La théorie de la « théorie du complot »
L’invraisemblance des versions officielles américaines successives de la mort de Ben Laden semble proportionnelle à l’énergie déployée actuellement par les grands médias pour discréditer à priori toute remise en cause et tout esprit critique sur la réalité des faits eux-mêmes. Il faut absolument placarder ces sceptiques, et quoi de mieux que ce vocabulaire péjoratif et définitif, à base de "complotistes", "conspirationnistes", "théoriciens du complot" qui a pour effet de stopper tout débat, d’arrêter toute réflexion, et surtout d’alimenter la propagande de la peur et de cette "Guerre au terrorisme" née il y a près de 10 ans maintenant ? Voici un billet d’Emrah KAYNAK paru sur Le Grand Soir qui résume bien cette situation.
La théorie de la « théorie du complot »
par Emrah KAYNAK, sur Le grand Soir, le 13 mai 2011
Une grande part des débats relatifs à l’annonce de la mort de Ben Laden est consacrée à disqualifier la réflexion critique en l’assimilant à des délires paranoïaques. Celui qui fait état de suspicion envers les diverses versions officielles est aussitôt affublé du terme peu élogieux de conspirationniste. Les médias institutionnels se rangent de façon acritique du côté du pouvoir et tentent avec acharnement de rendre cohérent l’incohérent.
Une grande part des débats relatifs à l’annonce de la mort de Ben Laden est consacrée à disqualifier la réflexion critique en l’assimilant à des délires paranoïaques. Celui qui fait état de suspicion envers les diverses versions officielles est aussitôt affublé du terme peu élogieux de conspirationniste. Les médias institutionnels se rangent de façon acritique du côté du pouvoir et tentent avec acharnement de rendre cohérent l’incohérent.
Le concept « théorie du complot » est utilisé de façon abusive et systématique pour discréditer la moindre interrogation rationnelle. Les contours indéfinis de cette notion-cadre permettent d’englober sans distinction toute une série de réflexions. Le procédé est simple. Il s’agit de mettre sur un pied d’égalité diverses théories dont les plus faibles remettent en question les doutes légitimes. Les questions pertinentes se voient étouffées sous un fatras d’hypothèses immotivées.
La défiance envers les discours officiels n’est que la résultante logique de diverses tentatives de machination confirmées. Le pouvoir étasunien est accoutumé à l’intoxication comme le démontre le cas emblématique de l’assassinat de Kennedy. En dépit de ses nombreuses aberrations, la thèse bancale du tireur isolé n’a toujours pas été révisée.
On se souvient encore mieux de la propagande grossière qui a mené à la guerre et l’occupation de l’Irak. Des dirigeants politiques de haut rang, des experts et des journalistes soi-disant réfléchis nous rabâchaient sans cesse avec les « armes de destruction massive » qu’ils ne trouveront jamais.
On nous a présenté ensuite des plans détaillés de centres de commandements hypersophistiqués d’Al-Qaida dans les grottes de Tora Bora qui se sont révélées parfaitement imaginaires. On n’a pas oublié non plus l’opération de sauvetage en Irak de Jessica Lynch totalement mise en scène sans parler de l’affaire des couveuses au Koweït destinée à émouvoir le peuple étasunien et justifier leur entrée en guerre.
Ce sont ces mêmes journalistes et experts, candides ou complices, qui raillent aujourd’hui les observateurs qui font preuve de prudence méthodologique envers des sources confondues à de nombreuses reprises pour manipulations caractérisées.
Récuser a priori l’existence d’interventions concertées et clandestines à visée géostratégique revient à nier l’existence même de services secrets. Une agence de renseignement n’est pas une agence de presse et la CIA ne peut donc être traitée comme une source impartiale. Faute de preuves tangibles des circonstances de la mort de Ben Laden, nous sommes priés de nous en remettre à la bonne foi du directeur de la CIA ou du président des Etats-Unis. Or vérité, politique et guerre n’ont jamais fait bon ménage.
Que sait-on à propos d’Oussama Ben Laden si ce n’est ce que les autorités étasuniennes nous en disent ? Il est admis par tous qu’Al-Qaida est une filiale de combattants arabes formés par les services secrets étasuniens, pakistanais et saoudiens pour lutter contre l’influence communiste et panarabiste.
Cette mouvance occulte n’a jamais autant servi les intérêts des Etats-Unis qu’aujourd’hui. Qui parle à perte de vue d’Al-Qaida ? La labellisation Al-Qaida suffit à disqualifier ipso facto des mouvements insurrectionnels populaires dans des pays occupés. Ces incantations martelées et répétées acquièrent valeur de démonstration.
Aussitôt la mort de Ben Laden annoncée, on nous prévient déjà que la lutte contre le terrorisme n’a pas pris fin et qu’il faut se méfier encore davantage de la vindicte islamiste. Al-Qaida aurait promis de venger la mort de son fondateur. Cet ennemi est si commode qu’il procure l’argument nécessaire au maintien de troupes étrangères en Afghanistan.
La peur est un appui de première main pour les propagandistes. Un public qui a peur est enclin à se soumettre à l’autorité et à exalter son identité nationale. Il suffit de dire que les islamistes haïssent le monde occidental et qu’ils veulent le détruire pour s’assurer le soutien inconditionnel à la politique impérialiste des Etats-Unis.
