PeaceReporter : Les USA à la chasse aux reporters d’Al-Jazeera
L’agence de presse indépendante PeaceReporter qui, outre les remarquables articles qu’elle publie en anglais et en italien lutte pour le droit des journalistes dans le monde entier, rend compte ici d’un fait grave survenu en Afghanistan la semaine dernière. Il ne s’agit plus là seulement de censure, mais bien de l’arrestation de deux journalistes dont le seul tort semble être de simplement faire leur travail, en l’occurrence, caméraman. Ils ont été arrêtés chez eux en pleine nuit, par les troupes US, et la chaine Al Jazeera pour laquelle ils travaillent a simplement été notifiée de leur arrestation le lendemain, sans autre explication.
Mais au fait, les troupes de la Coalition sont bien là-bas pour apporter la démocratie, n’est-ce pas ? Quel bel exemple de démocratie cela donne aux Afghans, et aux peuples de la région ! A ce jour, nous sommes toujours sans nouvelles de ces deux journalistes afghans.
Troupes US en Afghanistan
Les USA à la chasse aux reporters d’Al-Jazeera
Par Enrico Piovesana – PeaceReporter (*)- le 22 septembre 2010
Des incursions nocturnes de troupes US pour arrêter deux cameramen afghans d’Al Jazeera, accusés d’être « facilitateurs de la propagande talibane »
C’est ce qui est arrivé dimanche soir à Rahmatullah Nekzad, dans la ville de Ghazni. Et mardi c’était le tour de Mohamed Nader, à Kandahar. Tous les deux travaillaient depuis plusieurs années comme caméramen pour la télévision arabe Al-Jazeera.
Des soldats américains ont fait irruption dans leurs habitations en pleine nuit, les ont extraits de leurs lits, bâillonnés, et emmenés avec eux, après avoir perquisitionné les lieux, abimant leurs instruments de travail qu’ils ont d’ailleurs aussi emportés.
Le commandement des troupes d’occupation ISAF a envoyé à Al Jazeera un message écrit dans lequel il est expliqué que les deux cameramen ont été arrêtés, car « suspectés de faciliter la propagande médiatique talibane » pour avoir filmé des attaques de la guérilla le jour des élections, et pour avoir entretenu des relations avec les rebelles.
« Les insurgés – peut-on lire dans la lettre de l’ISAF – utilisent la propagande, souvent à travers les mass-media, comme instrument pour influencer et intimider la population afghane. Les Forces de la Coalition ont la responsabilité d’empêcher ces activités de propagande de la part des insurgés »
La chaine de télévision qatarie a immédiatement demandé la libération de ses deux employés, en l’absence de chefs d’accusation concrets et circonstanciés, et a dénoncé le fait que « ces arrestations s’inscrivent dans une escalade d’attaques de la part des Forces de l’ISAF contre les journalistes d’Al-Jazeera en Afghanistan », comme « les récentes menaces reçues par le directeur de la rédaction afghane, Samie Allawi, pour qu’il modifie sa ligne éditoriale. »
« Mekzad et Nader travaillent pour nous depuis des années – a commenté Allawi – comme tous les journalistes, de par leur travail, ils sont en contact aussi bien avec les insurgés qu’avec les Forces de la Coalition. Ils ont aussi reçu des menaces de la part des talibans à cause de leur travail. Si la Coalition voulait les interroger, il suffisait de les appeler et ils auraient répondu à toutes vos questions. Pourquoi arriver de nuit chez eux et les arrêter ? »
« Nous continuerons de faire un journaliste correct et impartial – a déclaré la direction d’Al-Jazeera – en ligne avec notre code éthique et ne subira pas l’influence d’une partie ou d’une autre, même si on tente de le lui imposer. »
« Cela fait partie du travail de nos caméramans et de nos journalistes - explique le communiqué – que de contacter toutes les personnes impliquées, des Forces ISAF aux talibans en passant par le gouvernement afghan. Ces contacts ne peuvent en aucun cas être considérés comme un délit, car cela fait partie des activités nécessaires de la profession de journaliste. »
Al Jazeera a demandé son avis à Anthony Mills, porte-parole de l’International Press institute » basé à Genève : « Que peut signifier le fait d’être un propagandiste des insurgés » ? Peut-on dire cela d’un caméraman qui fait son travail en filmant les violences qui depuis plusieurs années ensanglantent le pays ? » [ La réponse est encore à venir semble-t-il - NdT ]
Depuis le 12 juin 2006, s’applique en Afghanistan, sur ordre de Washington, une directive imposant aux journalistes afghans l’interdiction absolue de rapporter ou de diffuser des informations pouvant mettre à mal l’autorité du gouvernement Karzai et des troupes nationales afghanes, ou mettant en évidence les actions de la guérilla ou la protestation antigouvernementale, ou critiquant la présence et la conduite des troupes militaires étrangères.
Pour les Américains et leurs alliés démocrates, évidemment, celui qui rapporte des informations sans censure fait de la propagande, alors que la ‘bonne information’ c’est de raconter seulement ce qu’ils veulent eux – comme les correspondants ou les envoyés spéciaux des télévisions occidentales, liés aux directives du plan de « communication stratégique » de l’OTAN (auquel adhère également la RAI).
Enrico Piovesana
PeaceReporter, le 22 septembre 2010
Traduction GV pour ReOpenNews
Note ReOpenNews
(*) PeaceReporter est une agence de presse indépendante italienne opérant sur les 5 continents. Elle a été créée par l’association humanitaire italienne Emergency et l’agence de presse Misna (Missionary Service News Agency)
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