-Qaïda et des groupes qui lui sont affiliés auront été tués ou capturés et que ce groupe terroriste ne sera plus en mesure de préparer ou de lancer une attaque stratégique contre les États Unis, on pourra considérer qu’al-Qaïda est hors d’état de nuire."
 
Jeudi soir, Rachel Maddow interviewait Jeh Johnson sur MSNBC. Avant de démarrer l’entretien, elle a fait la remarque suivante :
 
"Quand prendra fin cette situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement ? Car si elle perdure indéfiniment – et je ne parle pas ici en tant que juriste, je parle juste en tant que citoyenne qui se sent moralement responsable des actes de mon pays – alors, sur le plan moral, cette situation ne peut pas être considérée comme une guerre. Et dans ce cas, notre pays est en train de tuer des gens et de les maintenir à l’écart du système judiciaire traditionnel d’une manière dont on ne nous pardonnera peut-être jamais."
 
C’est précisément le caractère « sans fin » de cette soi-disant "guerre" qui constitue l’élément le plus corrupteur et le plus menaçant de ce conflit, comme l’a expliqué Rachel Maddow. Et malgré les bonnes paroles de Jeh Johnson, cette "guerre" n’est pas prête de se terminer. Compte tenu de sa nature, c’est tout simplement impossible. Et pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil aux déclarations et aux actions de l’administration Obama.
 
En octobre dernier, Greg Miller, du Washington Post, a rapporté que l’administration américaine avait constitué une "matrice d’élimination" (Ndt : La "Disposition Matrix" est une base de données créée en 2010 et qui contient toutes les informations nécessaires pour trouver, capturer ou tuer les individus suspectés de terrorisme) pour déterminer comment se débarrasser des individus suspectés de terrorisme. La création de cette "matrice" est entièrement basée sur cette réalité : "Parmi les plus hauts responsables de l’administration Obama, il y a un large consensus autour du fait que de telles opérations se poursuivront pendant encore au moins une décennie." Comme dit Greg Miller : "Ce calendrier laisse entendre que les États-Unis ne sont qu’à mi-chemin de ce qu’on a appelé la guerre mondiale contre le terrorisme."
 
Les politiques successives adoptées par l’administration Obama pendant ces deux dernières années ne laissent aucun doute sur l’intensification, et non l’allègement, du dispositif militaire qui a sans cesse été renforcé  durant la précédente décade. Au nom de la guerre contre le terrorisme, l’actuel Président a dilué les "Miranda Warnings" établis il y a plusieurs décennies (Ndt : Ces droits fondamentaux ont été institués suite à un procès entre l’État d’Arizona et Ernesto Miranda au cours duquel il s’est avéré que la Constitution n’avait pas été respectée. Depuis cette époque toute personne arrêtée doit être informée, avant son interrogatoire, qu’elle peut garder le silence, que tout ce qu’elle dira pourra être retenu contre elle et qu’elle a droit a un avocat) ; codifié un nouveau dispositif de détention "illimitée" sur le sol américain ; comploté pour transférer Guantanamo dans l’Illinois ; augmenté le secret, la répression et les restrictions de libération dans le camp [de Guantanamo] ; créé de nouveaux pouvoirs présidentiels autorisant l’assassinat, y compris de citoyens américains;  reconduit le dispositif (institué par Bush et Cheney) de mise sur écoute sans mandat pour cinq années supplémentaires, ainsi que le Patriot Act (Ndt : Loi antiterroriste votée par le Congrès des États-Unis et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001. Elle permet notamment de détenir sans limite de durée et sans inculpation toute personne soupçonnée de projet terroriste), sans une seule modification; et vient de promulguer toutes les nouvelles restrictions concernant la libération des détenus emprisonnés pour une durée indéterminée.
 
