Les lois liberticides PATRIOT ACT seront-elles encore reconduites par le Congrès US ?
Le Sénat américain, qui avait en mars 2010 prolongé d’un an trois dispositions du "Patriot Act", va devoir à nouveau se pencher sur leur prolongation avant la fin du mois de février. Le Patriot Act est, comme chacun le sait maintenant, cet arsenal législatif de lutte antiterroriste qui avait été mis en place par l’administration de George W. Bush au lendemain du 11-Septembre. Faisant en quelque sorte écho à ce vote aux USA, le parlement français entérine, lui, la loi LOPPSI-2 (Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) qui permet notamment à l’État d’imposer arbitrairement aux fournisseurs d’accès Internet le filtrage immédiat de certains sites et ce, malgré la levée de boucliers de la part de 35 organisations du monde entier, et les mises en garde de la Cour européenne des droits de l’homme.
Vu l’importance qu’a prise l’Internet dans le déclenchement, le déroulement et la médiatisation des récentes révoltes en Egypte et en Tunisie, gageons que le contrôle de l’internet, et plus généralement le contrôle des populations, ont de beaux jours devant eux.
ENLARGE MY PATRIOT ACT
par Olivier Tesquet, sur OWNI.fr, le 8 fév. 2011
Pendant que nos parlementaires votent définitivement la Loppsi 2, le Congrès américain s’apprête à reconduire le Patriot Act. Qui fait toujours la part belle à la surveillance d’Internet.
A la fin du mois, le Patriot Act arrivera à expiration outre-Atlantique. Et mardi 8 février, pendant que nos parlementaires entérineront le vote de la Loppsi 2, le Congrès américain planchera sur une nouvelle version “étendue” de la loi anti-terroriste controversée, de la même manière qu’on prolonge l’état d’urgence d’une année sur l’autre. Loi d’exception votée juste après les attentats du 11 septembre, le USA Patriot Act (son sigle officiel, pour Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act) a considérablement renforcé le pouvoir des agences de renseignement américaines, leur octroyant des prérogatives qui, dans bien des cas, ne nécessitent pas l’aval d’une autorité judiciaire compétente.
Le but ? Laisser les mains libres à la CIA, au FBI, à la NSA et à leurs déclinaisons pour prévenir tout risque menaçant la “sécurité nationale”. Outre les perquisitions in abstentia ou les entraves au premier amendement – la sacro-sainte liberté d’expression anglo-saxonne -, on peut citer l’exemple des 50.000 “National Security Letters” envoyées chaque année par les agents fédéraux aux fournisseurs d’accès à Internet. Dans celles-ci, ils réclament de manière confidentielle des informations relatives à leurs utilisateurs, sans que ceux-ci en soit avisés.
Depuis sa mise en place, le Patriot Act n’a pas seulement agité les associations de défense de la vie privée ou ceux que Fox News appelle péjorativement les “socialistes”. Il a également rassemblé contre lui des politiciens de tous bords, libéraux comme conservateurs, tant et si bien que certaines communes ont purement et simplement refusé de l’appliquer. Et depuis plus de six ans, des juges contestent sa constitutionnalité.
40 minutes de débats
Pourtant, le Congrès, qui va se réunir dans les jours qui viennent pour discuter d’un texte modernisé, va probablement voter de nouvelles dispositions à la marge (celle qui fâche) et par la voie rapide. Hormis la collecte d’informations bancaires ou téléphoniques sans le consentement des personnes ciblées, la nouvelle cuvée du Patriot Act prévoit notamment l’institutionnalisation de la surveillance d’Internet, en autorisant le gouvernement à espionner les ordinateurs “susceptibles d’être utilisés occasionnellement par des terroristes présumés”. En soi, ce n’est pas vraiment une surprise, les mouchards existent déjà: le FBI a récemment rendu visite à Facebook dans ses bureaux de Palo Alto pour évoquer la création de backdoors, et la NSA travaille main dans la main avec Google depuis l’incident impliquant la firme de Mountain View et la Chine.
