L’art de la guerre : L’éternelle jeunesse de l’OTAN (+ Vidéo de « Ce soir ou jamais » sur l’OTAN)

Ce que les grands médias hexagonaux semblent avoir retenu du récent sommet de l’OTAN, outre la "remarquable" attitude de chef d’État de Hollande, reste le calendrier du retrait des troupes françaises d’Afghanistan. On ne trouve que peu de lignes sur les raisons d’être en 2012 de cette entité militaire et encore moins sur la nouvelle phase de déploiement du bouclier anti-missile européen par les USA. Pourtant, à regarder les invités hier du plateau de Frédéric Taddeï, il semble bien que cette remise en cause de l’OTAN et de ses vrais objectifs existe en France et a droit de cité sur une chaine télé nationale. En effet, les journalistes Michel Collon, Donald Morrison, Anne Nivat, l’essayiste Laurent Artur du Plessis, l’éditeur et écrivain Slobodan Despot, ou encore Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture malienne et écrivain, et le jeune historien Thomas Rabino (apparemment très au fait des développements sur le 11-Septembre) ont eu vite fait de faire taire les protestations atlantistes de la géopoliticienne Catherine Grandperrier. Une émission à conserver dans nos archives !

 

 L’OTAN, facteur de Paix ou créateur de guerres ?

 


L’art de la guerre : L’éternelle jeunesse de l’OTAN

par Manlio Dinucci, Il Manifesto, le mardi 22 mai 2012

Traduction Marie-Ange Patrizio pour mondialisation.ca

L’OTAN, qui s’est autocélébrée avec le Sommet de Chicago, a 63 ans, mais ne les fait pas : sur sa nouvelle carte d’identité elle a vingt ans. Pendant la guerre froide, écrit-elle dans son autobiographie officielle, elle ne mena aucune opération guerrière, mais se limita à « assurer la défense de son propre territoire contre la menace du Pacte de Varsovie ». Elle ne dit pas cependant que celui-ci fût formé six ans après l’OTAN. C’est avec la fin de la guerre froide, à la suite de la dissolution du Pacte de Varsovie et de l’URSS en 1991, que l’OTAN renaît à une nouvelle vie. En gardant quand même sa marque : le commandement Usa. En juillet 1992, elle lance sa première opération de « réponse aux crises », la Maritime Monitor, pour imposer un embargo à la Yougoslavie.

Dans les Balkans, entre octobre 92 et mars 99, elle conduit onze opérations aux noms évocateurs (Deny Flight, Sharp Guard, Eagle Eye, et autres). Le 28 février 1994, pendant la Deny Flight en Bosnie, l’OTAN effectue la première action de guerre de son histoire. Ce faisant elle viole l’article 5 de sa propre charte constitutive, puisque l’action guerrière n’est pas motivée par l’attaque d’un membre de l’Alliance et est effectuée en-dehors de son aire géographique.

On arrive de cette façon à l’opération Allied Force, lancée le 24 mars 1999 : pendant 78 jours, en décollant surtout de bases italiennes, 1100 avions, pour 75% étasuniens, effectuent 38 000 sorties, en larguant 23 000 bombes et missiles sur la Yougoslavie. La même année, le Sommet OTAN de Washington autorise les pays membres à « conduire des opérations de riposte aux crises non prévues par l’article 5, en dehors du territoire de l’Alliance ». Et l’OTAN commence son expansion à l’Est, englobant en 1999-2009 neuf pays de l’ex Pacte de Varsovie, dont trois de l’ex-URSS, et trois de l’ex-Yougoslavie. Sans plus de limites, l’Alliance née comme Pacte de l’Atlantique Nord arrive sur les montagnes afghanes : en août 2003, par un coup de main, l’OTAN prend « le rôle de leadership de l’Isaf, force qui a un mandat ONU ».

Commence ainsi « la première mission hors de l’aire euro-atlantique dans l’histoire de l’OTAN ». En 2004, elle entre en Irak, officiellement pour une « mission d’entraînement ». Elle étend enfin ses opérations en Afrique : en 2005 au Soudan, en 2007 en Somalie, en 2009 dans la Corne d’Afrique et dans l’Océan Indien.

En 2011 c’est le tour de la Libye : dans l’opération Unified Protector, l’OTAN effectue (selon ses déclarations) 9700 missions d’attaque aérienne, dans lesquelles sont larguées 7700 bombes de précision afin de « faire tout son possible pour minimiser les risques contre les civils ». A présent l’OTAN prend pour cible la Syrie et l’Iran, mais avec la Russie et la Chine en arrière-plan. Dans sa « conquête de l’Est », elle est arrivée au bord de la Chine, en Mongolie, avec laquelle elle a lancé il y a deux mois un « Programme individuel de partenariat et de coopération ».