Est-ce que cela vous laisse à penser que le gouvernement envisage de mettre bientôt un terme à la guerre contre le terrorisme ? Ou est-ce que cela ne ressemble pas plutôt à un gouvernement travaillant fébrilement pour rendre permanents ces pouvoirs de détention, de surveillance, d’assassinat et de secret qu’ils ont justifiés par le terrorisme ? Sur tous ces points, Anthony Romero, le directeur exécutif de l’American Civil Liberties Union – ACLU (Ndt : L’ACLU – Union américaine pour les libertés civiles – est une importante association américaine basée à New York dont la mission est de défendre et préserver les droits et libertés individuelles garanties à chaque citoyen par la Constitution et les lois des États-Unis) a fourni une réponse jeudi dernier : "Le Président Obama a complètement raté le premier test de son second mandat, avant même son investiture. Sa signature signifie que les détentions illimitées sans charge ni procès, ainsi que les tribunaux militaires illégaux seront prolongés."
 
Il y a une bonne raison pour que les dirigeants américains pensent que la "Guerre contre le terrorisme" va durer indéfiniment : En fait, leurs propres actions garantissent que cela se produira. Dans le New York Times de ce matin, Matthew Rosenberg analyse ce que le gouvernement américain semble considérer comme l’étrange phénomène des soldats afghans qui attaquent les troupes américaines de plus en plus fréquemment et, ce faisant, découvre une réalité choquante : le peuple afghan a fini par détester ceux qui occupent et bombardent leur pays :
 
"De telles attaques internes, par les forces de sécurité afghanes contre leurs alliés occidentaux, sont devenues la nouvelle signature de la violence en 2012, selon les termes d’un ancien haut-fonctionnaire américain. L’augmentation du nombre de ces attaques est un signe très clair que le ressentiment des Afghans vis à vis des étrangers est devenu ingérable, et plusieurs officiels américains ont exprimé leurs inquiétudes quant aux effets négatifs qu’elles ont sur la mission d’entraînement qui est au cœur du plan de retrait américain en 2014 …"
 
"Mais derrière tout cela, plusieurs coalitions importantes et de nombreux représentants Afghans en arrivent à la conclusion qu’après environ 12 années de guerre, le  regard que portent beaucoup d’Afghans sur les étrangers tends à refléter celui des talibans. L’espoir s’est transformé en haine, et certains trouvent là une raison de passer à l’action."
 
"Une grande part de ces attaques internes sont imbibées du discours de l’ennemi – le discours selon lequel les infidèles doivent être chassés – sauf que ces attaques ne sont pas perpétrées par l’ennemi" a déclaré un officier supérieur de la coalition qui a souhaité conserver l’anonymat vu le caractère sensible de ces attaques pour les Américains et les Afghans."
 
En d’autres termes, plus d’une décennie d’occupation et de brutalité dans ce pays ont amené un large pan de la population à adhérer aux idées des Taliban, dans la mesure où ces idées signifient : volonté des Afghans d’utiliser la violence pour forcer les Américains et leurs alliés à quitter leur pays. Comme toujours, les américains – à travers les politiques d’agression et de militarisme engagées au nom du terrorisme – fabriquent les vrais terroristes que ces politiques sont censées combattre. C’est un système parfait d’auto-perpétuation.
 
Il se produit exactement la même chose au Yémenrien n’est plus efficace pour pousser les Yéménites dans les bras d’al-Qaïda que les attaques de drones qui se sont intensifiées sous Obama. Ce matin, le Times rapportait que les attaques aériennes américaines au Yémen sont menées en étroite coopération avec les forces aériennes de l’Arabie Saoudite, ce qui ne fera qu’exacerber le problème. En fait, pratiquement tous ceux qui ont été accusés d’avoir préparé des attentats terroristes contre des cibles américaines dans ces dernières années ont expressément mentionné l’augmentation de la violence, de l’agression et du militarisme américain dans le monde musulman comme étant la cause de leurs actes.
 
Il ne fait aucun doute que cette guerre va continuer indéfiniment. Il ne fait aucun doute que les actions américaines sont la cause de tout cela, le carburant qui alimente le feu. La seule question – et ça devient de moins en moins une question pour moi – est de savoir si cette guerre sans fin est le résultat escompté des actions américaines ou juste les effets indésirables d’un mauvais calcul.
 
