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La prochaine saison de Rescue Me fait déjà parler d’elle. Au cœur de la polémique : le 11-Septembre, encore et toujours.

Après The Lone Gunmen, 24 ou Sleeper Cell, Rescue Me donne « sa » version des faits. Voilà qui ne manquera pas d’alimenter la polémique. Et de déchaîner la presse américaine (et forcément internationale) autour de Rescue Me. L’information circulait déjà depuis la rentrée et depuis que Denis Leary avait publiquement levé le voile sur une partie du scénario de la saison 5 à l’occasion d’une séance de dédicace à New York de son dernier livre, « Why we suck : a feel good guide to staying fat, loud, lazy, and stupid » (littéralement : Pourquoi est-ce qu’on craint : un guide pour rester gros, bruyant, fainéant et stupide »), en décembre, là voilà maintenant confirmée en images, avec le premier extrait de la prochaine saison de cette sombre et trop méconnue série centrée sur les pompiers de New York. Une des principales arches de cette nouvelle saison, qui démarrera au printemps sur FX, tournera bel et bien autour des convictions personnelles de l’un des personnages principaux sur le 11-Septembre.

Interprété par Daniel Sunjata, 37 ans, lui-même activiste et ardent partisan de la thèse non-officielle de l’Inside Job ("complot intérieur"), l’acteur, manifestement soutenu par le co-créateur et acteur principal de la série, Dennis Leary, hérite d’une tirade qui fera date, même si la contestation artistique a « toujours » été sous-jacente dans l’industrie, notamment sous l’impulsion complexe de 24. Ladite scène en question pourrait rester à cet égard, comme la dénonciation la plus frontale et la plus violente jamais diffusée à la télévision US de la version officielle des évènements dramatiques qui ont eu lieu à New York le 11 Septembre 2001.

Frontale, parce que Rescue Me est une série née de la tragédie. Parce qu’elle est, par son postulat de départ, centrée sur le trauma du pompier, du héros magnifique et incontestable qui a ému le monde entier par son sacrifice en se portant au secours des prisonniers des Tours Jumelles. Série hommage donc, et aussi série militante, puisqu’elle s’est construite sur ce drame et qu’elle a eue la lourde tâche de se nourrir de l’actualité tout en conservant sa part de fiction pure. Série virile, à bien des égards « conservatrice », Rescue Me ne pouvait pas rester sourde au désespoir croissant de ceux que les médias américains ont baptisés les First Responders (les Premiers Secours). Rescue Me ne pouvait pas non plus rester muette face au scandale qui s’est développé ces dernières années au sujet du traitement indigne dont ont été l’objet ces milliers de sauveteurs et de bénévoles de la première heure qui ont des semaines durant, déblayés les milliers de tonnes de gravas de Ground Zero en pensant que l’air était parfaitement respirable et tout à fait sain. Du moins leur avait-on assuré, le plus tranquillement du monde : «Allez-y, oui, oui. Vous ne risquez rien. Déblayez.»

L’attaque est frontale donc, et aussi d’une violence particulièrement rare, politiquement parlant. La scène se déroule dans l’épisode 2 de la cinquième saison. Le personnage de Franco (Daniel Sunjata), discute avec une journaliste française venue à New York pour un reportage sur la caserne 62 à l’occasion du 10e anniversaire des évènements. Verbatim.

