Les navires US abriteraient des prisons flottantes, selon une ONG Britannique
ContreInfo, le 2 juin 2008
L’ONG Britannique Reprieve a recueilli le témoignage d’un ancien prissonnier de Guantanamo affirmant que l’un de ses co-détenus avait été emprisonné et subi des sévices dans les fonds d’un navire de l’US Navy.
Duncan Campbell and Richard Norton-Taylor, The Guardian, 2 juin 2008
Les États-Unis utilisent des « prisons flottantes » pour détenir les personnes arrêtées dans leur « guerre contre le terrorisme ». Un groupe d’avocats défenseurs des droits de l’homme affirme qu’il s’agit là d’une tentative pour dissimuler le nombre des détenus et leur sort.
Ces informations sur les navires où les prisonniers ont été détenus ainsi que sur les sites qui auraient été utilisés dans plusieurs pays à travers le monde ont été rassemblées au moment même où le débat sur la détention sans procès s’intensifie des deux côtés de l’Atlantique. Le gouvernement américain s’est vu demander hier de publier la liste et la localisation des détenus.
Les détails sur le fonctionnement de ces navires prisons sont apparus via plusieurs sources, dont des déclarations de l’armée américaine, le Conseil de l’Europe et ses instances parlementaires, ainsi que par les témoignages de prisonniers.
Le document qui doit être publié cette année par l’organisation de défense des droits de l’homme Reprieve, affirme également qu’il y a eu plus de 200 nouveaux cas de détention arbitraire depuis 2006, date à laquelle le président George Bush a déclaré que cette pratique avait cessé.
L’utilisation de navires comme centre de détention des prisonniers donne naissance à de nouvelles inquiétudes et des demandes d’enquêtes sont formulées en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
D’après les recherches effectuées par Reprieve, les États-Unis pourraient avoir utilisé jusqu’à 17 navires comme « prisons flottantes » depuis 2001. Les détenus sont interrogés à bord de ces navires puis ensuite transférés en d’autres lieux souvent secrets, selon cette ONG.
Les navires qui auraient servi de centre de détention sont l’USS Bataan et l’USS Peleliu. En outre, 15 navires sont soupçonnés d’avoir été basés à Diego Garcia, une île au statut de territoire britannique située dans l’océan Indien, utilisée comme base militaire par le Royaume-Uni et les USA.
Le rapport de Reprieve attirera tout particulièrement l’attention sur les activités de l’USS Ashland au moment où il opérait au large de la Somalie au début de l’année 2007, assurant des opérations de sécurité maritime ayant pour but de capturer des terroristes d’Al-Qaida.
Durant cette période de nombreuses personnes ont été capturées par les forces Somaliennes, Kenyanes et Ethiopiennes lors d’opérations répétées au cours desquels avaient lieu de façon routinière des interrogatoires menés par des hommes qui appartiendrait au FBI et à la CIA. Au total, plus de 100 personnes ont « disparu » dans la région et ont été transférées vers des prisons situées au Kenya, en Somalie, en Éthiopie, à Djibouti et à Guantánamo Bay.
Reprieve estime que les prisonniers pourraient également avoir été détenus pour interrogatoire sur l’USS Ashland et d’autres navires croisant dans le golfe d’Aden au cours de cette période.
L’étude de Reprieve rapporte le cas d’un prisonnier libéré de Guantánamo Bay, qui décrit l’histoire de l’un de ses co-détenus emprisonné sur un navire d’assaut amphibie. « Un de mes co-détenus à Guantánamo était en mer sur un navire américain avec environ 50 autres avant d’arriver à Guantanamo … il était dans la cage à côté de moi. Il m’a dit qu’il y avait environ 50 autres personnes à bord du navire. Ils ont tous été enfermés dans le fond du navire. Ce prisonnier m’a raconté que c’était quelque chose de semblable à ce que l’on voit à la télévision. Les personnes détenues à bord du navire ont été frappées encore plus durement qu’à Guantánamo. »
Clive Stafford Smith, directeur juridique de Reprieve, considère qu’« ils choisissent les navires pour tenter dans la mesure du possible de garder leurs méfaits à l’abri des regards indiscrets des médias et des avocats. Mais finalement, nous allons rendre leurs droits à ces prisonniers fantômes. »
« De son propre aveu, le gouvernement américain conserve actuellement en détention sans procès au moins 26 000 personnes dans des prisons secrètes, et nos informations nous indiquent que jusqu’à 80000 personnes sont passées dans ce « système » depuis 2001. Le gouvernement américain doit s’engager à respecter les droits fondamentaux et la dignité humaine en révélant immédiatement qui sont ces personnes, où sont elles et ce qui leur a été fait. »
Andrew Tyrie, le député conservateur qui préside le groupe parlementaire sur les détentions arbitraires [« Peu à peu, la vérité apparaît sur ces détentions arbitraires. Tout sera connu avec le temps. Les gouvernements feraient mieux d’être sincères aujourd’hui plutôt que plus tard. Une plus grande transparence autorisera une plus grande confiance dans le fait que lés entorses au droit et à la justice du Président Bush après le 11 Septembre, sont en train d’être corrigées. Cela peut aider à regagner la confiance des communautés musulmanes modérées, dont le soutien est crucial dans la lutte contre un dangereux extrémisme. »
Le porte-parole Libéral-Démocrate pour les affaires étrangères, Edward Davey, déclare « si l’administration Bush utilise des territoires Britanniques pour se livrer à des détentions illégales, cela équivaudrait à une énorme violation de la confiance accordée par le gouvernement Britannique. Les ministres doivent absolument exprimer clairement qu’ils ne soutiennent pas cette activité illégale, que ce soit directement ou indirectement. »
Un porte-parole de la marine US, le commandant Jeffrey Gordon, a déclaré au Guardian : « Il n’y a pas de centres de détention sur les navires de la Marine des États-Unis. » Toutefois, il a ajouté qu’il était de notoriété publique que certains individus ont été placés à bord des navires « durant quelques jours » au cours de ce qu’il décrit comme les premiers jours de détention. Il s’est refusé à tout commentaire sur les informations selon lesquelles des navires de l’US Navy stationnés à Diego Garcia ou à proximité ont été utilisés comme « navires prison ».
Le Foreign Office renvoie à la déclaration de David Miliband en Février dernier, qui a admis face aux parlementaires qu’en dépit et à contrario des assurances antérieures, des vols américains transférant des personnes en détention arbitraire avaient atterri par deux fois à Diego Garcia. Il avait alors indiqué avoir demandé à ses services d’établir la liste de tous les vols impliqués dans ce type de transport.
On soupçonne également que des « sites noirs », des centres de détentions illégaux et secrets de la CIA, auraient été utilisés en Thaïlande, en Afghanistan, en Pologne et en Roumanie.
En outre, de nombreux prisonniers ont été « transférés » aux alliés des États-Unis et auraient été torturés dans des prisons secrètes dans des pays comme la Syrie, la Jordanie, le Maroc et l’Egypte.
[1] extraordinary rendition
Publication originale The Guardian, traduction Contre Info