Daniel Ellsberg, l’homme qui a fait tomber Nixon

La RAND Corporation embauche  Daniel Ellsberg en 1959. L’analyste stratégique américain est chargé de prendre les décisions dans les situations incertaines de conflits. Consultant pour le Commandant en chef dans le Pacifique, il intervient aussi pour le Département de la Défense dans la guerre du Vietnam. Dépêché sur place pour se rendre compte des réalités du terrain – le jour même de l’incident du Golfe du Tonkin qui amorcera les huit années de bombardement sur le Vietnam – cette expérience déclenchera en lui une grave crise de conscience. Pour qui, pourquoi travaille-t-il ? Le processus sera long, cinq ans, au bout desquels, en 1969, il décidera de faire tout ce qui est en son pouvoir pour arrêter la guerre au Vietnam. Transcendant la loi et le secret d’Etat, en 1971, il fournira au New York Times puis au Washington Post 7000 pages classées top secret sur les décisions gouvernementales conernant cette guerre. L’affaire, connue sous le nom des "Pentagon Papers," (les documents du Pentagone), aura fait trembler le gouvernement Nixon. Daniel Ellsberg sera poursuivi pour vol, conspiration et espionnage. Des agents de la CIA tenteront même de dérober son dossier médical chez son psychiatre pour le charger davantage. L’irrégularité étant révélée devant la Commission sénatoriale sur le Watergate en 1973, les charges contre Ellbserg seront alors abandonnées. Devenu inconditionnel militant pour la paix, Daniel Ellsberg recevra en 2006 le prix Nobel alternatif  "pour avoir placé la paix et la vérité en premier, au mépris de risques personnels considérables, et pour avoir consacré sa vie à inspirer les autres à suivre son exemple."

Nous vous invitons à regarder une vidéo  tirée d’un document de qualité, diffusé par ARTE et récemment mis en ligne, retraçant l’histoire étonnante de cet homme aux prises avec sa conscience. Puis nous vous proposons de lire son discours prononcé en octobre 2007 à l’American University de Washington à propos des directives autoritaires du pouvoir exécutif ayant l’Iran en ligne de mire. Pour clore cette page, nous vous présentons un court article du New York Times, qui reprend les propos de Daniel Ellsberg sur la récente vidéo divulguée sur la toile par Wikileaks, objet du scandale au sein du gouvernement et de l’armée, tout comme parmi le public, mais pour des raison évidemment bien différentes.

Daniel Ellsberg lors d’une interview sur le fim "The most Dangerous Man in America"


Daniel Ellsberg a reçu l’Oscar du meilleur film documentaire en 2010 pour "The most Dangerous Man in America" qu’Arte diffusait en version intégrale samedi 24 avril dernier, introduite par le pitch que voici :

L’homme qui a fait tomber Nixon – Daniel Ellsberg et les dossiers secrets du Pentagone

Comment, grâce à un conseiller du Pentagone, les citoyens américains ont appris que tous leurs présidents, de Kennedy à Nixon, leur avaient menti à propos du Viêt-Nam.

En 1971, Daniel Ellsberg, un brillant analyste employé comme consultant par le Pentagone, fait parvenir au New York Times un rapport confidentiel de sept mille pages sur la guerre du Viêt-nam. Ces documents, Ellsberg les a photocopiés avec ses deux enfants pendant des nuits entières. Ils mettent directement en cause l’intégrité des gouvernements Eisenhower, Kennedy et Johnson, qui ont accumulé les mensonges pour poursuivre une guerre qu’ils savaient perdue d’avance. Le rapport montre aussi que les États-Unis s’enfoncent encore davantage dans le conflit avec Richard Nixon, même si celui-ci affirme le contraire. Ces révélations font l’effet d’une bombe. En l’espace de quelques jours, tandis que se profile une véritable bataille constitutionnelle, Daniel Ellsberg devient l’homme le plus recherché en Amérique. Henry Kissinger le baptise "the most dangerous man in America", Richard Nixon le qualifie de "son of a bitch". Tout est fait pour discréditer Ellsberg devant le tribunal – son dossier personnel est même volé chez son psychanalyste. Le but de l’ancien consultant était pourtant d’arrêter une guerre inutile, barbare, coûteuse et injustifiée. Ses révélations explosives n’empêcheront pas la réélection de Nixon en 1972. En revanche, elles exacerberont la paranoïa du président, provoquant indirectement le cambriolage du Watergate.