Les théoriciens du complot ne seraient-ils pas ceux qui soutiennent la thèse d’un complot international djihadiste, ceux qui voient des conspirateurs à la moindre expression d’une critique, ceux qui propagent une vision schématique du monde divisé entre le bien et le mal, la liberté et l’obscurantisme pour justifier leurs interventions militaires ?
Emrah Kaynak
Le Grand Soir, le 13 mai 2011
En lien avec cet article :
- Mort de Ben Laden : nous avons déjà vu le film | par Jean-Noël Lafargue, sur Owni.fr, le 11 mai 2011
- Mort de Ben Laden : Est-ce la fin de l’Histoire ? | par le Pr Chems Eddine Chitour, mondialisation.ca, le 7 mai 2011
- Ben Laden affaibli par une dialyse selon l’expert Richard Labévière | sur oumma.com, le jeudi 5 mai 2011
Et tous les articles récents sur Ben Laden parus dans nos pages…
Et le pendant de cette vocation à l’insulte standard et commode est l’amalgame:
ainsi, si vous doutez de la VO du 11/9, ou de la date de la mort de Ben Laden, on vous attaque d’un classique: « mais bien sûr! et puis on n’a jamais été sur la lune, et puis il y a des petits hommes verts à la maison blanche, et puis la terre est creuse! ».
Les gens sérieux, ce sont eux.
Les farfelus, c’est nous.
Mais tous ces intelligents, si vous les poussez dans leurs retranchements, montrent clairement que pas une minute ils n’ont étudié la question (en passant, la terre creuse mérite l’étude, comme les petits hommes gris- et non verts). Ils ne sont au courant de rien, mais pérorent. L’ignorance leur tient lieu de vertu, la crédulité et la foi en la parole gouvernementale leur sert d’ étendard, et, comme en religion, leur foi remplace leur raison, et tue leur esprit critique.
Des veaux, comme disait le général.
Consternant.
Regardez un peu ce commentaire que j’ai trouvé sur le premier lien de cet article !
« Matthieu Aron a raison : ceux qui doutent des versions officielles sont de criminels par la pensée.
Car il est scientifiquement établit que que le passé n’existe pas en soi. Il n’est qu’un souvenirr dans les esprits humains. Le monde n’existe qu’à travers la pensée humaine et n’a pas de réalité absolue. Il convient des lors de substituer à cette notion archaïque de passé celle structurante de Vérité.
Heureusement avec l’identification par l’adresse IP (et bientôt par puce RFID) il est possible de réprimer cette criminalité par une Police de la Pensée.
Dès que tout cela sera au point, il conviendra de nommer un Ministère de la Vérité qui aidera chacun a connaitre la Vérité et un Ministère de l’Amour chargé de rééduquer les criminels par la pensée pour les amener à aimer la Vérité.
En attendant ces jours glorieux de l’avènement du Grand Frère, il faut discréditer ceux qui insinuent le doute dans les espris faibles et éradiquer la néfaste influence de l’ignoble Descartes afin de dénoncer sa fausse religion du Doute Méthodique qui mène à l’anarchie et l’irrespect.
Et n’oubliez pas : Douter est un Crime par la Pensée.
Eric Blair »
C’est horrible !
@François Lambert
Il s’agit d’un extrait de 1984 de Georges Orwell non ?
C’est un peu comme ces gens, qui, enlisés dans un débat, tentent de s’en sortir avec la fameuse pirouette « De toute façon, tu as toujours raison! ». Mais c’est comme ça que fonctionne notre monde moderne, quand on tombe sur plus fort que soit, on le détruit plutôt que de chercher à s’améliorer, au lieu de donner de bons arguments on cherche à déstabiliser « l’adversaire », etc.
@ Aoris.
Les gens n’aiment pas avoir tort alors ils reprochent aux autres d’avoir raison pour éviter toute auto-critique dérangeant leur tout petit égo, mais aussi beaucoup par peur, lâcheté et soumission. Ainsi va la vie…
Complotistes? Conspirationnistes? Moi j’assume, et même je revendique: c’est, aujourd’hui comme hier, le contraire de crédule, de naïf, de gobe-mouche. C’est Descartes contre Mao. C’est, de l’esprit, l’indépendance contre la soumission. C’est la Liberté contre l’esclavage. Un homme qui ne conteste pas n’est déjà plus tout à fait un homme. Il se condamne, et condamne ses frères, à la domination des voleurs et des menteurs.
Soyons des résistants, pour n’être pas des collabos.
@ doctorix
Oui mais non, enfin pas tout à fait. Dans l’imagerie populaire, le terme « conspirationniste » défini aujourd’hui ceux qui voient des conspirations partout, même là où il n’y en a pas. Mais c’est vrai que ceux qui aiment à employer ce terme ont tendance à tomber dans l’excès inverse, ne voir de conspiration nul part, comme si la corruption avait subitement disparu de la surface de la planète et que la méfiance était devenue obsolète.
En passant, et puisqu’il est question de la mort de Kennedy, il est curieux que tout le monde oublie la seconde enquête officielle menée par « U.S. House of Representatives Select Committee on Assassinations » qui conclut en 1979 qu’il y eut bien une conspiration dans ce meurtre.
Oui conspiration pour JFK, MLK, bobby Kennedy et le « summum » avec le 11 septembre… Bref un pays où la fin justifie les moyens !
Excusez le petit hors sujet, mais à propos de « conspirationnisme », nous découvrons avec plaisir que les médias « mainstream » redécouvrent, à la lumière de « l’affaire DSK », l’existence des complots ainsi que l’usage du conditionnel …