Il est de plus en plus difficile de trouver des arguments en faveur de cette dernière éventualité. Les États-Unis savent depuis longtemps, et leurs propres études l’ont clairement démontré, que le terrorisme n’est pas motivé par "la haine de nos libertés" mais par la politique d’agression américaine dans le monde musulman. Ce lien de causalité n’est pas nouveau pour le gouvernement américain. Malgré cela – ou, plus exactement, à cause de cela – ils continuent avec les mêmes politiques.
 
Deviner les motivations d’un autre peuple est un exercice très difficile (déterminer nos propres motivations n’est déjà pas très facile). Cela devient encore plus difficile quand on essaye d’identifier  les motivations non pas d’un seul acteur mais d’un groupe d’individus ayant chacun des motivations et des intérêts différents ("le gouvernement américain").
 
Mais ce qu’on peut dire avec certitude, c’est que les responsables américains n’ont aucune raison de vouloir mettre fin à la guerre contre le terrorisme et de nombreuses et importantes raisons de vouloir la continuer. C’est toujours en temps de guerre que le pouvoir des hommes politiques est le plus fort et le moins limité. Cicéron, 2000 ans plus tôt, avait prévenu que "La guerre, c’est le silence du droit" (Inter arma enim silent leges). Dans son article N°4 du Federalist, John Jay (Ndt : Homme politique de la fin du 18ème qui a rédigé une partie des "Federalist Papers" – 85 articles – dans lesquels il critique l’organisation du gouvernement américain et propose un système plus centralisé et plus puissant) avait prévenu qu’en vertu de cette vérité, "les nations feront la guerre chaque fois qu’elles pensent obtenir quelque chose par ce moyen … pour des raisons et des objectifs purement personnels, comme la soif de gloire militaire, une revanche à prendre suite à des affronts personnels, l’ambition, ou des accords privés pour agrandir ou soutenir leurs familles ou leurs partisans."
 
Si vous étiez un leader américain, ou un membre important de l’État de Sécurité Nationale (ndt : Le National Security State est une doctrine établie par la loi sur la sécurité nationale de 1947 et qui s’appuie notamment sur une limitation de la démocratie – l’armée étant l’autorité suprême – et une obsession de l’ennemi), ou quelqu’un ayant des intérêts dans les industries militaires et de surveillance privées, pourquoi voudriez-vous que la guerre contre le terrorisme s’arrête ? Ça serait la pire chose qui puisse vous arriver. Car c’est cette guerre qui génère des pouvoirs sans limite, des secrets impénétrables, des citoyens qui ne posent pas de questions, et d’énormes profits.
 
Cette semaine, un juge fédéral a acté que l’administration Obama n’était pas tenue de répondre à la requête du New York Times et de l’ACLU qui demandent que soient rendus public les arguments juridiques du gouvernement permettant au Président de croire qu’il peut décider de faire assassiner des citoyens américains en dehors de toute procédure régulière. Tout en reconnaissant que sa décision était pernicieuse – "Le côté Alice-au-pays-des-merveilles de cette décision ne m’a pas échappé" et elle constitue "un véritable cas de Catch-22" (Ndt : Référence au roman éponyme de Joseph Heller. Ce terme est passé dans le langage courant et décrit une situation dans laquelle la seule solution possible ne peut être mise en œuvre à cause d’une circonstance inhérente au problème ou à cause d’une règle) – le juge fédéral a néanmoins expliqué que la cour fédérale avait construit un tel bouclier protecteur autour du gouvernement américain au nom du terrorisme que cela constituait pratiquement une autorisation illimitée à violer même les droits les plus élémentaires : "Je ne trouve rien dans l’arsenal juridique ou la jurisprudence qui autorise l’exécutif à proclamer comme parfaitement légales des actions qui semblent à première vue incompatibles avec notre constitution et nos lois tout en gardant secrètes les raisons qui l’ont amené à cette conclusion."
 