(USA, 2009, 91mn, produit par Kovno communications et inSight productions, Berkeley, CA, acheté par ITVS International, ARTE et ZDF, réalisé par Judith Ehrlich et Rick Goldsmith, droits USA First Run Features films, New-York, dossier de presse ici, droits monde Film Transit International, Montreal, New-York).

Voici la vidéo en français reprenant l’essentiel de ce film documentaire  : "L’homme qui a fait tomber Nixon – Daniel Ellsberg et les dossier secrets du Pentagone"

 

 

 


Nous vous présentons un article paru en 2007 sur Contre Info.info. Pour D. Ellsberg qui prononçait un discours à l’American University,  il était déjà urgent de prévenir une attaque contre l’Iran.

Daniel Ellsberg est l’homme qui a révélé à l’Amérique les Dossiers Secrets du Pentagone, durant la guerre du Vietnam. 35 ans plus tard, il s’inquiète des dérives autoritaires de l’exécutif, et appelle ses concitoyens à faire barrage à la coterie qui s’est saisi des leviers de l’État et s’apprête à nouveau à entrainer le pays dans une guerre catastrophique contre l’Iran.

Daniel Ellsberg, 20 septembre 2007

Discours prononcé à l’American University.

Je pense qu’il n’y a pas de priorité plus urgente que de prévenir une attaque contre l’Iran qui s’accompagnerait, je le crois, d’un nouveau changement dans l’exercice du pouvoir aux USA ayant pour effet de nous conduire vers ce que j’appellerai un État policier.

S’il se produit un nouveau 11-Septembre sous ce gouvernement, cela signifiera qu’ils utiliseront à plein l’appareil policier qui a été patiemment construit, largement en secret tout d’abord, mais finalement révélé, connu et accepté par les élus Démocrates du Congrès et par les Républicains.

Restera-t-il un domaine où la surveillance de la NSA sur les citoyens pourrait encore s’accroître ? Ils peuvent ou pas avoir atteint les limites de leurs capacités technologiques aujourd’hui. Mais si ce n’est pas le cas, cela le deviendra après un nouveau 11-Septembre.

Je crois qu’après des représailles iraniennes en réponse à une attaque américaine, nous assisterions à une escalade des attaques contre l’Iran, qui serait également accompagnée par une suppression totale de l’opposition dans ce pays, y compris avec des camps de détention.

Il m’est assez difficile de dissocier ces deux circonstances. Elles pourraient advenir ensemble : soit un autre 11-Septembre ou une attaque contre l’Iran dont les réactions contre Israël, nos navires, nos troupes en Irak, et peut-être dans ce pays, justifieraient l’entière panoplie de mesures qui ont été préparées, légitimées, et jusqu’à un certain point promulguées sous la forme de lois.

Nous avons à faire au gouvernement à une équipe malfaisante très particulière, même du point de vue des Républicains. Mais je crois que les successeurs de ce gouvernement ne reviendront sans doute pas sur les entorses à la Constitution. Ils en tireront avantage, les exploiteront.

Hillary Clinton décidera-t-elle de mettre fin aux agissements de la NSA après 5 ans de surveillance illégale ? Privera-t-elle le gouvernement de sa capacité de protéger les citoyens américains d’un éventuel terrorisme en se privant de tout ce que la NSA peut fournir comme informations ? Je ne le crois pas.

A moins que grâce à un changement – radical – dans le climat politique, ces mesures soient annulées avant que le nouveau gouvernement ne soit en place – et il n’existe aucun indice en ce sens – je ne vois pas cela se produire sous le prochain gouvernement, qu’il soit Républicain ou Démocrate.

Le Prochain coup d’État

Permettez-moi d’être direct et de ne pas faire de phrases. Un coup d’État a eu lieu. Je me suis réveillé l’autre matin en me rendant compte qu’un coup d’État avait eu lieu. Il n’est pas seulement question d’un prochain coup d’État qui pourrait avoir lieu après un nouveau 11-Septembre. Car il s’agirait là du prochain, venant compléter le premier.

