GITMO Files : Pourquoi les US libèrent-ils de Guantanamo des détenus considérés comme à haut-risque ?
Suite en deux volets de notre série sur les "Guantanamo Files", ces dossiers de prisonniers de Guantanamo récupérés et diffusés en avril dernier par Wikileaks, qui contiennent des informations collectées par les autorités US sur plus de 700 détenus passés par les geôles illégales américaines. L’un des aspects les plus étranges, et que l’on retrouve aussi bien dans l’article de BBC News que dans la brève d’Associated Press que nous vous proposons ici, est que certains prisonniers auraient été libérés alors qu’ils étaient considérés comme particulièrement dangereux, "à haut risque", et qu’ils auraient participé à des attentats meurtriers au début des années 2000 au Pakistan notamment. Cela est d’autant plus surprenant que l’on sait par ailleurs que parmi les 172 prisonniers toujours enfermés à Guantanamo, une quarantaine ne sont pas classés comme "dangereux".
D’après des documents secrets, un assassin d’al-Qaïda travaillait pour le MI6
paru dans BBC News, le 26 avril 2011
Traduction GV pour ReOpenNews
Selon certaines sources, un militant présumé d’al-Qaïda suspecté de l’attentat à la bombe contre un hôtel de luxe et deux églises en 2002 au Pakistan était un informateur du MI6.
Adil Hadi al Jazairi Bin Hamlili a été emprisonné à Guantanamo Bay entre 2003 et 2004.
Le Guardian affirme avoir eu accès à des fichiers secrets de Wikileaks qui le décrivent comme un assassin d’al-Qaïda.
D’autres documents de Wikileaks laissent penser qu’une mosquée du nord de Londres servait de véritable « refuge » pour les extrémistes islamiques.
D’après ces documents, 35 hommes emprisonnés à Guantanamo étaient allés combattre les forces occidentales en Afghanistan après avoir été endoctrinés en Grande-Bretagne.
Les documents US pointent du doigt deux prédicateurs de la Mosquée de Finsbury Park comme étant les principaux recruteurs : Abu Hamza et Abu Qatada.
Ces révélations proviennent d’un rapport publié par le Daily Telegraph sur la base d’autres documents montrant que Londres était au centre d’un véritable réseau mondial du terrorisme.
Ces dossiers, rédigés par les commandants militaires US, indiquent qu’à partir de la fin des années 1990, la mosquée a attiré de jeunes hommes provenant du monde entier, qui étaient radicalisés avant d’être envoyés dans des camps d’entrainement en Afghanistan.
On y lit aussi que 35 détenus sont passés par la Mosquée de Finsbury Park ou par d’autres centres comme celui de Regent’s Park ou des mosquées de l’Est londonien, ainsi que par un local situé au-dessus d’un bar près de Baker Street.
Des responsables du Renseignement US ont déclaré que Finsbury Park servait de « base pour l’élaboration de la propagande et la préparation d’attentats » d’al-Qaida.
Le correspondant de la BBC spécialiste de la sécurité Franck Gardner a précisé que certains de ces dossiers faisaient apparaitre le MI6 sous un jour très sombre.
Il indique que « la plupart de ces informations ne me surprennent pas…de mon point de vue [les autorités] ont complètement sous-estimé la dangerosité des recruteurs et des prédicateurs comme Abu Qataba et Abu Hamza. »
Le Guardian précise que d’après son dossier à Guantanamo, M. Hamili était considéré comme un « homme de main, un transporteur, kidnappeur, et assassin travaillant pour al-Qaïda ».
Les interrogateurs US pensent qu’il travaillait également comme informateur pour les services secrets britanniques.
Renvoyé en Algérie
Mais malgré ces accusations, il n’a jamais été amené devant les tribunaux, et bien qu’il ait été renvoyé dans son pays natal l’Algérie, nous ne savons pas s’il est toujours en garde à vue.
Wikileaks a publié ce week-end les dossiers de 759 détenus de Guantanamo.
Ces dossiers indiquent aussi :
- Que le gouvernement US soupçonnait la BBC d’être potentiellement un média de propagande pour al-Qaida, car, selon le journal The Telegraph, plusieurs personnes suspectées de terrorisme ont été retrouvées en possession du numéro de téléphone d’un bureau de la BBC. Le directeur de BBC Global News, Peter Horrocks, a envoyé une lettre au Telegraph dans laquelle il conteste catégoriquement leur interprétation de ces dossiers.
- Qu’al-Qaida a caché une bombe nucléaire en Europe et la ferait exploser si Oussama Ben Laden venait à être capturé.
- Qu’al-Qaida a tenté de recruter des employés de l’aéroport d’Heathrow.
M. Hamlili a été capturé au Pakistan en juin 2003 et emmené au centre de détention de Bagram en Afghanistan, où il a été interrogé par la CIA.