Pourquoi un membre du gouvernement aurait-il intérêt à mettre fin à cette aubaine génératrice de pouvoir et de profit qu’on appelle "la guerre contre le terrorisme" ? Jey Johnson a raison quand il dit que cette guerre doit se terminer rapidement, et Rachel Maddow a raison quand elle dit que si on ne le fait pas, tous ces meurtres, ces emprisonnements, ces invasions et ces bombardements effectués en dehors de toute règle et dans l’illégalité seront moralement indéfendables et historiquement impardonnables.
 
Mais l’idée même que le gouvernement américain puisse envisager de mettre un terme à tout cela est une chimère, et croire qu’ils pourraient le vouloir est un fantasme. Ils se préparent pour d’autres guerres sans fin ; leurs actions alimentent cette guerre ; et ils continuent à retirer d’innombrables profits de son prolongement. Seule une contrainte externe, venant des citoyens, peut rendre possible la fin de tout cela.

 


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8 Responses to “Glenn Greenwald : Par nature, la « guerre contre le terrorisme » est une guerre sans fin”

  • Henri

    Quand j’ai entendu « guerre contre le terrorisme » dans la bouche de notre président, 11 ans après, mon sang n’a fait qu’un tour. Comment osent-ils ? Cette expression est tout sauf représentative des choix engagés, mais politiquement « ça passe », car Bush a martelé cette expression jusqu’à plus soif.

    Le choix sémiologique de notre président :
    http://www.marianne.net/La-guerre-contre-le-terrorisme–version-Francois-Hollande_a225780.html

    La réalité de l’horreur de la guerre (des milliers de FOIS les victimes du 11 septembre, dans l’indifférence générale)
    http://www.iraqbodycount.org

    La réalité de ce que coûtent les guerres (et qui profite énormément à certains)
    http://costofwar.com

  • Théo

    MOI AUSSI ! Je souhaite faire la guerre contre :

    - La bêtise
    - La faim dans le monde
    - L’ignorance
    - L’oppression
    - L’insalubrité
    - La corruption
    - La pauvreté
    - La pollution

    On ne déclare pas la guerre à un concept.

  • H.

    Il est évident que le combat mené par les personnes qui en appellent à la réouverture du dossier 9-11 et à une enquête indépendante libérée du boisseau de l’omerta Bush-Cheney versus Biden-Obama, ouvre sur un champ bien plus vaste de la conscience humaine et il s’agit de s’informer sur les temps présents et l’actualité dans toute sa complexité.

    Lire par exemple le blog de Paul Jorion est un minimum en ce qui concerne l’hygiène de l’esprit et l’expression d’une volonté pour chacune et chacun de ne pas se soumette au nouvel esclavagisme qui vient et de lui résister.

    En ce jour, sur ce même blog de Paul Jorion, il y a un « billet invité ». Il est bon de faire un lien entre le combat de ce blog-ci et cet article. Le combat pour  » l’ ÉLUCIDATION  » est le même. Car se battre contre les mensonges en boucle, l’omerta généralisée ou les faux-semblants de l’époque contemporaine est une nécessité pour notre survie présente et future.

    Ce combat pour la vérité, cette nécessité pour l’affirmation de nos libertés, dépasse en effet de loin la seule problématique du 9-11. N’est-il pas temps enfin ( ! ) de mettre en lien ce qui fut trop longtemps séparé et que les indignations plurielles et fécondes tentent aujourd’hui de rassembler sur toute la surface de la planète ? A quoi assistons-nous en vérité au delà du simple évènement du 9-11?

    Merci de lire la suite. Il s’agit de réfléchir à la problématique générale de  » l’ ÉLUCIDATION  » . Que voulons-nous élucider en vérité au delà du 9-11 ?

    Un billet invité sur le site de Paul Jorion qui doit nous interpeller :

     » Le Belge  » a dit / article  » LE SPECTRE DE NÉRON :

     » ELUCIDER me semble un verbe indiqué pour décrire l’une des fonctions de ce blog. Ce beau mot signifie au départ « éclairer », puis au sens figuré « rendre clair », c’est-à-dire « expliquer ». Nous l’utilisons volontiers au sens de « tirer au clair », « résoudre » une énigme, un mystère, un crime. Je lui prête pour ma part une signification supplémentaire, psychanalytique ou sacrée, qui serait « porter à la lumière (de la conscience) ».