Durant les cinq dernières années, nous avons assisté à un assaut soutenu sur tous les fondements de notre Constitution, que le reste du monde regardait comme une expérience modèle depuis 200 ans, grâce à ses procédures de contrôle, au rôle limité du gouvernement, à son Acte des Droits fondamentaux, à la protection des droits de l’individu par le Congrès, sa justice indépendante, la possibilité de révoquer un président.

Par le passé, ces principes ont été violés par de nombreux présidents. La plupart des actes commis par Bush dans le domaine des surveillances illégales et autres avaient été accomplis sous la présidence de mon patron, Lyndon Johnson durant la guerre du Vietnam, comme l’emploi de la CIA, du FBI, de la NSA contre des citoyens américains.

Je pourrais citer une liste d’exemples remontant à la suspension par Lincoln de l’ Habeas Corpus durant la guerre civile, et encore avant, à la Loi sur les Etrangers et les Actes de Séditions au 18ème siècle. Mais je crois qu’aucun de ces présidents n’était du genre de ce qui décrit selon moi ce gouvernement : un ennemi intérieur de la Constitution.

Je pense qu’aucun de ces présidents, malgré toutes ces violations de la loi qui auraient provoqué leur empêchement si elles avaient été connues – mais elles n’ont été révélées qu’après leurs mandats – ne représentait un défi comparable à celui d’aujourd’hui.

C’était le cas en ce qui concerne le premier mandat de Nixon, et certainement de Johnson, de Kennedy et d’autres. Ils méritaient d’être destitués, même s’ils n’ont pas été découverts à temps, mais je pense qu’il n’était pas dans leurs intentions, lors des crises qui ont motivé leurs actes, de transformer la nature de notre gouvernement.

Il devient de plus en plus clair, après chaque nouvel ouvrage publié, chaque indiscrétion, que Richard Cheney et son actuel chef de cabinet David Addington ont eu précisément ce projet à l’esprit dès le début des années 1970, et non pas depuis 1992, non pas depuis 2001. Il ont cru à la prééminence du pouvoir exécutif, sous un président – élu ou pas – bénéficiant de pouvoirs sans contrainte. Ils ne croient pas à la contrainte.

En déclarant ceci, je ne prétends pas qu’il s’agisse de traîtres. Je ne crois pas qu’ils aient en tête une quelconque allégeance à un pouvoir étranger, ou qu’ils aient le désir d’aider un pouvoir étranger. Je pense qu’ils on, en eux un attachement à ce pays, et à ce qu’ils imaginent de meilleur pour celui-ci. Mais ce qu’ils imaginent comme le meilleur est directement en contradiction avec la pensée des Pères Fondateurs et de la Constitution.

Ils croient que nous avons désormais besoin d’un autre genre de gouvernement, sous la forme d’un pouvoir exécutif, gouvernant par décret, ce qui est le cas lorsque le président signe des ordonnances. Nous en parlons comme de veto, ce qui est une façon de les reconnaître comme anti-constitutionnelles, mais d’un autre coté nous nous contentons de dire que le président déclare qu’il « décide des lois à promulguer, qu’il légifère. » (…)

Les Fondateurs avaient raison

Je qualifie ces événements de "crise", non seulement parce qu’il s’agit là d’une rupture dans les traditions, mais parce que je crois au plus profond de moi, et grâce à mon expérience que les Pères Fondateurs avaient raison sur ce point.

Il ne s’agit pas seulement de « notre façon d’agir » qui serait en cause. Les fondateurs de la république avaient une compréhension aiguë de la force corruptrice du pouvoir pour quiconque, y compris les Américains. Ils voulaient des procédures et des institutions qui puissent instaurer un contrôle du pouvoir, car en leur absence, l’alternative c’est ce que nous avons vécu ; des guerres comme le Vietnam, des guerres comme l’Irak, des guerres comme celle qui vient.

