Un ex-officier de la CIA condamné à deux ans de prison pour avoir divulgué le nom d’un responsable de la torture

Alors que Reporters Sans Frontières lance aujourd’hui le site "We Fight Censorship" censé lutter contre la censure, force est de constater que pour Bradley Manning, Julien Assange, ou ici John Kiriakou, les dénonciations de certaines pratiques dans un pays généralement présenté comme un modèle sont sanctionnées de façon à dissuader ceux qui seraient tentés de faire de même.


John Kiriakou


Un ex-officier de la CIA condamné à deux ans de prison pour avoir divulgué le nom d’un responsable de la torture

Des activistes pensent que la punition infligée à John Kiriakou est plus liée à ses révélations sur la pratique de la torture qu’au fait d’avoir dévoilé l’identité d’un agent de la CIA.

 

Par Natasha Lennard, le 23 octobre 2012 sur Salon.com.Traduit par François
 

L’ancien officier de la CIA John Kiriakou a plaidé coupable mardi pour avoir divulgué à la presse l’identité d’un "agent secret de la CIA". Kiriakou, qui a dénoncé le programme de l’Agence concernant les "renditions spéciales" (NdlR : ces "renditions" visent à transférer sans contrôle judiciaire des individus vers des pays pratiquant la torture et le meurtre) et l’utilisation du "Waterboarding" (simulation de noyade) lors des interrogatoires, purgera une peine de deux ans et demi de prison, mais l’accusation ne portait que sur la révélation de l’identité du responsable du programme d’interrogatoire Thomas Donahue Fletcher.

En effet, Kiriakou ayant plaidé coupable, le ministère public a abandonné toutes les autres charges et notamment celles relevant de la loi sur l’espionnage (Ndt : Cette loi, promulguée en 1917 puis amendée et complétée à de nombreuses reprises, est basée essentiellement sur la protection des informations relatives à la défense nationale – lesquelles informations ne peuvent être communiquées qu’aux seules personnes habilitées).

Kiriakou, 48 ans, a travaillé comme agent secret à la CIA pendant la première mandature du Président Georges W. Bush et a pris part aux opérations visant à capturer des individus suspectés d’appartenir à Al-Qaida au Pakistan. En 2007, lors d’une intervention sur la chaîne ABC, il a révélé des informations concernant le programme de la CIA "Renditions, Détention, Interrogatoire" (RDI).

A l’origine, cet ancien agent de la CIA faisait face à quatre chefs d’accusation dont la divulgation à la presse du nom du responsable du programme RDI et des révélations sur le rôle d’un autre agent de la CIA ainsi que, selon le rapport du FBI de janvier sur cette affaire, "deux accusations de violation de la Loi sur l’espionnage pour avoir communiqué illégalement des informations concernant la défense nationale à des personnes non autorisées".

Selon Associated Press, le directeur de la CIA David Petraeus a envoyé un mémo à l’Agence dans lequel il considère la condamnation de Kiriakou comme "une importante victoire pour notre Agence, pour la communauté du renseignement et pour notre pays. Les serments ont une valeur et, de ce fait, il y a des conséquences pour ceux qui se croient au dessus des lois qui protègent nos collègues et permettent aux agences de renseignement américaines d’opérer avec le niveau de secret requis."

De nombreux activistes et experts en droit ne partagent pas cet enthousiasme. Jesselyn Radack, une juriste qui travaille sur le projet de comptabilité gouvernementale, a écrit dans le Daily Kos : "Le fait que John Kiriakou ait été contraint de plaider coupable constitue un tragique épilogue à l’histoire de la torture : Kiriakou sera envoyé en prison pendant que Fletcher profitera tranquillement de sa retraite à Vienne (Virginie) en toute sécurité sous la protection de ‘l’administration la plus transparente de toute l’histoire’."

Radack a noté, en accord avec un récent rapport du Firedoglake, que le nom de Fletcher n’était déjà plus un secret avant que Kiriakou ne le dévoile, alimentant les accusations selon lesquelles sa condamnation était essentiellement liée à ses révélations sur le programme de torture américain.

 

  Natasha Lennard est Rédacteur en chef adjointe du site d’information généraliste américain Salon.com


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