Les agents de la CIA auraient ainsi appris qu’il travaillait comme informateur pour le MI-6 et les services secrets canadiens depuis 2000.
Mais la CIA affirme également qu’il aurait « caché d’importantes informations aux services de renseignements canadiens et britanniques…et l’accuse d’être une menace pour le personnel américain et celui des pays alliés en Afghanistan et au Pakistan ».
Khalid Sheikh Mohammed, qui a apparemment reconnu être le cerveau des attaques du 11/9, aurait avoué lors d’interrogatoires qu’Hamlili était derrière les attaques à la grenade de mars 2002 contre une église d’Islamabad qui avait tué 5 personnes.
M. Mohammed aurait aussi indiqué qu’Hamili était responsable d’un attentat contre une église au Pakistan en décembre 2002 où trois enfants avaient perdu la vie.
D’autres rapports des renseignements US indiquent que M. Hamlili « serait impliqué » dans l’attentat à la bombe contre l’hôtel Sheraton en mai 2002 qui a tué 11 ingénieurs français et deux citoyens pakistanais. (photo ci-dessus – Ndlr)
BBC News, 26.04.2011
Traduction GV pour ReOpenNews
D’après Wikileaks, les États-Unis savaient que des détenus de Guantanamo étaient innocents.
Associated Press, 25 avril 2011
Traduction STTC pour ReOpenNews
WASHINGTON (AFP) – Des documents secrets [récemment] divulgués révèlent que les États-Unis ont détenu pendant plusieurs années des centaines de prisonniers totalement innocents ou présentant un faible risque, alors qu’ils ont relâché de Guantanamo des douzaines de détenus à "haut risque".
D’après le New York Times, de nouvelles fuites révèlent que des prisonniers ont été détenus sans procès sur la base d’informations souvent teintées de graves lacunes, provenant soit de codétenus atteints de maladies mentales ou peu fiables, soit de suspects maltraités ou soumis à la torture.
Le Times fait partie d’un groupe de médias américains et européens incluant également le Daily Telegraph, NPR, El Pais, Le Monde, Der Spiegel et La Repubblica auxquels ont été communiqués 779 documents en provenance du site web "lanceur d’alertes" WikiLeaks.
Selon le Daily Telegraph, au moins 150 [détenus] étaient d’ innocents Afghans ou Pakistanais, chauffeurs, fermiers ou chefs de tribus, qui ont été arrêtés dans le cadre d’opérations frénétiques de collecte de renseignements dans des zones de guerre, pour être ensuite emprisonnés plusieurs années à cause d’erreurs sur leur d’identité ou simplement pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment.
Le British Daily indique que les analystes militaires US estiment globalement que 220 seulement des personnes ayant été détenues à Guantanamo étaient de dangereux extrémistes.
Le Telegraph mentionne un autre groupe de 380 suspects [arrêtés dans le cadre] de la "Guerre contre la terreur" de l’ère George W. Bush, qui sont considérés comme des fantassins subalternes qui se sont rendus en Afghanistan ou faisaient partie des Taliban.
Des officiers supérieurs US auraient conclu que pour plusieurs dizaines de cas de suspects il n’y avait "aucune raison valable justifiant le transfert" vers la base navale US [située] au sud-est de Cuba.
D’après la chaine de radio publique NPR [National Public Radio – Radio nationale publique, NDT], certains fonctionnaires de Guantanamo avaient conscience que dans deux cas au moins, ils retenaient des hommes innocents derrière les barreaux, et ils en firent même état par écrit dans les dossiers d’internement, mais plusieurs mois ont passé avant que ceux-ci ne puissent retourner dans leur pays d’origine.
Le New York Times note que dans le même temps, approximativement un tiers des quelque 600 personnes ayant été transférées dans des pays tiers avaient été étiquetées "à haut risque " avant d’être relâchées ou remises à d’autres gouvernements.
Parmi les 172 prisonniers toujours enfermés à Guantanamo, 130 ont été classés comme posant un "haut risque " pour les États-Unis et leurs alliés.
Alors que les Etats-Unis et leurs alliés cherchent à soutenir les forces antigouvernementales qui luttent pour chasser l’indéracinable homme fort libyen Mouammar Kadhafi, des documents jettent le trouble sur la position des USA et de leurs Alliés et montrent qu’un des instructeurs présumés des rebelles aurait des liens bien plus étroits avec Al-Qaïda qu’on ne le supposait jusque-là.
La radio NPR rapporte qu’Abou Soufian ben Qoumou a été impliqué dans des activités extrémistes violentes pendant deux décennies, a opéré comme instructeur dans deux camps d’Al-Qaïda, a combattu avec les Taliban contre l’Union Soviétique et l’Alliance du Nord, et a servi de chauffeur au chef d’al-Qaïda Oussama Ben Laden.