Ceci m’amène à mon second argument. Ce pouvoir exécutif, dirigé par Bush et Cheney, malgré l’opposition de la plupart des membres du gouvernement, même ceux des ministères, veut clairement une guerre contre l’Iran, qui se justifie selon les critères habituels de l’impérialisme. Critères acceptés non seulement par quasiment l’ensemble des membres de l’exécutif, mais aussi par la plupart des dirigeants du Congrès. Critères qui sont les intérêts de l’empire, la nécessité de préserver l’hégémonie américaine, notre droit et notre besoin de contrôler les ressources pétrolières du Moyen-Orient et ailleurs. Il y a là un consensus dans les cercles dirigeants.

Mais même selon ces critères, une attaque de l’Iran est une folie. Je dis cela tranquillement. Il ne s’agit pas de rhétorique. Bien sûr, c’est non seulement une agression, une violation des lois internationales, un crime majeur, mais c’est aussi, en termes de pouvoir impérial, une folie à cause de ses conséquences.

Cela rend-t-il cette attaque impossible ? Non, évidemment. Plus encore, cela ne la rend même pas invraisemblable.

Deux raisons concourent à cela en dehors d’une acceptation pour diverses raisons par le Congrès – Démocrates et Républicains confondus – par l’opinion, par les médias.

Tout d’abord nous avons libéré la Maison Blanche – Président et Vice-président – de potentiellement toute limitation posée par le Congrès, la justice, les médias et autres.

Ensuite, les hommes à la tête du gouvernement qui jouissent de ces pouvoirs sans limites sont des fous. Pas complètement certes, mais ils n’en reste pas moins qu’ils ont des croyances folles.

La question devient alors, que pouvons nous faire ? Nous nous dirigeons vers une folle entreprise, pas à coup sûr, mais sans doute. Je voudrais être réaliste en la circonstance, et nous encourager à faire ce que nous devons, ce qui doit être fait. En ayant pleine connaissance des faits. Rien n’est impossible.

Ce dont je parle, cette dérive vers un État policier, vers une attaque contre l’Iran, n’est pas acquis. Rien n’est encore certain aujourd’hui. Mais je pense que c’est probable, plus vraisemblable qu’invraisemblable, que dans les 15 ou 16 mois qui restent à ce gouvernement, nous assisterons à une attaque de l’Iran. Probablement. Et quoi que nous fassions.

Et nous ne parviendrons sans doute pas à influencer le Congrès. Et le Congrès n’empêchera sans doute pas le président de le faire. Voilà vers quoi nous nous dirigeons, et c’est une perspective dangereuse, très dangereuse.

Quoi qu’il en soit, je pense qu’il nous appartient d’accroître les faibles chances de prévenir ceci durant les 15 prochains mois, sans parler de ce que nous aurons à faire pour le restant de nos jours.

Restaurer la République

Réinstaurer un gouvernement constitutionnel et l’améliorer prendra du temps. Je pense que si nous n’entreprenons pas ce travail aujourd’hui, il ne débutera pas sous le prochain gouvernement.

Sortir d’Irak prendra beaucoup de temps. Mais prévenir une action contre l’Iran, prévenir un nouveau coup d’État après un 11-Septembre, une autre attaque, ce sont les tâches pour aujourd’hui, qui ne peuvent être différées. Cela nécessitera un courage moral et politique que nous n’avons que peu vu se manifester jusqu’à présent.

Il y a dans cet auditoire une concentration très inhabituelle de gens qui ont changé de vie, changé de situation, perdu la plupart de leurs amis, et ont pris le risque de se voir désigner par le terrible nom de « traître », de « faibles devant le terrorisme », le genre de qualificatifs que les politiciens veulent éviter à tous prix.

Comment ferons-nous pour qu’encore plus de gens au gouvernement et dans la société changent leurs vies de façon radicale dans un contexte de crise ? Comment convaincrons-nous Nancy Pelosi et Harry Reid, par exemple ? Quel genre de pressions, quel genre d’influences devront être mises en œuvre pour amener le Congrès à faire son travail ? Il ne s’agit pas d’ailleurs seulement de les faire travailler. Il s’agit de leur faire respecter le serment qu’ils ont prêté en prenant leur fonction.

J’ai prêté serment de nombreuses fois. Comme lieutenant des Marines, comme fonctionnaire du Département de la Défense, comme fonctionnaire du Département d’Etat et comme fonctionnaire aux Affaires étrangères. J’ai prêté le même serment que celui qui est prononcé par tous les membres du Congrès, tous les fonctionnaires des Etats-Unis, et tous les officiers de l’armée américaine.

