Quand le FBI organise un complot, il est sûr de trouver les coupables


Si vous n’avez pas les moyens de réaliser un attentat, le FBI peut sûrement vous fournir tout ce dont vous avez besoin, même l’idée au départ ! En cherchant bien, on peut toujours trouver des gens peu futés pour faire un peu tout et n’importe quoi pour de l’argent. Mais de là à organiser un complot dans le but de faire sauter 2 synagogues et détruire un avion en vol à l’aide d’un missile Stinger, il faut un peu plus que de la bêtise et de la motivation. Ce fut tout le rôle de Shahed Hussain, un pakistanais devenu informateur pour le FBI afin de ne pas être expulsé des USA, qui montera l’opération de A à Z dans l’affaire des Quatre de Newburgh. Le FBI, par l’intermédiaire de Shahed Hussain, pourvoira à tout : plan, matériel, transport, repas, argent, etc. Il ne manquait que 4 pigeons pour occuper le seul rôle restant de toute l’opération : prendre 25 ans de prison pour justifier la politique de lutte antiterroriste. Cette affaire est loin d’être un cas isolé, et il y a de quoi se poser des questions sur la nécessité de ce genre de pratique de la part du FBI, consistant à entraîner des personnes dans des opérations terroristes créées de toute pièce contre de l’argent, au lieu de faire en sorte qu’aucun attentat ne se prépare réellement. C’est tout le fond de cet article paru sur Slate.com et que nous faisons suivre d’un court article du Monde.fr qui nous fait le plaisir de relayer cette histoire incroyable de complot du FBI.


Les Quatre de Newburgh ne sont pas les seuls à avoir été piégés par des complots incités par le FBI
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Les Quatre Pathétiques de Newburgh

par Ted Conover sur Slate.com le 23 novembre 2010

 

Rien ne semblerait plus urgent pour le renseignement intérieur que de surveiller les sources de terreur à domicile. Agir en amont implique le recours à des informateurs, puisque les cellules sont clandestines et doivent être infiltrées. Le bon sens suggère que, dans la recherche des vilains, certains codes postaux soient plus intéressants pour le FBI que d’autres.

Les Américains semblent unanimes dans leur soutien à ce qui précède. Et pourtant, devons-nous accepter les résultats indignes de cette action obtenus à ce jour ? Pourquoi le réseau antiterroriste du gouvernement attrape-t-il des vauriens peu convaincants : des hommes noirs proches de mosquées qui, en échange d’une promesse financière, s’engagent dans des actions stupides qui n’auraient jamais eu lieu s’il n’y avait eu un informateur grassement payé pour les y inciter ? (MAJ le dernier ajout à cette liste pourrait bien être Mohamed Osman Mohamud, un citoyen somalien naturalisé américain que le FBI a arrêté vendredi et accusé de préparer l’explosion d’une bombe à Portland, Oregon).

 
Ces poursuites ne sentent pas bon et cette odeur s’est récemment répandue dans mon propre quartier, Riverdale dans le Bronx. Le mois passé, si vous avez raté la nouvelle, quatre repris de justice Afro-Américains de Newburgh, New York, ont été condamnés pour avoir planifié le dynamitage de deux synagogues locales, dont l’une très proche de chez moi. Le gouvernement a publié une photo de trois d’entre eux en train de faire des repérages, photo qui est parue dans notre journal local le jour de leur condamnation.
 
Un des hommes sur la photo est un informateur du FBI, Shahed Hussain. L’affaire semble d’une grande simplicité – jusqu’à ce que vous entendiez parler de Hussain, conduisant une Mercedes rutilante, et sous le pseudonyme de Maqsood, commençant à fréquenter la mosquée délabrée Masjid al-Ikhlas de Newburgh en 2008. Les responsables de la mosquée affirment qu’il rencontrait les fidèles dans le parking après la prière, leur offrant des cadeaux et leur disant qu’il y avait beaucoup d’argent – 25.000 dollars – à gagner s’ils l’aidaient à mettre en œuvre le jihad. L’imam assistant a déclaré que la probabilité que Hussain soit un informateur était si grande que c’était « comme si un néon brillait au-dessus de lui ». Un fidèle a dit à un journaliste qu’après coup, tout le monde s’est dit qu’il aurait fallu le démasquer ou le dénoncer. « Peut-être avons-nous fait l’erreur de ne pas le dénoncer », a-t-il dit. Mais comment dénoncer au gouvernement les agents du gouvernement ?
 