Comme sur les 28 pays de l’Alliance cinq seulement se trouvent sur la façade atlantique nord, on est en train, à Bruxelles, de penser à un changement de nom : certains proposent « Alliance Trans-Atlantique ». Mais celui-ci aussi est restrictif puisque, dans le sillage des Usa, l’Alliance s’étend désormais à la région Asie/Pacifique.

Ainsi l’Alliance se renouvelle-t-elle, en s’abreuvant à la source de sa jeunesse : la guerre.

Manlio Dinucci

 

Traduction Marie-Ange Patrizio pour mondialisation.ca


 


Débat sur France 3 : L’OTAN, « La guerre, c’est… par ReOpen911

 


*** COMPLÉMENT D’INFO ***

Sommet de Chicago : Combien nous coûte l’OTAN de la « défense intelligente » ?

par Manlio Dinucci et Tommaso Di Francesco, Il Manifesto, le mardi 22 mai 2012

Traduction Marie-Ange Patrizio pour mondialisation.ca

Les 21-22 mai se tient à Chicago le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Otan. Parmi les diverses questions à l’ordre du jour, de l’Afghanistan au « bouclier anti-missiles », il y en a une centrale : la capacité de l’Alliance à maintenir, dans une phase de crise économique profonde, une « dépense pour la défense » qui continue à lui assurer une nette supériorité militaire.

Avec un optimisme inconscient, le socialiste du Pasok Yannis Ragoussis, qui fait fonction de ministre grec de la défense, a écrit sur la Nato Review, à la veille du Sommet, que la participation à l’Alliance a donné à la Grèce « la nécessaire stabilité et sécurité pour le développement dans le secteur politique, financier et civil ». On en voit les résultats. Le secrétaire général de l’Alliance, Anders Rasmussen, par contre, ne cache pas sa préoccupation quant à l’impact de la crise. En préparation du Sommet, il a prévenu que si les membres européens de l’Otan font trop de coupes dans les dépenses militaires, « nous ne serons pas en mesure de défendre la sécurité dont dépendent nos sociétés démocratiques et nos économies prospères ».

Combien dépense l’Otan ? Selon les données officielles mises à jour pour 2011, les « dépenses pour la défense » des 28 états membres se montent à 1.038 milliards de dollars annuels. Un chiffre équivalant à environ 60% de la dépense militaire mondiale. En ajoutant d’autres postes de caractère militaire, il grimpe à environ deux tiers de la dépense militaire mondiale. Le tout payé en deniers publics, soustraits aux dépenses sociales.

Il y a cependant un déséquilibre croissant à l’intérieur de l’Otan, entre la dépense étasunienne, qui a augmenté en dix ans de 50 à plus de 70% de la dépense totale, et celle de l’Europe qui a proportionnellement chuté. Rasmussen fait donc pression pour que les alliés européens s’engagent davantage : si l’écart de capacités militaires entre les deux rives de l’Atlantique continue à se creuser, « nous risquons d’avoir, à plus de vingt ans de la chute du Mur de Berlin, une Europe faible et divisée ».

Il passe sous silence par contre le fait que sur les pays européens pèsent d’autres dépenses, dérivant de leur participation à l’Otan. Comme le « Budget civil de l’Otan » pour l’entretien du quartier général à Bruxelles et du staff civil : environ un demi-milliard de dollars annuels, dont 80% sont payés par les alliés européens. Comme le « Budget militaire de l’Otan » pour l’entretien des quartiers généraux subordonnés et du personnel militaire international : presque 2 milliards annuels, payés à 75% par les Européens. Comme le « Programme d’investissement pour la sécurité de l’Otan », destiné à l’entretien de bases militaires et autres infrastructures pour la « mobilité et flexibilité des forces de déploiement rapide de l’Otan » : environ un milliard et demi de dollars annuels, dont 78% payés par les Européens. Ainsi que le spécifie un rapport sur les fonds communs de l’Otan, présenté au Congrès étasunien en février dernier, depuis 1993 ont été éliminées les contributions pour les bases militaires des alliés européens, tandis qu’ont été gardées celles pour les bases militaires étasuniennes en Europe. Ceci signifie, par exemple, que l’Otan n’a pas déboursé un centime pour l’utilisation des sept bases italiennes mises à sa disposition pour la guerre contre la Libye, tandis que l’Italie contribue aux dépenses pour le maintien des bases Usa en Italie.

Des dépenses ultérieures, qui s’ajoutent aux budgets de la défense des alliés européens, sont celles relatives à l’élargissement de l’Otan à l’est, estimées entre 10 et plus de 100 milliards de dollars. On y trouve celles pour l’extension à l’Europe du « bouclier anti-missiles » étasunien, que Rasmussen quantifie à 260 millions de dollars, sachant bien que la dépense réelle sera beaucoup plus élevée, et qu’il faut y ajouter celle de la potentialisation du système Altbmd, dont le coût est prévu à environ un milliard de dollars. On y trouve les dépenses pour le système Ags qui, intégré par les drones Global Hawk made in Usa, permettra à l’Otan de « surveiller » depuis Sigonella (Sicile) les territoires à attaquer : l’Italie a endossé 12% du coût du programme, estimé à au moins 3,5 milliards de dollars, en payant en outre 300 millions pour les infrastructures. On y trouve les dépenses pour les « missions internationales », parmi lesquelles au moins 4 milliards de dollars annuels pour entraîner et armer les « forces de sécurité » afghanes.

