Vingt-trois anciens agents de la CIA condamnés en Italie

Nous avions rapporté dans une précédente ReOpenNews que la Cour de cassation italienne avait reconnu au gouvernement italien le droit d’invoquer le secret d’État concernant l’affaire des vols secrets de la CIA en Europe [1]. En particulier, le rapt illégal par la CIA puis la torture d’un imam soupçonné d’activités terroristes avaient conduit des magistrats à inculper 35 personnes, dont 26 agents de la CIA. Nous déplorions cette décision qui semblait avoir réduit à néant l’espoir de voir aboutir le seul procès fait en Europe à ce jour, à la suite des rapports d’enquêtes menées en 2006 par le Parlement européen et le Conseil de l’Europe [2]. Au final, seuls 5 membres des services secrets italiens auront bénéficié de la protection conférée par le secret d’État et 23 des 26 agents de la CIA inculpés ont été condamnés par contumace.
 


(AFP) Rapt d’un imam en Italie : 23 ex-agents CIA condamnés, leur chef échappe aux poursuites


Abou Omar

MILAN (Italie) – Un tribunal italien a condamné mercredi 23 ex-agents de la CIA et deux Italiens pour l’enlèvement en 2003 d’un imam égyptien à Milan, mais a abandonné les poursuites contre l’ex-chef de la CIA à Rome et les anciens numéros un et deux du renseignement militaire italien.

Au total, 26 Américains étaient jugés par contumace et sept Italiens pour le rapt en pleine rue à Milan (nord) en février 2003 de l’imam Abou Omar.

Les Américains condamnés sont l’ex-responsable de la CIA à Milan, Robert Seldon Lady, qui s’est vu infliger huit ans de prison, et 22 autres ex-agents qui devront purger en principe cinq ans de réclusion. Deux ex-agents italiens ont été condamnés à trois ans de prison.

L’organisation humanitaire Human Rights Watch s’est réjouie du verdict, même si les plus hauts responsables ont échappé à une condamnation. "Personne n’a été considéré comme innocent", a souligné Joanne Mariner de HRW.

Le tribunal de Milan a en effet renoncé à poursuivre l’ancien numéro un de la CIA en Italie, Jeffrey Castelli, et deux autres ex-agents, Betnie Madero et Ralph Russomando, en arguant qu’ils étaient protégés par leur "immunité diplomatique" en tant que fonctionnaires américains à Rome.

De même, le tribunal a décidé l’abandon des poursuites contre l’ancien numéro un du renseignement militaire italien (Sismi) Nicolo Pollari, son ancien adjoint Marco Mancini et trois autres ex-responsables des services secrets. M. Mancini est apparu visiblement satisfait, flanqué de ses avocats qui lui conseillaient de ne pas faire de déclarations.

Le juge Oscar Maggi a fait valoir que les cinq ex-responsables italiens étaient protégés par "le secret d’Etat" et ne pouvaient pas être jugés. Les avocats de la défense avaient justement argué de l’impossibilité de prouver l’innocence de leurs clients en raison de la confidentialité des détails de l’affaire.

Le colonel Luciano Seno, condamné à trois ans, a qualifié la sentence de "folie". "Comment se fait-il qu’eux soient relaxés et moi condamné ?" a-t-il lancé.

Par ailleurs, le tribunal a condamné tous les accusés jugés coupables à indemniser l’ex-imam à hauteur d’un million d’euros, en lui laissant la possibilité de réclamer davantage devant un tribunal civil, et à verser 500.000 euros à sa femme.

Abou Omar avait été enlevé dans une rue de Milan le 17 février 2003 au cours d’une opération coordonnée entre le Sismi et la CIA. Ses avocats affirment qu’il a été torturé dans la prison de haute sécurité où il était détenu en Egypte et ont réclamé 10 millions d’euros de dommages et intérêts.

Ce procès était hautement symbolique, car c’est le premier en Europe sur les transfèrements secrets par la CIA de personnes soupçonnées de terrorisme vers des pays connus pour pratiquer la torture, après les attentats du 11 septembre 2001.

(©AFP / 04 novembre 2009 19h07)

Voir aussi la vidéo d’Euronews


Note ReOpenNews :

[1] Lire l’article de l’ex-député européen Giulietto Chiesa sur les vols secrets de la CIA en Europe : "L’archipel des prisons secrètes de la CIA" (publié dans Le Monde Diplomatique)

[2] Dans ce même article, Chiesa écrivait à ce propos : "D’après le rapport de M. Dick Marty, président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, de nombreux États de l’Union « n’ont pas été victimes de machinations américaines », puisqu’ils y auraient « participé volontairement » à différents degrés."

One Response to “Vingt-trois anciens agents de la CIA condamnés en Italie”

  • Baz

    Formidable avancée dans la lutte contre les crimes de l’ère Bush. Espérons que ce soit une boite de Pandore juridique pour les 80.000 autres concernés… Décidémment, 2009 est un bon cru pour le mouvement. Que d’avancées juridiques, scientifiques et médiatiques depuis ces 3 dernières années…
    Continuons !

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