Hussain a offert des repas aux quatre hommes, car ils n’avaient ni travail, ni argent. Le propriétaire d’un restaurant de Newburgh, dans lequel ils mangeaient occasionnellement ensemble, considérait Hussain comme « le patron », car c’était lui qui réglait l’addition. D’autres incitations ont été faites, comme l’offre de 250.000 dollars et une BMW au comploteur ayant le discours le plus antisémite de la bande, James Cromitie, l’homme que le gouvernement décrit comme le leader. Pour conduire sa BMW, Cromitie aurait d’abord dû passer son permis – vu qu’il ne l’a pas. Un autre comploteur, un Haïtien, est un schizophrène paranoïaque (selon le site TomDispatch.com du journal The Nation) et conservait des bouteilles d’urine dans son appartement sordide (selon le New York Times). Les deux autres, tous deux prénommés William, ont un passé de saisies de drogue et de petits boulots à Newburgh. Durant le procès, le gouvernement a affirmé que le complot était motivé par une haine de l’Amérique. Mais, dans les documents déposés au tribunal par les avocats de la défense avant le début du procès, Cromitie déclare dans sa déposition avoir expliqué à Hussain que les hommes « le feraient pour l’argent. […] Ils ne pensent même pas à la cause. »
 
Hussain a fourni à sa bande de pieds-nickelés deux fausses bombes fabriquées par le gouvernement – pleines de câbles et de minuteries, mais sans danger. Il les a emmenés au Connecticut pour leur montrer un missile Stinger (neutralisé par le FBI), qu’ils pourraient utiliser pour abattre des avions à la base de la Garde nationale de Steward. Lorsque Cromitie a fait mine de se retirer, en disant qu’il ne voulait pas tuer des femmes et des enfants, Hussain l’a harcelé, lui disant qu’il ternissait sa réputation. Le FBI a payé 100.000 dollars à Hussain pour son travail.
 
L’arrestation des Quatre de Newburgh a été chorégraphiée à la perfection. Un hélicoptère de la police filmait en direct leur déplacement jusqu’au parking de Saw Mill River dans la voiture de Hussain. Après qu’ils eurent déposé les fausses bombes à la synagogue et au centre juif de Riverdale, qui sont peu distants, un dispositif policier massif s’est manifesté : une semi-remorque aménagée bloqua une extrémité de la rue, un camion blindé l’autre, pendant qu’une nuée d’agents en civil se précipitait arme au poing sur les suspects, cassait les vitres de leur 4×4 et les en extrayait. Dans l’heure qui suivit, le maire Michael Bloomberg, le chef de la police Ray Kelly et d’autres officiels étaient sur place et se félicitaient, devant les caméras de télévision, de la capture de ces dangereux criminels et de leur aversion pour, selon les termes du maire : « ce qui aurait pu être un événement dramatique pour la ville ». Un responsable de la sécurité a assuré le public que les actes des quatre hommes « avaient été complètement sous contrôle à tout moment ». Ce qui semble être largement en-deçà de la réalité. Le gouvernement a manipulé ces hommes comme des marionnettes. Apparemment, ils n’avaient jamais entendu parler d’informateurs qui, comme Hussain, trompaient des pauvres types pour les transformer, comme eux, en mauvais sujets. Des cas similaires existent, comme celui des Sept de Liberty City, un groupe de quasi-SDF en Floride qui, encouragés par le gouvernement, ont conspiré pour faire exploser les tours Sears à Chicago, ou les Six de Fort Dix, dont le projet d’attaque de Fort Dix dans le New Jersey dépendait d’informations se trouvant sur un itinéraire parsemé de livraison de pizzas.
 
Personne ne dira que les accusés de Riverdale sont des saints. James Cromitie est particulièrement détestable : il a été enregistré à de multiples occasions en micro caché déclarant souhaiter la mort des Juifs. Mais l’Amérique est pleine de gens haineux, et avoir des pensées mauvaises est bien différent que de prendre des mesures pour les mettre en œuvre. A leur procès devant la Cour fédérale de Manhattan, qui dura deux mois et se termina par leur condamnation le 18 octobre [2010], les avocats de la défense ont défendu la thèse du piège, affirmant que leurs clients n’étaient pas prédisposés à l’attentat terroriste ; que c’était la planification de Hussain, ses encouragements et ses promesses qui les avaient conduits à rejoindre le jihad.
 
Mais la défense reposant sur la thèse du piège a échoué dans la trentaine de procès impliquant un informateur depuis le 11-Septembre selon Karen Greenberg du Centre sur le droit et la sécurité de l’Université de New York, et qui a assisté au procès des quatre hommes. Elle a déclaré au New York Times, à propos de ce dossier : « Si ce cas n’est pas celui d’un piège, alors nous ne verrons jamais un tel cas dans un procès pour terrorisme ». Le piège est difficile à prouver – le fardeau de la preuve revenant à la défense, qui doit répondre à diverses questions relatives à la prédisposition à commettre le délit, par exemple : Qui a acheté les armes ? Qui a initié le complot ? Qui a choisi la cible ? Qui a choisi les comploteurs ?
 