Et ce serment n’est pas effectué envers un commandant en chef, un führer. Pas plus qu’à des officiers supérieurs. Ce serment engage à protéger et défendre la Constitution des Etats-Unis.

Ce serment je l’ai violé chaque jour durant des années au Département de la Défense, sans m’en rendre compte, lorsque je me taisais, lorsque je savais que l’on mentait à l’opinion publique au sujet de la guerre, comme on lui a menti pour l’Irak, et comme on lui ment pour la guerre contre l’Iran.

Je savais que j’avais les preuves de ces mensonges, et je ne les ai pas produites. Je ne respectais pas alors mon serment – ce que j’ai fait plus tard.

J’ai souvent dit que le Lieutenant Ehren Watada, qui est aujourd’hui poursuivi pour avoir refusé les ordres de déploiement en Irak qu’il jugeait à raison inconstitutionnels et relevant d’une guerre d’agression, est le seul officier de l’armée des Etats-Unis qui a pris au sérieux son serment.

Le président viole clairement ce serment. Tous ceux qui sont sous ses ordres et qui comprennent de quoi il s’agit – ils sont très nombreux – violent leurs serments. Voilà les exigences que nous devrions poser.

Courage parlementaire

Sur le plan politique, en ce qui concerne les Démocrates, je crois que nous devrions demander aux dirigeants à la Chambre et au Sénat – et également aux Républicains – que leur unique priorité ne soit plus d’être réélus ou de conserver une majorité Démocrate pour que Pélosi soit maintenue en fonction au Parlement et Reid au Sénat.

Je ne prétends pas que les politiques pourraient ignorer cette question, ou qu’ils devraient changer entièrement de comportement ou ne plus s’en préoccuper.

Bien sûr il y a là pour eux une préoccupation majeure, mais ils agissent comme si c’était là leur seul souci. Celui de la poursuite des affaires courantes. « Nous avons une majorité, ne la perdons pas, conservons la, conservons nos présidences aux deux chambres. » Mais qu’ont fait pour nous ces deux présidences dans les deux dernières années ?

Je suis choqué de lire aujourd’hui que les Républicains menacent de faire obstruction si nous restaurons l’Habeas Corpus. La remise en cause de l’Habeas Corpus avec l’aide des Démocrates ne nous a pas ramenés à l’époque de la domination anglaise sur la colonie américaine. C’est une contre-révolution qui nous a ramené 700 ans en arrière.

Je crois que nous devons trouver le moyen de leur faire respecter leur serment de préserver la Constitution, qui mérite d’être défendue, car c’est à travers le pouvoir que cette Constitution donne au Congrès que nous pouvons protéger le monde des fous qui sont au pouvoir à la Maison Blanche et qui ont l’intention d’attaquer l’Iran.

Les généraux qui ont compris que ce serait une catastrophe ne se sont pas non plus manifestés. Il peut s’agir de gens qui ont par le passé risqué leur vie au Vietnam ou ailleurs comme Colin Powell, et ne risqueraient pas leur carrière ou leurs accointances avec la présidence.

Tout ceci doit changer. Et c’est l’exemple des gens comme ceux qui sont rassemblés ici, qui d’une certaine façon rappellent à nos élus qu’ils ont, en tant qu’humains et en tant que citoyens, le pouvoir d’agir et de trouver en eux-mêmes le courage de protéger ce pays et le monde.

Merci.

 Publication originale Consortium News, conférence tenue le 20 septembre 2007, traduction Contre Info

Sur le web : l’affaire des Dossiers Secrets du Pentagone

 


Dans ce court article récemment paru dans le New York Times, D. Ellsberg répond à un journaliste sur le cas de la vidéo divulguée par Wikilleaks qui fait scandale, aussi bien parmi les militaires et le gouvernement américain que parmi le public, mais pour des raisons différentes.

Que ferait Daniel Ellsberg des "Pentagon Papers", aujourd’hui ?

Par Noam Cohen
Publié le: 18 avril 2010

AVANT Wikileaks, ou même Internet, il n’y avait que de simples fuites.

