L’immunité, dernier rempart pour l’ancien ministre de la Justice John Ashcroft ?
Au lendemain du 11-Septembre, le gouvernement Bush ne lésina pas sur les mesures à prendre pour protéger le pays. Il foula aux pieds les principes élémentaires de la démocratie, allant jusqu’à travestir la réalité en utilisant les mots de la rhétorique démocratique et libérale… pour justifier des actes diamétralement opposés. Par exemple, il insista sur le fait qu’ils avaient été attaqués "parce qu’ils étaient libre", alors même qu’il s’apprêtait à faire voter le Patriot ACT et outrepasser l’habeas corpus, marquant sa présidence du plus grand recul des libertés civiles depuis les progrès enregistrés de Martin Luther King à Daniel Ellsberg… Evidemment, les excès se multiplieront et Amnesty International demande depuis des années aux autorités américaines de déférer à la justice l’ancien président George W. Bush pour son rôle dans les cas avérés de torture pour lesquels il a vraisemblablement donné son accord. Raison pour laquelle Bush n’est pas venu à Genève en Février dernier.
John Ashcroft, ancien ministre de la Justice du gouvernement Bush, fait également l’objet d’une plainte pour le traitement qu’a reçu M. Abdullah Al-Kidd, détaillé dans l’article ci-dessous. Mais il pourrait bien s’en tirer grâce à l’immunité dont il bénéficie, qui apparait aujourd’hui comme l’ultime rempart capable de protéger ceux qui tentent par tous moyens de se soustraire à la justice au lieu de s’y soumettre comme tout citoyen américain.
Enfin, cette immunité est aussi à rapprocher des non-lieux intervenus début 2010 dans les affaires opposants des familles de victimes à une série de dignitaires et hommes d’affaires saoudiens, dans la clôture des 4 enquêtes ayant tenté en vain de remonter la filière des délits d’initiés, et qui se heurtèrent à la "respectabilité des donneurs d’ordres" tels que la Deutsche Bank, ou encore à la fin de non-recevoir adressée à toutes les personnalités qui tentèrent de porter plainte contre l’administration américaine, notamment William Rodriguez et April Gallop, qui passe le 5 avril en cassation à New-Haven, Connecticut. Toutes les autres familles de victimes avaient signé au procureur de New-York Eliot Spitzer, (aujourd’hui journaliste à SLATE puis CNN…) un acte de renoncement aux poursuites, en échange d’indemnités de 1,8M USD par victime…
Ashcroft peut dormir tranquille, lui aussi.
A gauche : John Ashcroft, ancien ministre de la Justice (2001-2005)
A droite : Abdullah Al-Kidd (droite) accompagné de son avocat Lee Gelernt.
paru sur Romandie.com via l’AFP le 2 mars 2011
WASHINGTON – La Cour suprême des Etats-Unis a examiné mercredi la plainte d’un Américain musulman, arrêté et emprisonné en 2003 sans qu’aucun soupçon sérieux ne pèse sur lui, contre John Ashcroft, le ministre de la Justice de George W. Bush après le 11-Septembre, qui brandit son immunité.
La plus haute juridiction des Etats-Unis qui siégeait dans cette affaire à huit au lieu de neuf, une juge s’étant récusée, devrait dire d’ici fin juin si elle confirme ou non la décision d’une cour d’appel fédérale d’autoriser la plainte.
L’affaire commence en mars 2003, lorsque Abdullah Al-Kidd, né au Kansas (centre) et converti à l’islam, est arrêté en vertu du principe fédéral dit du "témoin crucial" qui autorise la détention du témoin d’un procès terroriste pour s’assurer qu’il se présentera bien à la barre.
M. Al-Kidd passe quinze jours enfermé à l’isolement dans trois prisons américaines différentes, subissant des fouilles au corps quotidiennes, dormant parfois à même le sol en ciment ou avec la lumière électrique allumée 24 heures sur 24. Il est ensuite placé sous contrôle judiciaire pendant 15 mois.
Il n’a jamais été accusé d’aucun crime et n’a jamais été appelé à témoigner au procès pour lequel il avait été arrêté, qui s’est soldé par un verdict de non-culpabilité.
Pour son avocat mercredi, il est clair que la police s’est servie du principe du "témoin crucial" pour procéder en réalité à "une détention préventive" dans la vague de paranoïa qui a saisi l’Amérique au lendemain du 11-Septembre.
"Après le 11-Septembre, l’administration avait demandé au Congrès de lui conférer de nouveaux pouvoirs de détention préventive (en matière anti-terroriste), le Congrès a refusé cette demande", a argumenté Lee Gelernt devant des juges inhabituellement peu bavards.
Pour l’administration Obama, à l’inverse, qui plaide pour l’immunité de M. Ashcroft afin d’éviter que les poursuites se multiplient, "le ministre et les procureurs faisaient leur travail". Neal Katyal, avocat de l’administration, a en outre rappelé que M. Al-Kidd avait poursuivi séparément les responsables des prisons qui l’avaient soumis à ce traitement brutal.
Si la Cour décidait de se ranger en faveur de l’immunité, elle resterait fidèle à un principe déjà tranché dans un cas similaire il y a deux ans – déjà concernant M. Ashcroft -, selon lequel les hauts responsables de l’Etat ne peuvent être tenus responsables des excès de l’après 11-Septembre.
Mais les Sages pourraient également décider d’élargir la portée de leur jugement en traitant la question du principe de "témoin crucial".
"Le ministère de la Justice veut savoir s’il peut utiliser ce principe" pour détenir des personnes dans des cas de lutte antiterroriste, même sans qu’il existe le "soupçon sérieux" requis par le IVe amendement de la Constitution pour procéder à une arrestation, explique le spécialiste Orin Kerr sur le site dédié à la Cour suprême, Scotusblog.
(©AFP / 02 mars 2011 22h48)
En complément de l’article :
Vidéo (en anglais) : M. Abdullah Al-Kidd explique son histoire et les raisons qui motivent sa plainte.
En lien avec l’article :
- L’immunité de John Ashcroft examinée par la Cour suprême | Cyberpresse.ca via l’AFP le 18.10.10
- Etats-Unis : le Cour suprême va réétudier l’immunité de l’ancien ministre de la Justice, John Ashcroft | Raphaël Reynes pour RFI le 19.10.10
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On parie combien que sa plainte sera refusée ?