Afghanistan : état des lieux
"Quelques jours seulement avant de célébrer le 224ème anniversaire de la Déclaration d’Indépendance qui a libéré l’Amérique d’un pouvoir colonial résidant à l’autre bout du monde, le Congrès a approuvé l’attribution de 33 milliards de dollars de plus pour soutenir la tentative américaine d’occuper et contrôler, à l’autre bout du monde, un pays terriblement pauvre, l’Afghanistan." David Lindorff
L’article ci-dessous, publié par Le Grand Soir, revient sur l’Afghanistan exsangue après 9 ans de conflits armés. Les civils, premières victimes abandonnées à un fonctionnement social détruit, subissent des violences redoublées en 2010. Le second article, tiré du site de l’ONG Première-Urgence, fait l’état des lieux d’un pays meurtri que corrobore le reportage diffusé par France 24 : Survivre en Afghanistan.
Guernica , 1937
(Madrid, Musée d’art moderne de la Reine Sophie, huile sur toile / noir et blanc / 3.5 m x 7.8 m)
Cette trés grande toile exprime toute l’horreur et la colère ressenties par le peintre espagnol Pablo Picasso à la suite du bombardement de Guernica lors de la guerre d’Espagne, et deviendra rapidement le symbole de l’horreur de la guerre en général.
L’Afghanistan en ruines (Counterpunch)
16 juillet 2010, Anthony DIMAGGIO, counterpunch
La violence en Afghanistan s’est accrue en 2010 en raison de "l’escalade" américaine de la poursuite des Talibans et du nombre croissant des attaques sur les civils afghans. Ces attaques ont atteint leur plus haut niveau depuis l’invasion des USA en 2001 selon l’organisation pour les droits de l’homme Afghanistan Rights Monitor (ARM). ARM estime que plus de 1000 civils ont été tués cette année et 1500 blessés. Et dans le même temps les Talibans "sont devenus plus résistants, plus adaptables et plus meurtriers".
On pense que les USA sont responsables du tiers environ des morts civiles tandis que les forces des Talibans seraient à l’origine de plus de 60 pour cent des morts. Le rapport de l’ARM de ce mois-ci constitue un aveu notable de la part de ceux qui sont sur le terrain que la promesse des USA d’aider à "stabiliser" l’Afghanistan et à réduire la violence et le terrorisme s’avère plus rhétorique que réelle. Les 140 000 soldats supplémentaires que les USA ont envoyé en Afghanistan semblent avoir mis les Afghans en plus grand danger de mort encore en provoquant une escalade de la violence qui rend le pays de plus en plus incontrôlable.
Des études sociales récentes de l’ONU indiquent que l’Afghanistan demeure un des pays les plus misérables de la planète. L’espérance de vie n’y est hélas que de 44 ans et il n’y a pas de pays au monde (à part le Niger) où elle soit plus faible. Les statistiques de l’ONU pour le Développement Humain de 2009 montrent que l’Afghanistan fait partie des 10% du monde où la production intérieure brute (PIB) est la plus faible, des 20% du monde où le taux d’alphabétisation est le plus faible, des 4% où l’espérance de vie est la plus basse et des 30% où la malnutrition des enfants est la plus grande. L’Afghanistan a cependant des résultats excellents dans un domaine : celui de l’émigration. L’Afghanistan figure dans les 30% du monde où le taux d’émigration est le plus élevé, ce qui est indicatif de la terrible menace que l’occupation USA-NATO fait peser sur les civils.
La popularité de la guerre en Afghanistan est à son plus bas niveau historique en ce milieu d’année 2010. Les Américains semblent conscients que la situation dans le pays ne progresse pas, au contraire elle empire en termes de pertes humaines civiles afghanes et militaires américaines. L’opposition publique grandissante est le signe que la rhétorique d’Obama pour défendre la guerre perd chaque jour de sa force et de son pouvoir de conviction. Selon un sondage de Newsweek, le pourcentage d’Américains qui ne sont pas d’accord avec la manière dont Obama gère le conflit a doublé, passant de 27% en février à 55% en juin. Selon le Washington Post-ABC, alors que 52% d’Américains étaient en faveur de la guerre juste après le discours d’élection d’Obama en décembre 2009, ce chiffre est tombé à 44% au début de juin 2010. Dès avril de cette année, le sentiment que cette guerre "ne valait pas la peine" d’être menée et qu’il fallait s’y opposer était partagé par une majorité d’Américains.