Il y a deux semaines, Wikileaks.org diffusait une vidéo classée montrant un hélicoptère américain Apache tuant 12 civils à Bagdad. La réaction a été si rapide, si puissante – la version révisée a été vue six millions de fois sur YouTube – que cet événement a soulevé de nombreuses questions sur la façon dont une telle documentation est désormais publiée et digérée.

En d’autres termes : si aujourd’hui, quelqu’un détenait les "’Pentagon Papers" ou l’équivalent actuel, les fournirait-il à la presse comme le fit Daniel Ellsberg il y a 40 ans, et attendrait-il que les documents soient analysés et publiés ? Ou bien les mettrait-il immédiatement en ligne ?

M. Ellsberg donne sa réponse.

"Aujourd’hui, je n’attendrais pas si longtemps", a-t-il dit dans une interview de la semaine dernière. "J’aurais pris un scanner et je les aurais mis sur Internet."

Au début de l’année 1971, M. Ellsberg, analyste à la RAND Corporation, jetant le doute sur la guerre du Vietnam, avait fournit une copie d’un rapport top-secret, les "Documents du Pentagone" à un reporter du New York Times. Pendant des mois, dit-il, il avait attendu, ne sachant si le New York Times allait jamais les publier.

Lorsque l’administration Nixon se tourna vers la Cour pour empêcher le Times de publier le rapport complet, M. Ellsberg remit des copies au Washington Post ainsi qu’à d’autres journaux.

Aujourd’hui, dit-il, il y a quelque chose d’attrayant dans le fait d’être indépendant – de ne pas s’en remettre aux caprices des éditeurs ou aux tentatives du gouvernement de contrôler les publications. "Si j’avais tout sorti d’un coup, le gouvernement n’aurait pas été tenté de l’interdire." dit-il. "Il y avait ce duel entre les journaux et le gouvernement."

Il concède que quelque chose aurait pu être perdu si l’événement relatif à Wikileaks s’était produit en 1971. "Je ne pense pas qu’il y aurait eu le même impact à l’époque qu’aujourd’hui, comme cela s’était produit avec le Times, dit-il. La meilleur publicité a été la tentative du gouvernement de bloquer la publication – ce qui s’est terminé devant  la Cour suprême. " dit-il.

Mais monter le gouvernement contre les journaux, et les journaux les uns contre les autres, ne peut être  comparé à la puissance du World Wide Web. "La concurrence a fonctionné de façon utile, dit-il. "Mais Internet a un aspect contagieux. Il envoie et touche un public toujours plus large. "

Avec toute la stratégie déployée pour attirer l’attention sur les documents qu’il a divulgués, M. Ellsberg fait un peu penser à Julian Assange, à la tête de Wikileaks qui, sans se laisser déconcerter, affirme que l’une des principales obligations de son groupe est "d’obtenir un impact politique maximal – afin de faire honneur à nos documents."

Fidèle à cet engagement, M. Assange a réalisé une tournée publicitaire avec un passage dans l’émission "Colbert Report"(NdT : émission télévisée satirique américaine) sur le réseau Comedy Central. Lors d’une interview dans un café de Greenwich Village la semaine dernière, M. Assange (assis face à la porte, avec un sac cadeau du Show Colbert) s’est empressé d’expliquer sa place dans le paysage médiatique.

"Le meilleur conseil qu’on puisse donner aujourd’hui à quelqu’un de bien informé comme M. Ellsberg, dit-il, est  de se rendre dans une agence mainstream et de générer le maximum de publicité – un peu comme M. Assange qui parle à qui voudra bien lui tendre un micro – mais il peut se servir de Wikileaks pour planquer ses documents."

Il a également admis que la date de sortie de la vidéo Apache, le 5 avril, a été choisie en fonction d’un jour pauvre en information (bien que la catastrophe minière dans l’ouest de la Virginie soit survenue ce jour-là).

M. Assange a été critiqué pour avoir créé une version révisée de la vidéo (il a également publié la version longue non corrigée) et pour avoir conclu que les mises à mort étaient des "meurtres".