Dans un procès comme celui des Quatre de Newburgh dans lequel les accusés devaient répondre d’actes de terrorisme, la défense, m’a dit Greenberg, devrait poser des questions sur les fondements idéologiques de la conspiration : Qui a suggéré l’interprétation de l’islam comme promouvant le jihad ? Qui a parlé de collaborer avec Lashkar-e-Taiba ? (comme les accusés pensaient le faire). Les jurés doivent aussi comprendre qu’un discours antisémite est différent d’une conspiration terroriste.
 
Puisque les spécialistes du droit s’accordent pour dire que la thèse du piège est le pilier central de la défense contre un excès gouvernemental, son inefficacité dans ces cas semble mettre en cause la légitimité du gouvernement dans leur lutte antiterroriste à l’intérieur du pays menée par des informateurs. Selon Greenberg, cela indiquerait aussi que la définition légale devrait être revue. « C’est une vue de l’esprit », dit elle, mais l’inefficacité répétée de la thèse du piège « pourrait suggérer qu’il y a quelque chose que la profession [légale] doit examiner ». Ceci vaut particulièrement dans le climat actuel, les terroristes présumés étant « coupables jusqu’à la preuve de leur culpabilité ».
 
Et qu’en est-il de cette focalisation sur les mosquées ? Jon Sherman, un juriste ayant écrit un article marquant sur la thèse du piège l’an passé, pense que « nous consacrons bien plus d’argent au terrorisme intérieur dans les communautés musulmanes que dans les communautés pauvres et abandonnées qui soutiennent les milices en Ohio, au Tennessee et au Michigan. […] Si un effort équivalent d’infiltration était réalisé par des informateurs dans ces communautés, on pourrait aboutir à autant de procès, sinon plus. » James J. Wedick, un ancien du FBI avec 35 ans de carrière qui a témoigné pour la défense dans des dossiers de terrorisme, a tenu des propos similaires dans Business Week cet automne, notamment que depuis le 11 septembre, il y a eu un « usage agressif d’individus payés généreusement pour infiltrer des communautés ethniques et chercher des individus intéressés à nuire au pays ». Il se demandait si cette stratégie pouvait permettre d’attraper des terroristes, ou « des gens qui ont un problème psychique et qui fantasment sur le dynamitage des tours Sears, mais sont incapables de sortir de leur lit le matin ».
 
Cette stratégie nationale antiterroriste semble correspondre à l’envoi de petits démons tentateurs dans les communautés musulmanes, qui s’asseyent sur l’épaule des gens et leur susurre à l’oreille. On peut imaginer qu’il ne manque pas d’Américains qui avec assez d’argent et autres incitations, pourraient se laisser entraîner dans des délits de droit commun ou politiques : vente de drogue, attaque d’homosexuels ou de minorités ethniques. Mais est-ce que le fait d’agiter des carottes pour récompenser le mal rend-il le pays plus sûr ? Sans le FBI, je ne crois pas que les Quatre de Newburgh s’en seraient pris à mon quartier ou à quiconque.
 
 
Traduction : Jacques pour ReOpenNews 
 


Trois hommes condamnés à 25 ans de prison dans un complot monté par le FBI

LeMonde.fr avec AFP le 30 juin 2011

 

"Il n’y avait pas de complot préexistant (…). Je n’ai jamais entendu des faits pareils", a avoué la juge Colleen McMahon au terme de trois heures d’audience, mercredi 29 juin, au tribunal fédéral de Manhattan. Et pourtant, les trois hommes qui étaient jugés ont bel et bien été condamnés à 25 ans de prison dans une affaire de terrorisme montée par le FBI.

TENTATIVES D’ATTENTATS

En mai 2009, James Cromitie, 45 ans, David Williams, 30 ans, Onta Williams, 35 ans, et Laguerre Payen, 37 ans, étaient arrêtés alors qu’ils s’apprêtaient à poser des bombes près de deux synagogues du quartier de Riverdale dans le Bronx, à New York.

Or, c’était un des informateurs du FBI en contact avec ces hommes depuis un an qui leur avait fourni des explosifs. Inutilisables au demeurant. Les quatre hommes ont également été accusés d’avoir eu l’intention de tirer sur des avions militaires avec des missiles sol-air. Mais l’enquête a révélé qu’ils ne s’étaient jamais procuré ces missiles.

