Vidéos de la CIA: une enquête criminelle sera ouverte
Le ministère américain de la Justice a ouvert mercredi une enquête criminelle sur la destruction d’enregistrements vidéo d’interrogatoires de membres d’Al-Qaeda par la CIA, alors que les voix se multiplient pour dénoncer une obstruction à la justice.
«Après une enquête préliminaire (…), j’ai conclu qu’une enquête criminelle sur cette affaire était fondée», a annoncé le ministre dans un communiqué, précisant que l’ouverture d’une enquête ne signifiait pas que des inculpations allaient «forcément suivre».
Le 6 décembre, le directeur de l’Agence de renseignement américaine (CIA), Michael Hayden, avait reconnu que ses services avaient détruit en 2005 plusieurs bandes enregistrées en 2002 et sur lesquelles des enquêteurs chargés d’interrogatoires utilisaient des techniques très controversées.
Selon le New York Times, les vidéos détruites montraient les interrogatoires d’Abou Zoubaydah, soupçonné d’avoir été un membre influent d’Al-Qaeda et d’Abdel Rahim al-Nachiri, suspecté d’être impliqué dans l’attentat contre le navire USS Cole au Yémen en 2000.
De nombreux élus démocrates et associations de défense des droits de l’Homme ont vivement dénoncé la démarche de la CIA, estimant que les enregistrements décrivaient des actes de torture et que leur destruction constituait une obstruction à la justice.
Face au scandale, le ministère de la Justice avait ouvert une enquête préliminaire le 8 décembre pour déterminer si l’enquête criminelle était fondée.
Mercredi, M. Mukasey a tranché en faveur d’une enquête criminelle, menée par le FBI (police fédérale), sous la direction de John Durham, un procureur fédéral adjoint du Connecticut (nord-est) transféré pour cette affaire en Virginie (est), où se trouve le siège de la CIA.
«La CIA va, bien sûr, coopérer pleinement avec cette enquête, comme elle l’a fait avec les autres sur cette affaire», a réagi un porte-parole de la CIA, Mark Mansfield.
L’ouverture de cette enquête «est un pas important», a déclaré le sénateur démocrate Edward Kennedy. «Ces vidéos étaient peut-être des preuves d’un crime, et leur destruction était peut-être un crime en elle-même», a-t-il ajouté, précisant, comme d’autres élus, que le Congrès suivrait l’affaire de près.
En décembre, M. Hayden avait assuré que les vidéos avaient été détruites pour protéger les personnels chargés des interrogatoires d’éventuelles représailles, et qu’elles n’avaient alors plus de liens avec des enquêtes «internes, législatives ou judiciaires en cours».
Dans une tribune publiée mercredi par le New York Times, les deux co-présidents de la commission d’enquête sur les attentats du 11-Septembre, le républicain Thomas Kean et le démocrate Lee Hamilton, ont pourtant accusé la CIA d’avoir fait obstruction à leur travail.
«Ceux qui connaissaient l’existence de ces vidéos – et qui ne nous en ont pas parlé — ont fait obstruction à notre enquête», ont écrit les deux hommes, rappelant qu’ils avaient adressé à la CIA des demandes répétées et précises en 2003 et 2004 sur les interrogatoires des membres d’Al-Qaeda.
La CIA a rejeté les accusations, et un responsable du renseignement a rappelé que les premières informations sur les interrogatoires controversés étaient apparues dans la presse avant que la commission ne termine son travail, mais que cette dernière n’avait alors pas souhaité s’y intéresser.
Fanny Carrier
Agence France-Presse
Washington
Le 2 janvier 2008