Selon l’armée américaine, le protocole militaire a été respecté lors de l’incident, comme cela a été conclu lors de la révision. Le secrétaire à la Défense Robert M. Gates a déclaré la semaine dernière que la vidéo Apache était trompeuse et manquait de contexte – comme si l’on voyait la guerre "au travers d’une paille."

Mais au-delà de l’interrogation sur la justification de l’emploi de la force mortelle,  M. Assange affirme que ces vidéos ont été nécessaires pour montrer aux Américains la réalité de la guerre.

"Certaines personnes disent que la guerre, c’est la guerre et que nous devrions nous attendre à ce genre d’accidents au cours d’une guerre", a déclaré M. Assange. "Mais ce genre d’ arguments : " la guerre, c’est la guerre" est superflu à moins que le public ne sache ce qu’est la guerre."

Une des conséquences de la publicité entourant la vidéo est que les militaires peuvent être enclins à en conserver moins et ne les laisseront certainement pas circuler librement, a déclaré Fred Burton, vice-président de l’intelligence à Stratfor, une agence mondiale de renseignements, qui a écrit son expérience en tant qu’agent du contre-terrorisme pour le gouvernement.

"C’est le même genre d’arguments que vous donnez à vos enfants," dit-il. "Faites attention à ce que vous postez sur Facebook, car cela resurgira lorsque vous aurez un entretien d’embauche."

Le moment ne pourrait être plus mal choisi; il a ajouté : "Finalement, ça fait du tort à l’opération de renseignement des États-Unis,  car cela entrave les efforts visant à améliorer la communication entre les organismes."

Pour M. Ellsberg, divulguer sert à informer le public américain. "Lorsqu’un acte criminel, terrible, illicite, extrême se prépare, Internet est là pour faire ressortir ces preuves." Il dit que précédemment, Wikileaks a tenté de le recruter comme conseiller, mais il était sceptique. Cela semblait être un moyen pour les autorités de contrôler les fuites, dit-il, à dessein ou pour la surveillance.

"Je ne pense pas que la technologie puisse les tenir à l’écart," dit-il, "mais la colère du gouvernement concernant cette fuite laisse suggérer qu’ils ont réussi jusqu’à présent."

M. Ellsberg dit qu’après avoir vu la vidéo Apache. il a fait une donation à Wikileaks. Compte tenu de la surveillance qu’il a subi ces 40 dernières années, il doute que sa contribution ait fait bouger un cil dans les milieux gouvernementaux.

"Je suis certain qu’en donnant une contribution, je ne figure sur aucune nouvelle liste," dit-il.

Traduction apetimedia pour ReOpenNews  

 


En lien avec l’article

Les livres de Daniel Ellsberg

 Articles

  • Daniel Ellsberg : "Comment Obama trompe l’Amerique"  / Le Monde.fr
  • En mémoire d’Howard Zinn, par Daniel Ellsberg / Mondialisation.ca
  • Daniel Ellsberg sur le site du Prix Nobel Alternatif / rightlivelihood
  • Une vidéo classifiée montre des "meurtres collatéraux" en Irak / ReOpenNews

 Vidéo

Daniel Ellsberg & Dahr Jamail Conversation : vidéo (v.o.) en deux parties dans lesquelles sont abordés les sujets tels que les lanceurs d’alerte, l’Irak et l’Afghanistan, le militaire et l’administration Obama

Le site de Daniel Ellsberg


 

4 Responses to “Daniel Ellsberg, l’homme qui a fait tomber Nixon”

  • carbomb

    excellent documentaire, merci encore de relayer tant d’infos capitales.

  • J’ai redécouvert Daniel Ellsberg dans ce très bon documentaire, il en fallait du courage pour passer outre son éducation, sa carrière, sa liberté et celle de sa famille. C’est un exemple pour tout le monde, ce sont ces gens qui sont l’honneur d’une vraie démocratie…Tout le contraire de ce que l’on nous veut nous faire vivre actuellement surtout depuis le 11/9…Vive Wikileaks et Reopen…Ne pas vivre à genoux, soutenons le peuple Grec…

  • roblin

    Connaissez vous le livre « La Véritable Histoire des BILDERBERGERS » de daniel estulin qui nous raconte les décisions de ces groupes occultés des médias qui prennent des décisions qui sont ensuite suivies par les hommes politiques élus ?





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