    Je veux dire par là que, sans doute, ce blog contribue à nous éclairer quant aux horreurs de la finance, aux erreurs des économistes et aux errements des politiques… mais qu’il remplit un autre rôle beaucoup plus essentiel : mettre en lumière certains des secrets les mieux gardés d’une civilisation ayant élevé le déni du réel au rang de grand art.

    Au fil des billets parus ici depuis de nombreuses années, chacun est amené à prendre conscience de l’extraordinaire énergie dépensée par les élites dirigeantes pour dissimuler et se dissimuler ce qui est à l’œuvre, moins par malveillance que par ignorance et aveuglement.

    Bien sûr, nous assistons en ce moment (et ce blog y contribue de manière décisive) à l’effondrement des mythes fondateurs du capitalisme… mais le capitalisme n’est lui-même que l’avatar tardif d’un rapport au monde délirant. L’agonie du capitalisme n’est que le symptôme d’un mal plus profond. Ce que nous vivons en réalité, c’est l’extinction d’un récit fondateur de l’espèce humaine toute entière, récit porté très haut par la civilisation occidentale. Non pas que cette civilisation soit promise à la destruction, au contraire… Elle est promise à la guérison, ce qui est bien pire.

    Quel est ce mythe, ce récit fondateur ? C’est celui qui fait de l’Homme un héros, et de l’Homme de l’Ouest, singulièrement, son plus brillant héritier, porteur (tour à tour et selon les époques) de Salut, de Paix, de Progrès, de Culture, de Liberté, de Démocratie. Sans doute, toutes les civilisations ont développé un comportement de « colonisateur opportuniste ». Mais aucune n’a, comme l’Occident, masqué sa barbarie sous tant d’atours raffinés et fleuris : philosophiques, théologiques, juridiques, moraux ou, aujourd’hui, économiques. Et c’est ce refoulement de sa propre barbarie qui désormais n’est plus possible.

    Osons regarder en face l’Homme Occidental véritable : c’est Néron, ému aux larmes en jouant suavement de la lyre, cependant que le monde incendié par ses soins brûle dans le lointain… Insouciante et délirante cruauté qui se transmettra à travers les âges…

    Voici l’évêque qui monte en chaire pour prêcher le massacre du Sauvage ou de l’Infidèle au nom du Christ… Voici l’économiste du FMI qui condamne à mort, d’une équation, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants à travers le monde… Voici cette brave femme, passée par l’expérience de Stanley Milgram, qui vient d’assassiner son « élève » à coup de décharges électriques et se décrit comme hypersensible, incapable de faire du mal à une mouche. Et nous voici, vous et moi, capables de tout lors d’une simple panne d’électricité dans le métro.

    Les discours et les mythes fondant le rôle bienfaisant de l’Homme de l’Ouest pouvaient résister à l’épreuve du Réel tant qu’il s’en allait piller d’autres terres, dévaster d’autres civilisations que la sienne, incendier d’autres lieux que sa propre maison… Lui-même pouvait croire que c’était « pour le bien de la Création ou pour la Marche du Monde » que les « Nègres » et les « Indiens » périssaient par millions. Mais ce temps-là est révolu…

    Aimé Césaire l’avait noté dans son « Discours sur le colonialisme » : la seconde Guerre Mondiale a marqué un tournant définitif… Le crime contre l’homme s’est étendu au crime contre l’homme blanc. La violence du colonisateur s’est retournée de manière effroyable contre ses semblables… Chose inouïe, traumatisme suprême, que seul un refuge dans la fabrication d’objets et dans la consommation de masse a permis à nos pères d’occulter… Mais cela n’a pas suffi, et revoici, sur le territoire occidental, les mêmes vieux spectres shakespeariens, les mêmes vieilles ombres rancunières…

    Tout se passe comme si la violence tapie sous nos évangiles sacrés ou profanes ne pouvait plus être dissimulée, même à nos propres yeux. Nos mythes et récits fondateurs ne peuvent plus être pris au sérieux par personne, surtout pas par nous-mêmes. Dès lors, la crise que nous vivons possède pour nous, Occidentaux, une dimension cruciale et largement sous-estimée : celle d’une crise identitaire gravissime, capable de conduire le malade au meurtre, au suicide ou à la folie.