Les pertes américaines en 2010 ont été les pires de toute la guerre. Elles ont atteint une moyenne de 32 soldats par mois alors qu’en 2009 elles étaient de 29 par mois et 13 par mois en 2008. Les pertes américaines ont en fait augmenté régulièrement chaque année depuis 2001, témoignant du sacrifice croissant que ce conflit exige du peuple américain. Les médias américains ont largement ignoré l’augmentation des pertes américaines et même depuis qu’ils ont commencé à en parler à la fin de 2009, peu d’articles ont paru sur le niveau historique des pertes. Il semble que les journalistes aient bien appris leur leçon et qu’ils ne veuillent pas "jouer les trouble-fêtes" dans une guerre que les deux partis politiques soutiennent en dépit de l’opposition grandissante des citoyens.
Anthony DiMaggio
Anthony DiMaggio est le directeur de media-ocracy (www.media-ocracy.com), un quotidien Internet qui se consacre à l’étude des médias, de l’opinion publique et de l’actualité. Il est l’auteur de When Media Goes to War ("Quand les médias partent en guerre") (2010) et de Mass Media, Mass Propaganda ("Médias de masse, propagande de masse") (2008). On peut le joindre à mediaocracy@gmail.com
Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/dimaggi…
Traduction : D. Muselet
REPORTAGE France 24 : SURVIVRE EN AFGHANISTAN
Vendredi 10 avril 2009
Alors que les civils payent un lourd tribut aux combats entre les Talibans et les forces occidentales, les reporters de FRANCE 24 se sont rendus dans le Sud de l’Afghanistan pour découvrir leurs conditions de vie. L’année dernière, le nombre de soldats étrangers tués dans les combats en Afghanistan a dépassé le millier. Mais le pays a aussi connu un autre record, dramatique : une augmentation de 40 % du nombre de victimes civiles de la guerre.
Afghanistan : un pays meurtri à reconstruire
Première urgence, 27.06.2008
Depuis plus de deux décennies, le peuple afghan n’a jamais connu la paix. D’abord contre les Soviétiques, puis entre les seigneurs de guerre et enfin contre le régime Taliban, la guerre a ravagé le pays. Avec un bilan des affrontements successifs qui s’élève à 1,5 million de morts et 6 millions de réfugiés ou déplacés (Source : Rapport spécial, Mission FAO/PAM d’évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires en Afghanistan, 2 juillet 1998), l’Afghanistan a payé le prix fort.
Après les opérations militaires américaines, consécutives aux événements du 11 Septembre, et malgré le retour à une certaine stabilité, le pays est totalement ruiné et pour la majorité de la population, les conditions de vie restent excessivement précaires. Le nombre de handicapés, de veuves, d’orphelins et de chômeurs est parmi les plus élevés au monde. Les statistiques concernant le taux de mortalité infantile et maternelle, l’espérance de vie, l’accès aux soins de santé et à l’eau potable sont parmi les plus alarmantes du globe et en recul progressif. (Source : Rapport mondial sur le développement, PNUD, Ed.2002, p265). L’Afghanistan est aujourd’hui plus que jamais en situation humanitaire grave.
Notre action
Aide aux populations déplacées et amélioration de l’alimentation en eau potable de la région de Kandahar.
Contexte
Le sud du pays est le lieu de transit pour les populations afghanes de tout le pays qui s’étaient réfugiées en Iran et au Pakistan. Mais une sécheresse qui maintenant dure depuis 3 ans dans cette région, alors que le nord du pays a bénéficié de meilleures conditions climatiques, a accru le manque de ressources qu’ils partagent avec les communautés locales et a des effets désastreux sur l’économie de la région. Les tensions entre les deux communautés quant à l’accès à l’eau potable se sont exacerbées et les conditions sanitaires sont en constante dégradation.
Objectifs
Notre programme a pour objectif principal d’améliorer l’accès à une eau potable pour les populations les plus vulnérables des zones rurales du district de Panjwayi, afin de réduire les maladies en relation avec l’eau ou la contamination fécale et orale par la construction de latrines et une prise de conscience sur l’hygiène de la population ciblée.
Les objectifs indirects sont de réduire les tensions entre les deux communautés et d’améliorer les conditions de vie générales.
Il se déroule en plusieurs phases :
* La distribution de 120 tentes à 120 familles de déplacés pour leur procurer des conditions de logement minimum.