« Ce que je vais vous dire, vous ne l’entendrez de personne d’autre. Parce que disons juste que mes opinions ne sont pas populaires. Le 11-Septembre ? An Inside Job. C’est aussi simple que cela. Tout ce que vous avez à faire, c’est réunir les pièces. Mais je ne parle pas de toutes celles dont tout le monde a déjà entendu parler. Je ne parle pas de Bush, assis dans cette école, lisant un livre sur une chèvre pendant sept minutes trente après qu’il ait été prévenu de ce qu’il se passait. Tout le monde sait cela. Je parle d’un effort considérable et massif des néoconservateurs du gouvernement qui est à l’œuvre depuis 20 ans. Vous avez déjà entendu parler du PNAC ? Le Projet pour le Nouveau Siècle Américain ?
– Oui, sans doute.
– Bien. D’après eux, le but, la finalité de tout cela est la domination globale du monde par les Etats-Unis. Une domination absolue et totale. La première question qui me vient à l’esprit est : comment veulent-ils s’y prendre ? Bien, d’après eux, il y a quatre étapes. D’abord, vous devez contrôler le pétrole du monde entier, spécialement le pétrole de l’Asie centrale et du Moyen-Orient. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que Bush et Cheney sont arrivés au pouvoir avec leurs plans déjà faits pour attaquer l’Afghanistan et l’Irak. Deuxièmement : nous devons posséder une avance technologique considérable sur les autres, notamment et pour certaines raisons, pour pouvoir être capables de mener des guerres depuis l’espace. Troisièmement, surprise, surprise : vous devez dépenser beaucoup plus d’argent et augmenter les crédits militaires. Des centaines de milliards de dollars par an. Tant pis pour les malades et les mourants parmi les First Responders, les héros du 11-Septembre qui ne peuvent même plus payer leurs facture d’électricité et n’ont pas d’argent pour se soigner. Et beaucoup d’entre eux sont sans abris aujourd’hui à cause de cela, parce que je suppose qu’il n’y a pas assez de place pour eux dans le budget. Et quatrièmement, et c’est la clef : nous changeons la définition du concept d’attaque préventive, pour que nous puissions attaquer, bombarder, envahir et occuper n’importe quel pays, même s’il ne pose aucune menace concrète pour notre sécurité et qu’il n’a rien à voir avec le 11-Septembre. Un problème : comment mettre tout cela en œuvre ? Je veux dire : le peuple américain ne signerait jamais pour des trucs pareils, si ? Exactement. Ce dont vous avez besoin est un évènement. Un évènement qui tourne les têtes dans le bon sens et qui soit un nouveau Pearl Harbor. C’est ce qu’ils ont dit dont ils avaient besoin pour mettre leurs plans à exécution. Et vous regardez un type qui a assisté à 58 enterrements en vingt-six jours, je peux vous dire qu’ils ont réussi. Etes-vous célibataire ? »

En 2006, la seconde saison de Sleeper Cell y était aussi allée de son couplet ultra-violent sur le 11-Septembre. Mais les protagonistes de la série et de la scène en question (le premier épisode de la saison 2), sont entre guillemets, deux méchants terroristes : Henri Lubatti (Llija Korjenik) et sa petite amie, la vendeuse de disques interprétée par Angela Gots (Carli). Leur discours reste celui de deux opposants par nature au système et à l’administration américaine. Verbatim.

« Tu sais, à chaque fois que nous faisons l’amour, c’est comme le merde ultime à Bush, Cheney, et tout le complot du 11-Septembre. Je n’arrête pas de m’imaginer Giuliani et le reste de tous ces autres connards, en train de superviser le truc de leur bunker à 15 millions de dollars, au 23e étage du World Trade 7. Tu sais, c’est de là qu’ils émettaient leur signal pour être sûrs que les avions frappent bien les tours.
– Je sais. Et le Pentagon a en fait été frappé par un drone Globalhawk de la CIA, pour que l’administration puisse déclencher la guerre et faire basculer l’Amérique en un Etat policier.
– Quel idiot peut encore croire que Oussama ben Laden et ses milices qui sont dans des cavernes, puissent flouer la CIA, la NSA et le Pentagone ? A moins qu’Oncle Sam soit derrière tout ça…
– Pas moi…

Pour des raisons inconnues mais qui pourront paraître évidentes à certains, l’extrait de cet épisode a été retiré par Showtime de Youtube, qui contrôle désormais très fermement l’exploitation des extraits de ses séries originales. Il faudra donc attendre la sortie de la 2e saison en DVD pour voir cette scène très agressive politiquement parlant.

Reste, en attendant, que la charge de Rescue Me est d’une toute autre nature, puisqu’elle émane d’un personnage par nature « gentil » et positif, un pompier, un vrai héro, pas d’un méchant terroriste haineux envers l’Amérique. Toute la différence est là. L’on pourra toujours gloser sur les raccourcis ou sur le cynisme des producteurs et des diffuseurs qui « laissent passer » de tels dialogues et de telles scènes aussi peu politiquement correctes.

Au final, rappelons que la majorité des Américains ne croit absolument pas à la version officielle des faits telle que retenue par la Commission d’enquête du 11-Septembre. L’engagement « politique » de plus en plus d’artistes de l’entertainement n’a fait que croître outre-Atlantique depuis 7 ans (Charlie Sheen, Martin Sheen, David Lynch, Rosie O’Donnell, Bruce Willis, David Arquette, Sean Penn, Sharon Stone, Woody Harrelson, Janeane Garofalo, etc.), sans qu’aucune personnalité n’ait jamais eu à s’excuser publiquement pour avoir fait du mal à qui que ce soit en osant parler du 11-Septembre. Au contraire. Dommage en l’occurrence que l’exception française en la matière se soit surtout traduit ces dernières années par une reculade inquiétante de la liberté d’expression.

Par Thibault Lanta, le 15/01/09 pour generiques-mag.com