    Quand tout le monde sera rentré d’Afrique, d’Irak et d’Afghanistan, c’est bien le spectre de Néron qui reviendra hanter les remparts de la forteresse Europe… Et nous devrions prendre très au sérieux ce revenant-là…

    Que faire? Par quoi passe la guérison?

    Précisément par un processus d’ELUCIDATION de ses noirs desseins, de ses fonctionnements obscurs et inavoués, sans aucune complaisance. Il s’agit de prendre la mesure de sa propre indignité, d’imposer le silence, comme disaient les Indiens, à sa langue fourchue. De voir de quels monstres nos Savoirs, nos Cultures et nos Idéologies ont accouché. Alors, quelque chose pourra être mis au jour, qui vaudra pour tous les hommes et nous rendra, enfin, une œuvre à accomplir, et du cœur à l’ouvrage.

    C’est à cette élucidation difficile et périlleuse que ce blog invite… Et c’est à cette élucidation que l’élite occidentale résiste désespérément, cramponnée à son héritage, de toutes les forces qui lui restent  »

    Article sur le site de Paul Jorion :
     » LE SPECTRE DE NÉRON, par Un Belge  »
    http://www.pauljorion.com/blog/?p=50255#more-50255

  • Gil

    …Car c’est cette guerre qui génère des pouvoirs sans limite, des secrets impénétrables, des citoyens qui ne posent pas de questions, et d’énormes profits…. tout est dit
    Et Orwell avait bien raison .. La guerre (chez eux) c’est la paix (chez nous)

  • Popol

    Prétendre combattre un fléau qui vise à terroriser les populations en lui servant ainsi de caisse de résonance, et donc en favorisant et amplifiant l’effet recherché par les prétendus adversaires est pour le moins contradictoire avec le but affiché par les autorités ! Et donc suspect !

    Ou comment inquiéter, voire « terroriser » sa propre population, sous couvert de vouloirr la protéger !

  • kidkodak

    9/11 Truth v BBC (court case 25/2/13) – Tony Rooke
    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=7MoIQ3Ic0CE

  • Marcel Chapoutier

    A propos de lutte anti-terroriste, un vieux serpent de mer, sous Giscard dans les années 70 le gouvernement français signalait aux autorités chiliennes dirigées par Pinochet, le retour d’opposants chiliens.

    En outre Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur entre 1974 et 1977. En visite officielle à Buenos Aires en octobre 1977. Il n’est alors plus ministre de l’Intérieur, mais « représentant personnel du président Valéry Giscard d’Estaing ». Petite déclaration de l’intéressé lors de son passage dans la capitale argentine repris dans le quotidien La Nacion, il félicita les généraux argentins pour leur « bon travail » dans la lutte anti terroriste et conclu sa déclaration par : « Le terrorisme constitue une situation de guerre, et tous les États sont solidaires pour le combattre. La France est solidaire de toutes les luttes contre le terrorisme ».

    Je recommande la lecture du livre (et le film) de Marie Monique Robin « Escadrons de la mort, l’école française » éditions « La Découverte » très édifiant sur les principes de la guerre anti-subversive, pratiquée au Vietnam puis en Algérie, méthodes qui ont été ensuite exportées et enseignées et mise en pratique aux Amériques, USA, Argentine, Chili, Brésil.

  • cancer 2001

    Le « terrorisme » permet aux Etats creer son « ennemi » quqnd on veut et por le temps qu’on veux … et le faire disparaitre de la même façon … comme Ben Laden …

    Le bon terroriste et le mauvais terroriste ….
    La bon dictature et la mauvaise dictaure ….
    Le bon crime de guerre et le mauvais crime de guerre …

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