Comment les gouvernements européens, sous pression de la crise, peuvent-ils faire face à ces dépenses et à d’autres ? Le secrétaire général de l’Otan a la formule magique : comme les alliés européens « ne peuvent pas se permettre de sortir du business de la sécurité », ils doivent « revitaliser leur rôle » en adoptant, suivant l’exemple des Etats-Unis, la « défense intelligente ». Celle-ci « fournira plus de sécurité, pour moins d’argent, en travaillant ensemble ». La formule, inventée à Washington, prévoit une série de programmes communs pour les manœuvres, la logistique, l’achat d’armements (en commençant par le chasseur étasunien F-35). Programmes structurés de façon à renforcer le leadership étasunien sur les alliés européens. Une sorte de « groupements d’achat solidaire » pour faire semblant d’épargner sur la dépense de guerre.

Manlio Dinucci et Tommaso Di Francesco

 

Traduction Marie-Ange Patrizio pour mondialisation.ca


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6 Responses to “L’art de la guerre : L’éternelle jeunesse de l’OTAN (+ Vidéo de « Ce soir ou jamais » sur l’OTAN)”

  • citron

    Ben dis-donc, une émission comme ça, c’est clair, c’est à garder en archive !

    Là je crains un peu pour Taddeï et son avenir à la télé, mais franchement un grand BRAVO ! à lui pour avoir ouvert l’antenne de cette façon à ses remarquables invités.

    Quelle leçon de d’histoire et de géopolitique lucide sur l’OTAN, cette énorme machine à déchiqueter les hommes, à réduire des régions en cendres et à contaminer le reste avec leurs armes à merde nucléaire.

    Va vraiment falloir qu’on se réveille pour dire « assez ! ».
    Ou plutôt, car je crois que c’est là le fond du problème, à admettre que rien ne changera si ça n’est pas nous qui faisons changer.
    Car pour ce qui est du constat, tous les citoyens du monde font le même depuis des décennies… mais la majorité n’a pas conscience qu’on peut faire bouger les choses.

    C’est là que l’éducation doit (devrait) jouer son rôle, au lieu de diffuser aux peuples cette idée tout droit sortie des mêmes « cerveaux » qui sont à la tête de l’OTAN : les choses arrivent parce qu’elles doivent arriver. Ce déterminisme qui confine à une religion et dont ils savent pertinemment qu’il n’a aucun sens, est bien trop ancré dans nos têtes…

    Mais RIEN N’EST ÉCRIT ! bon sang. Arrêtons de subir…
    Ou au moins ayons juste assez de fierté pour montrer que nous ne sommes pas aussi cons qu’ils l’imagine, et que les rôles des dominants/dominés vont devenir de plus en plus difficile à jouer, pour eux comme pour nous.

  • Corto

    Qlobodan Despot est absolument FONDAMENTAL dans ce grand moment de télévision, aussi rare qu’intense.

  • Le seul espoir des hommes est que les USA n’aient plus les moyens financiers de foutre la merde dans le monde entier au profit du tout petit nombre.
    On sent que ça vient, mais c’est bien long, et les soubresauts de la bête agonisante seront sans doute terribles.
    Alors seulement, la paix sera possible.
    Les textes prophétiques disent qu’après les tribulations, la « Bête » sera enfermée sous terre pour mille ans…Et que viendra l’ère du Verseau, où le frère verse de l’eau à son frère.
    On a envie d’y croire, non? D’autant plus vraisemblable qu’il semble bien que les évènements actuels ressemblent fort à l’Apocalypse.
    Petite concession à l’ésotérisme…

  • IKAR

    A l’occasion des élections législatives, souvenons nous des candidats qui ont inclu dans leur programme présidentiel la sortie de l’OTAN.

  • Un plateau magnifique ! Merci M. Taddeï !

  • René M

    C’est vrai que ce fut une sacrée surprise ! D’autant que sur mon journal de programme TV le sujet de l’émission et la liste des invités ne sont pas communiqués et que c’est surement comme ça sur toutes les revues de TV.

    Même les invité(e)s supposés être non hostiles à l’institution en question semblaient en ajouter parfois une petite couche critique, ou de surprise sans doute aussi, ne pas même pas trouver les mots et les arguments pour la défendre.

    Bon maintenant comme dit doctorix , une bête agonisante c’est dangereux…. !
    En plus des bêtes agonisantes par les temps qui courent il y en a pas qu’une; la finance déchainée par exemple n’est pas en meilleur état, et des dégâts dans ses soubresauts celle là elle en a fait aussi et va en faire encore.

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