Plus surprenant est le consensus qui accompagne le vote de ces nouvelles dispositions, qui pourraient entrer en vigueur jusqu’en décembre 2013. Celles-ci seront ainsi votées selon la procédure dite de la “Suspension of the rules”, un particularisme américain qui prévoit quarante petites minutes de débat et n’offre aucune possibilité d’introduire des amendements, preuve de l’assentiment des Républicains comme des Démocrates. Tandis que des personnalités sensibles aux enjeux du numérique comme Susan Crawford, ancienne conseillère en innovation de Barack Obama, cherchent à se prémunir contre “la militarisation du web”, il semblerait que la classe politique américaine voit dans le Net le prochain champ de bataille du renseignement.
Droit de regard judiciaire
Sur son site, le sénateur démocrate du Vermont, Patrick Leahy (par ailleurs président de la Commission judiciaire) défend ces recommandations et insiste sur l’accord “bipartisan” autour de celles-ci:
[Le Patriot Act] défendra la transparence et étendra les garde-fous concernant la vie privée et les libertés civiles. Il renforce le pouvoir judiciaire sur les capacités de surveillance du gouvernement qui capturent des informations sur les Américains. Ceci est un lot de réformes que tous nos concitoyens devraient supporter.
Si le texte prévoit un droit de regard plus important du système judiciaire sur les autorités, en relevant les conditions d’une écoute téléphonique par exemple, il n’en inquiète pas moins les défenseurs des libertés individuelles. “Si cette nouvelle version introduit des changements importants qui permettent de mieux contrôler le pouvoir du Patriot Act, elle ne remet malheureusement pas en question certaines dispositions dangereuses”, regrette Michelle Richardson, conseillère juridique de l’Union américaine des libertés civiles (ACLU).
Tandis que l’Exécutif américain continue de réfléchir à la création d’un “bouton” qui permettrait au président Obama d’éteindre Internet, les États-Unis persistent dans une voie sensiblement différente du filtrage: le contrôle. Comme tout État qui utilise des technologies DPI, la question est de savoir si une telle surveillance est passive ou active, s’il s’agit d’un simple poste d’observation ou de la rampe de lancement de patrouilles dédiées à l’interception.
Si ce point reste à clarifier (il faudrait pour cela acter la création d’une doctrine offensive en matière de cybersécurité), l’appareil judiciaire et l’intelligence se sont d’ores et déjà rangés du côté de Capitol Hill: le ministre de la Justice Eric Holder et le directeur du renseignement Eric Clapper ont appelé les élus à renouveler le bail du Patriot Act dans une lettre aux élus.
Olivier Tesquet
OWNI.fr, le 8 fév. 2011
En lien avec cet article :
- LOPPSI 2 : La voie est grande ouverte pour le contrôle de l’Internet en France | par Guillaume Champeau sur Numerama le mercredi 19 janv. 2011
- Contrôle de l’Internet : après HADOPI, le Parlement français prêt à voter la loi LOPPSI-2 | paru sur InternationalNews et Avaaz, le 14 décembre 2010
- Lois anti-terroristes : discours de Jean-Claude Paye à l’Assemblée Nationale | Retranscription par ReOpen911, le 28 oct. 2010
- Michel Collon, Caleb Irri : Internet et la révolution | par Caleb Irri, cité par Michel Collon sur son site, le 13 avril 2010
- Les poubelles du Web | Par Benoit Raphael, Paris, le 8 février 2010
- Le Sénat US prolonge trois dispositions de la loi antiterroriste PATRIOT ACT | paru dans Romandie.com, le 25 février 2010
- Des sénateurs veulent ouvrir une enquête sur les dérives judiciaires de l’administration Bush dans sa «guerre contre le terrorisme» | Julie Connan (lefigaro.fr) avec AFP
Bonjour,
Hier soir (8/02/11) sur ARTE comment le « patriot act » est utilisé pour réprimer les militants écologiste baptisés « éco terroristes » :
http://videos.arte.tv/fr/videos/les_insurges_de_la_terre-3685944.html
@ Kimble: certains militants écolos sont AUSSI des agents provocateurs infiltrés au service des Etats dans le but de faire passer ces organisations comme « extrêmistes » et ainsi empêcher toute rébellion populaire.
Récemment d’ailleurs, un agent des services secrets Anglais s’est fait pincé et l’a avoué…
Mais basiquement, c’est la même chose dans n’importe quelle manif: les casseurs sont des flics en civil, ou on laisse faire exprès les délinquants pour pourrir le contenu des revendications.
Enième méthode du terrorisme d’Etat.
Sinon pour combattre un Etat voyou, on fait quoi?