* La construction de 300 latrines (dans les camps et les villages) pour augmenter le niveau d’hygiène personnelle des populations les plus vulnérables.
* La construction de 50 puits équipés de pompes manuelles pour augmenter l’accès à l’eau potable sur le long terme, en terme de qualité et de quantité.
* La distribution de 1500 kits de cuisine pour permettre le stockage de l’eau et de la nourriture dans de bonnes conditions.
* La distribution de 3000 colis hygiène afin d’améliorer le niveau de connaissance sur l’hygiène et les conditions sanitaires des deux communautés.
Chronologie des évènements en Afghanistan depuis 1979
Décembre 1979 : Arrivée des Soviétiques en Afghanistan. Soulèvement populaire contre le gouvernement soviétique de Kaboul.
1989 : Retrait des Soviétiques présents en Afghanistan depuis 1980. La guerre civile éclate entre la population majoritaire pachtoune du Sud et de l’Est et les minorités ethniques du Nord (Tadjiks, Ouzbeks, Hazaras, et Turkmènes).
Avril 1992 : Chute du régime pro-soviétique de Kaboul.
1994 : Émergence des talibans sur la scène afghane. Début de la "conquête talibane".
1996 : Retour d’Oussama Ben Laden en Afghanistan.
Septembre 1996 : Les Talibans s’emparent de Kaboul.
7 août 1998 : Attentat à la bombe contre les ambassades des EU à Nairobi et à Dar Es Salaam.
1998 : La résolution 1214 de l’ONU exige la livraison de Ben Laden à la justice internationale.
15 octobre 1999 : Le Conseil de Sécurité de L’ONU adopte la résolution 1267 qui impose un embargo aérien à l’Afghanistan et le gel des fonds et ressources financières des dirigeants talibans à l’étranger, l’interdiction d’investissements.
19 décembre 2000 : Avec la résolution 1333, l’ONU décrète un embargo sur les armes et le matériel militaire destinés aux Talibans, la fermeture des camps d’entraînement de terroristes.
11 septembre 2001 : Deux avions de ligne détournés s’écrasent sur le World Trade Center à New York. Un troisième se crashe sur le Pentagone et un quatrième en Pennsylvanie. Les soupçons se portent sur l’organisation Al Qaeda d’Oussama Ben Laden.
7 octobre 2001 : Vague de bombardements américano-britanniques sur l’Afghanistan, à Kaboul, Mazar-e-Sharif et Kandahar, le fief des talibans.
19 octobre 2001 : La deuxième phase de l’opération "Liberté immuable" commence, avec l’envoi de troupes commandos d’une centaine de rangers sur le terrain, dans la région de Kandahar.
31 octobre 2001 : Les frappes s’intensifient.
7 novembre 2001 : Plus de 135 000 Afghans se sont réfugiés au Pakistan depuis le 11 Septembre.
14 novembre 2001 : Le Conseil de sécurité de l’ONU demande, à l’unanimité, "une aide humanitaire d’urgence" pour les Afghans.
5 décembre 2001 : Les représentants des principales ethnies afghanes s’accordent sur la formation d’un gouvernement de transition, mené par le pachtoune Hamid Karzaï.
22 décembre 2001 : Mise en place d’un gouvernement intérimaire pour 6 mois en Afghanistan.
21-22 janvier 2002 : Conférence de Tokyo sur la reconstruction de l’Afghanistan.
14 juin 2002 : Election de M. Hamid Karzaï, président du gouvernement de transition.
En lien avec l’article
- Economie de l’Afghanistan / Wikipedia
- Le financement de la guerre en Afghanistan (Counterpunch) / le Grand Soir 9 juillet 2010 / Par Dave Lindorff
- Afghanistan. Trois mesures concrètes pour améliorer les conditions de vie de la population / Amnesty International 30 mars 2009
- De nombreux résultats / Die Bundesregierung 1 février 2008
ReOpenNews
- Afghanistan : RIEN NE VA PLUS (1) / Le Monde avec AFP et Reuters 4 juillet 2010
- Afghanistan: RIEN NE VA PLUS, suite (2) / New York Time 21 juillet 2010 par E. Sanger
- Afghanistan: RIEN NE VA PLUS, suite (3) / La croix.com 22 juillet 2010
- Le coût en vies humaines de l’Operation Enduring Freedom / 8 juillet 2010