Les documents sur le suicide du Dr Kelly classés ‘confidentiels’ pour les prochains 70 ans

Rappelons les faits : David Kelly était probablement le plus grand expert britannique sur la question des armes biologiques. Microbiologiste, ce savant de 59 ans, timide, sérieux et introverti, fut l’un des inspecteurs en désarmement de l’ONU entre 1991 et 1998 (il avait fait 36 voyages en Irak pendant cette période). Jusqu’au conflit en Irak, les opinions de David Kelly sur la question des armes de destruction massive du régime de Saddam Hussein correspondaient en gros à celles du gouvernement britannique. Cependant, à la suite de la chute du régime de Bagdad, David Kelly retourna en Irak. Il émit alors des critiques sur les méthodes américaines pour découvrir d’éventuelles armes de destruction massive et des doutes sur les soi-disant capacités de destruction de l’Irak.

En mai 2003, un reportage du journaliste de la BBC, Andrew Gilligan, accusa le gouvernement Blair d’avoir « gonflé » la menace posée par l’Irak pour justifier la guerre. David Kelly se retrouva sous les feux de la rampe lorsque le ministère de la Défense le soupçonna d’être la source principale du reporter. Convoqué devant la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes, l’expert en armement déclara aux députés qu’il n’est pas la « source principale » du journaliste de la BBC.

David Kelly disparaîtra de son domicile le 17 juillet 2003. Le lendemain, il sera retrouvé sans vie près d’un bois situé non loin de chez lui, le poignet gauche tailladé. Des comprimés d’analgésique seront retrouvés près du corps, et l’autopsie indiquera qu’il a succombé à une hémorragie. Il s’est apparemment suicidé. [1]

 

Le Dr David Kelly sur le point de fournir les preuves au ministère des Affaires étrangères (Foreign Affairs Committee) montrant que le gouvernement  a truqué le dossier des Services de renseignements à l’origine de l’entrée en guerre [de la Grande-Bretagne] contre l’Irak.
Photo Ian Waldie/Getty Images Europe

 


 

paru dans The Guardian le 25 janvier 2010


L’enquête criminelle menée par Hutton aboutit au classement du rapport médical de David Kelly pour les prochains 70 ans

Les médecins désirant consulter le rapport doivent affronter le problème légal
Montée du doute sur le verdict du suicide de l’expert sur l’Irak

La décision de Lord Hutton de classer “confidentiels” les documents relatifs à la mort du Dr David Kelly se heurtera probablement aux déclarations d’experts de plus en plus nombreux à douter de la véracité de son suicide.

L’enquête criminelle menée par Hutton, qui conclut en 2004 que le Dr Kelly s’était suicidé en se coupant une artère du poignet, a attiré l’attention de médecins qui remettent en cause les conclusions médicales.

Cinq docteurs ont demandé officiellement au coroner d’Oxford l’accès aux pièces du dossier, mais se sont vus répondre que Lord Hutton avait dès 2003 fait classer “confidentiels” les rapports du légiste et les photos, et ce, pour les prochains 70 ans. “C’est une révélation” s’étonne Michael Powers QC, un ex-assistant coroner et expert en droit de médecine légale. “Je ne vois pas ce qui pourrait justifier que ces documents soient traités de façon si différente.”

Les cinq médecins sont David Halpin, chirurgien en traumatologie, Andrew Rouse épidémiologiste, Martin Binrnstingl chirurgien, et les radiologues Stephen Frost et Chris Burns-Cox spécialisés en médecine interne générale. Ils ont officiellement demandé au ministre de la Justice l’accès aux documents dans le but de rouvrir l’enquête.

Nous espérons obtenir plus d’informations du coroner, pouvoir les examiner, et en fonction de ces documents, faire des propositions”, a expliqué Powers, l’un des médecins les plus impliqués dans ce dossier, bien que ne participant pas à la demande légale. 

Mais la demande des médecins fut rejetée par les avocats du coroner, révélant à cette occasion que les documents avaient été classés “confidentiels”. “Il est tout à fait surprenant qu’ils doivent être gardés secrets sur une durée deux fois plus longue que les autres documents. Je suis sûr qu’ils vont négocier avec leurs conseillers juridiques et étudier le moyen le plus approprié pour trouver un accord”, a ajouté Powers.

Les médecins songeraient aussi à remettre en cause la décision des coroners de ne pas les considérer comme “parties intéressées”. Des experts en Droit de l’information indiquent qu’il y aurait de bonnes chances de gagner en justice. “Si Lord Hutton n’était pas en charge d’une enquête criminelle légale, alors je ne vois pas dans quelle mesure il pouvait demander le classement de ces documents” explique Maurice Frankel, le directeur de la Campagne pour la Liberté de l’Information.

La nouvelle de la décision de garder secrets ces documents fut une surprise pour les avocats. Aucune mention d’une telle décision ne figure sur le site Web de l’enquête de Hutton.

Si un point aussi important que celui-ci n’a pas été rendu public, cela soulève des questions sur les autres points non dévoilés,” commente Powers. “Tout porte à croire que les conseillers juridiques du coroner d’Oxfordshire ont gaffé en faisant cette révélation, pensant que la classification “confidentiel” de ces documents pour une durée si longue était une chose déjà connue.”

Des doutes subsistent sur la mort du Dr Kelly, même après l’enquête initiale sur son décès qui n’a jamais été poursuivie. Pourtant, les conclusions d’Hutton furent considérées comme suffisantes. Mais l’instruction s’est basée sur des tests moins rigoureux que ceux utilisés lors d’une véritable enquête, où un coroner doit être sûr “au-delà de tout doute raisonnable” qu’une personne avait l’intention de se donner la mort.

Il devrait y avoir une nouvelle enquête . Nous exigeons de vraies réponses,” a expliqué Powers. “Les preuves médicales ne sont pas concluantes. Je dois encore rencontrer le médecin qui nous dira que c’était “possible”, sans aller jusqu’au ‘vraisemblable’".

 

Traduction GV pour ReOpenNews

 


Références :

  1. Extrait du descriptif de Radio Canada : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/kelly/acteurs.html

 

Notes ReOpenNews :

 

9 Responses to “Les documents sur le suicide du Dr Kelly classés ‘confidentiels’ pour les prochains 70 ans”





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