"Le gouvernement a, à l’évidence, construit le crime, sélectionné les chefs d’accusation, tout fourni. Si cela n’est pas suffisant pour prononcer un non-lieu, je ne vois pas ce qu’il vous faut", a martelé l’avocate des accusés, Susanne Brody.

Ainsi, l’informateur du FBI a mis très longtemps avant de convaincre James Cromitie de se lancer dans cette opération. Ce "petit trafiquant de drogue", tel que l’ont évoqué les avocats et la juge, n’a cédé que lorsqu’il a perdu son emploi dans un magasin de la chaîne Wal-Mart et s’est retrouvé criblé de dettes, tandis que l’informateur lui promettait argent, voitures et vacances. Et il a aussi eu du mal à trouver des complices. "Il ne les connaissait même pas", a plaidé l’avocate.

"L’ATTITUDE DU GOUVERNEMENT DOIT CHANGER"

"Je n’ai jamais été un terroriste et je ne serai jamais un terroriste. Je me suis mis dans cette galère stupide organisée par le gouvernement, je suis désolé. Je suis un citoyen américain, je n’ai même jamais voyagé hors des Etats-Unis", a clamé James Cromitie.

En octobre 2010, un jury fédéral avait reconnu les trois hommes coupables de huit chefs d’inculpation. Les plus graves leur faisaient encourir une peine comprise entre 25 ans de prison et la perpétuité.

Hier, la juge de Manhattan les a condamnés à 25 ans. Exprimant tout de même de lourdes réticences : "Je ne peux pas ne pas appliquer la loi, mais je crois que l’attitude du gouvernement doit changer", a-t-elle déclaré Colleen McMahon.

Les avocats ont annoncé qu’ils allaient faire appel des trois condamnations. Celle de Laguerre Payen a été reportée sine die après une demande d’expertise psychiatrique déposée par la défense début juin.

 



Reportage vidéo sur l’affaire des Quatre de Newburgh par la chaîne RT (en anglais) :

En lien avec l’article :

 


 

6 Responses to “Quand le FBI organise un complot, il est sûr de trouver les coupables”

  • Doctorix

    Le 11 septembre, qu’est-ce que c’est d’autre?
    Première fois que je suis aussi bref, mais tout est dit en moins de dix mots.

  • Et quand ce sont les militaires qui organisent, ça donne quoi ? :-p

  • André

    Aux USA, il est possible d’accuser pour 25 ans de prison des personnes que le gouvernement aura poussé à la faute. (En France, ces mêmes conditions sont irrecevables).

    Aux USA, il est possible qu’une femme de ménage puisse en moins d’une heure traîner dans la boue l’un des hommes les plus puissants de la planète. (En France, nous avons la présomption d’innocence).

    Aux USA, le Patriot-Act permet d’incarcérer quasiment n’importe qui, n’importe où et n’importe quand, sous prétexte de terrorisme (avéré ou non n’est même pas la question).

    Aux USA, un soldat comme Bradley Manning dénonçant les crimes de guerre de son pays peut être emprisonné dans des conditions inhumaines.

    Bienvenue dans l’exemplarité auto-proclamée de la plus grande « démocratie » du monde.

  • robin

    Si le Monde publie des nouvelles pareilles, c’est soit un instant d’inattention et le responsable va être viré, soit qu’ils commencent à sentir l’odeur du goudron et des plumes

  • roblin
  • H.

    @Robin

    C’est l’été, un(e) stagiaire aura été embauché(e) pour faire le travail que ses ainés ne voulaient pas faire depuis dix ans et si il surgit un problème ( on ne sait jamais, hein ?… ) le fusible
     » stagiaire  » ou  » CDD de dix jours  » sautera et tout rentrera dans l’ordre. Et puis pendant  » les vacances  » il est clair que l’audience n’est pas la même et cela n’aura pas grande incidence sur l’architecture générale de la propagande. A la rentrée tout rentrera dans l’ordre, Michel Denisot, Philippe Val, Marin Karmitz, Slate.fr et Caroline Fourest pourront aboyer en traitant les esprits critiques et sceptiques de  » nazislamistes  » et on retrouvera les bons « marronniers » du moment ….Voyez comme en à peine 24 heures les discours sur les Talibans ont changé depuis l’annonce des futurs retraits US et Frenchie d’Afghanistan : les journalistes suivant leurs maîtres et n’utilisant que le vocabulaire de leurs mémaîtres viennent de trouver dans les montagnes des « Talibans Modérés  » . Une nouvelle espèce de  » terroristes  » dont visiblement aucun ethnologue n’avait encore repéré la présence.

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