La NPR ajoute qu’après un séjour de six ans à Guantanamo, les États-Unis ont accepté de le remettre aux autorités libyennes en 2007, à la demande de Kadhafi. Les autorités libyennes l’ont libéré l’été dernier.
Le Times indique que les fiches de chacune des 779 personnes qui ont transité par la prison depuis 2002 ne révèlent que peu de détails sur les techniques d’interrogatoires musclés utilisées à Guantanamo, qui incluaient des privations de sommeil et des simulations de noyade, et qui ont suscité une forte réprobation dans le monde entier.
Selon l’article [du Times], le cas le mieux documenté d’un interrogatoire abusif à Guantanamo décrit l’examen coercitif en 2002 et 2003 de Mohammed Qahtani, un ressortissant saoudien dont on croyait qu’il avait participé au complot du 11 septembre 2001.
D’après le journal, Qahtani avait été tenu en laisse comme un chien, humilié sexuellement et contraint d’uriner sur lui-même.
"Alors que les enregistrements diffusés au public prétendent que le détenu était soumis à des techniques d’interrogatoire sévères dans les premiers stades de sa détention", comme indiqué dans le dossier de Qahtani, ses aveux "apparaissent comme véridiques et corroborés par des rapports provenant d’autres sources".
Il semble cependant qu’un certain nombre de prisonniers aient fait de fausses déclarations de torture.
Dans leurs Mémoires ultra-secrètes d’Evaluation des Détenus, (Detainee Assessment Briefs, ou DABs) des analystes militaires ont également fourni de nouvelles informations à propos du détenu le plus en vue, Khalid Sheikh Mohammed (KSM), le cerveau autoproclamé des attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis.
KSM a été accusé d’avoir, aux environs de mars 2002, exigé d’un résident temporaire de Baltimore qu’il revête un équipement de suicide piégé à l’explosif et d’exécuter une attaque "martyre" contre le président pakistanais de l’époque, Pervez Musharraf.
Mais au final, cette mission s’avéra être une simple épreuve pour tester la " volonté de mourir pour la cause" de Majid Khan.
L’administration Barrack Obama qui s’est débattue pour fermer Guantanamo, a dénoncé la regrettable parution de documents classés faisant partie d’un vaste ensemble de mémos secrets envoyés à WikiLeaks l’an dernier.
Dans une déclaration le gouvernement a indiqué que les administrations Bush et Obama n’ont "épargné aucun effort pour agir avec le plus grand soin et la meilleure diligence dans le transfert de détenus en provenance de Guantanamo".
Le communiqué ajoute "les deux administrations ont fait de la protection des citoyens américains leur première priorité et nous craignons que la divulgation de ces documents puisse être préjudiciable à ces efforts."
Associated Press, 25.04.2011
Traduction STTC pour ReOpenNews
En lien avec cet article :
- The Guardian : Selon les « Guantanamo Files », un terroriste d’al-Qaïda travaillait pour les Services secrets britanniques | paru dans The Guardian, le 26 avril 2011
- Cour suprême des USA : appel rejeté, cinq Chinois ouïghours resteront à Guantanamo | paru dans Le Parisien (AFP), le 18.04.2011
- Obama aurait-il décidé d’empêcher les avocats de défendre les suspects du 11 Septembre ? | par Nick Baumann, sur Mother Jones, le 11 avril 2011
- Le Progrès de Lyon : 11-Septembre, les éléments à charge contre les cinq accusés | paru sur Le Progrès de Lyon, le 10 avril 2011
- Accusés du 11-Septembre : finalement ce sera un tribunal militaire (+ Comm.de Presse d’Amnesty International) | paru sur radio-canada.ca, avec le New York Times et le Washington Post, le 13 nov. 2009
- Un prisonnier afghan meurt à Guantanamo sans qu’aucune charge n’ait jamais été retenue contre lui | paru sur GlobalPost, le 3, février 2011
- Appel de Giulietto Chiesa aux associations de défense des droits civils | ReOpen911 & AgoraVox, le 16 déc. 2010
- USA : Vers une loi autorisant la détention illimitée et sans procès ? | John Burton sur World Socialiste Web Site, traduction emcee, le 26 déc. 2010
Et aussi :
- Arrêt sur Images : Wikileaks s’attaque à l’arbitraire de Guantanamo (article réservé aux abonnés)
Articles en anglais :
- Les Guantanamo Files sur le site de Wikileaks : http://wikileaks.ch/gitmo/
- L’éditorial du New York Times du 25 avril 2011 : The Guantánamo Papers
- … et les innombrables articles que vous trouverez en faisant une recherche de "Guantanamo Files"…
« L’administration Barrack Obama qui s’est débattue pour fermer Guantanamo …»
C’est les détenus qui n’ont pas voulu le fermer, ou Fidel castro ?