LE POINT : Vols secrets de la CIA, une cour d’appel américaine classe le dossier
Le Secret d’État. Cette ultime barrière, cette dernière ligne de défense derrière laquelle se retranchent les responsables de toutes ces horreurs infligées à des innocents, voire à des peuples entiers au nom de cette sacro-sainte "guerre au terrorisme". Pas d’arguments à avancer, pas de responsables, pas de coupables. Ce même "Secret d’État" dont se sont plaints les responsables de la Commission d’enquête sur le 11/9, qui ont dû faire face presque systématiquement à cette stratégie de la part de l’Administration Bush, à l’époque. Cette fois, la justice états-unienne a tranché : vous ne saurez pas ce qui s’est passé avec ces vols organisés par la CIA pour transporter, au mépris de toutes les règles de droit international, des prisonniers d’un bout à l’autre de la planète. Le tout avec la complicité notable, silencieuse et toujours impunie de la plupart des pays occidentaux.
Mais la question que l’on peut se poser, à la lecture de cette "sentence", c’est pourquoi les pays européens continuent eux aussi à participer à cette mascarade cachée, à l’image de l’Italie qui lors du procès des auteurs de l’enlèvement d’Abu Omar à Milan en 2003, pour lequel les agents de la CIA pourtant identifiés n’ont pas été arrêtés, a fait appel à ce même "Secret d’État". L’existence de ces vols illégaux en Europe est avérée, et documentée par la Commission d’enquête du Parlement européen, dirigée par Claudio Fava, à laquelle Giulietto Chiesa[1] participait activement, et qui a confirmé le rapport du tessinois Dick Marty[2] au Conseil de l’Europe. Elle a montré que la CIA avait enlevé, séquestré et torturé des musulmans en Europe au cours des cinq dernières années. Ces commissions ont dénombré 13 000 cas et 1200 vols civils de la CIA entre 2002 et 2006 ayant transité par l’Europe, et personne ne connait le nombre de vols militaires. Pourtant, la dissimulation continue de plus belle. Voici l’article de l’hebdomadaire Le Point reprenant la dépêche de l’AFP sur cette décision de ce qu’ils appellent encore "Justice".
Une cour d’appel américaine a donné raison mercredi à l’administration Obama en classant, au nom du "secret d’Etat", le dossier des vols secrets de la CIA mis en place après le 11-Septembre pour transporter des suspects de terrorisme et les interroger à l’étranger.
Photo Airliner.net : le Gulfstream IV immatriculé aux USA N63MU vu à Vilnius à plusieurs reprises lors de transferts civils illégaux.
Vols secrets de la CIA : une cour d’appel américaine classe le dossier
paru dans Le Point le 9 septembre 2010
Une cour d’appel américaine a donné raison mercredi à l’administration Obama en classant, au nom du "secret d’Etat", le dossier des vols secrets de la CIA mis en place après le 11-Septembre pour transporter des suspects de terrorisme et les interroger à l’étranger.
L’Association américaine de défense des libertés civiles (Aclu) qui défendait les plaignants dans cette affaire a aussitôt annoncé qu’elle allait saisir la Cour suprême.
La cour d’appel fédérale de San Francisco (Californie, ouest) qui statuait en formation plénière (11 juges) assure dans sa décision que "le ministère public nous a convaincus" que les éléments à charge dans cette affaire "devaient absolument être protégés par la prérogative du secret d’Etat".
A l’origine de l’affaire, qui a démarré en mai 2007, cinq anciens détenus avaient déposé plainte contre Jeppesen Dataplan, une filiale de Boeing pour avoir appuyé la logistique des transfèrements de suspects de terrorisme vers des prisons hors des Etats-Unis.
Les cinq plaignants affirment avoir été enlevés, transportés dans des pays étrangers et remis à des agents de la CIA (agence américaine de renseignement) ou à des gouvernements étrangers pour être torturés.
Les faits invoqués se sont déroulés sous l’administration Bush qui a reconnu que, après les attentats du 11-Septembre, ce type de transfèrements a en effet eu lieu.
"Même si des informations sur ces opérations ont été publiquement révélées, le rôle de Jeppesen et son éventuelle responsabilité dans les vols ne peuvent pas être pris isolément des parties du dossier qui sont secrètes et protégées", affirme la cour d’appel.
Notes ReOpenNews :
- Giulietto Chiesa est journaliste. Il fut correspondant de presse d’El Manifesto et d’Avvenimenti, et collaborateur de nombreuses radios et télévisions en Italie, en Suisse, au Royaume-Uni, en Russie et au Vatican. Auteur de divers ouvrages, il a notamment écrit sur la dissolution de l’URSS et sur l’impérialisme états-unien. Ancien député au Parlement européen (Alliance des démocrates et libéraux, 2004-2008), il est membre du Bureau exécutif du World Political Forum. Il tient un site Web en italien http://www.giuliettochiesa.it/ et participe activement au site d’information italien Megachip
- Dick Marty est Docteur en droit et membre du Conseil des États de la Confédération helvétique, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont il préside la Commission des Affaires juridiques et des Droits de l’Homme. Il a été chargé par cette dernière d’établir un rapport sur les allégations concernant l’existence de prisons secrètes de la CIA en Europe.
En lien avec cet article
- 9 août 2010 | LeFigaro.fr | "L’Amérique classe l’affaire des vols secrets de la CIA"
- 27 août 2010 | Yabiladi.com | "11-septembre : deux cassettes retrouvées sous un bureau prouvent que des interrogatoires de la CIA ont eu lieu au Maroc"
- 8 mars 2010 | Rue89 | "La patate chaude des prisons secrètes de l’ère Bush"
- 23 déc. 2009 | Giulietto Chiesa, La Stampa | "G.Chiesa : “Terrorisme, la CIA cache un secret à Vilnius”
- 4 nov. 2009 | AFP | "Vingt-trois anciens agents de la CIA condamnés en Italie"
- 11 août 2009 | AgoraVox, GlobeReporter | " Torture, secret d’Etats : Américains, Britanniques et Marocains, pieds et poings liés"
- août 2006 | Giulietto Chiesa, Le Monde Diplomatique | "Au mépris de l’Europe et du droit. L’archipel des prisons secrètes de la CIA".
Peut-on vraiment condamner la Cour d’Appel?
Cela fait plus de cinquante ans que les Américains font la pluie et le beau temps sur cette planète et pourtant personne n’ose les arrêter. Ils sont habitués à croire qu’ils font partie du pays le plus puissant au monde, que c’est le meilleur pays au monde, et qu’ils existent pour répandre la démocratie et le respect des droits de la personne.
Pour ce juge qui a décidé de classer ce dossier, c’est normal.
Pourquoi agirait-il différemment s’il est convaincu que son pays est au-dessus de tout soupçon et qu’il est dans son droit de torturer parce que cela a pu « sauver des vies », nous dit-on.
Demain sera le 9e anniversaire du 11 septembre. A cet effet, le Washington Blog a écrit un article fort intéressant sur le sujet en plus d’y ajouter plein de témoignages d’anciens commissaires qui ont fait partie de l’enquête sur le 11/09, témoignages de pilotes, agents de la CIA et FBI à la retraite et beaucoup plus.
Article très percutant mais en anglais seulement. Peut-être une âme charitable à Reopen pourrait le traduire?
http://georgewashington2.blogspot.com/2010/09/anniversary-of-911.html