Webster Tarpley : Obama déclare la guerre au Pakistan

Après l’annonce par Barack Obama de l’envoi de 30.000 hommes supplémentaires en Afghanistan, l’écrivain Webster Tarpley, auteur de plusieurs interviews et articles éclairés sur le sujet, nous livre ici une analyse détaillée sur la réelle signification de cet envoi de renforts. Les enjeux géopolitiques sont multiples et considérables. Sous le prétexte officiel de déloger les quelques combattants d’al-Qaida toujours présents sur le territoire afghan, c’est toute la stratégie anglo-américaine vis-à-vis du Pakistan, de la Chine et de la Russie qui est ici passée en revue. Au-delà de la pertinence de son analyse, Webster Tarpley lance un signal d’alarme à tous les mouvements pacifistes pour qu’ils se mobilisent et tentent de contrer cette politique de l’escalade militaire conflictuelle en Asie.

L’écrivain Webster Tarpley
 

Obama déclare la guerre an Pakistan

Par Webster Tarpley

Washington DC, le 11 décembre – Le discours d’Obama à West Point le 1er décembre 2009 représente bien plus que l’évidente et brutale escalade en Afghanistan – il s’agit en réalité d’une déclaration de guerre tous azimuts des USA contre le Pakistan. C’est une nouvelle guerre, beaucoup plus large, qui vise désormais le Pakistan,  pays de 160 millions d’habitants, détenteur de l’arme nucléaire. Ce processus inclut l’éclatement de l’Afghanistan. Il ne s’agit plus de la guerre afghane de “Bush, Cheney” que nous avons connue par le passé, mais de quelque chose d’immensément plus grand : la tentative de détruire le gouvernement central pakistanais d’Islamabad et de jeter ce pays dans le chaos de la guerre civile, de la balkanisation, du fractionnement et du désordre généralisé. Ce choix stratégique consiste à exporter massivement la guerre civile afghane au Pakistan et au-delà, à fracturer le Pakistan en séparant les ethnies. C’est une guerre indirecte, utilisant des techniques de guerre ou de guérilla de 4e génération dans le but d’assaillir un pays que les États-Unis et les autres pays agresseurs alliés sont bien trop faibles pour attaquer de front. Dans cette guerre, les taliban sont utilisés par procuration, comme un relai des USA. Cette agression contre le Pakistan est une tentative d’Obama de lancer le “Grand Jeu” contre le coeur de l’Asie centrale et plus généralement contre l’Eurasie.

LES USA DISSUADÉS DE FAIRE LA GUERRE À CAUSE DE L’ARSENAL NUCLÉAIRE PAKISTANAIS

L’actuelle guerre civile en Afghanistan est un vague prétexte, une couverture destinée à servir de tremplin aux USA pour la déstabilisation géopolitique de toute la région, chose qui ne peut pas être avouée publiquement. Dans l’univers cynique et brusque d’agression impérialiste “à la Bush et Cheney” [en français dans le texte – Ndlr], on aurait fabriqué un prétexte pour attaquer directement le Pakistan. Mais le Pakistan est bien trop grand et les États-Unis beaucoup trop faibles et au bord de la faillite pour se lancer dans une telle entreprise. De plus, le Pakistan est une puissance nucléaire, possède des bombes atomiques et peut en équiper des missiles à moyenne portée. Nous avons sous nos yeux un nouvel épisode de dissuasion nucléaire. Les USA ne peuvent pas envoyer leur flotte d’invasion ou installer des bases à proximité, car celles-ci seraient à portée des armes atomiques pakistanaises. Par conséquent, les efforts d’Ali Bhutto et de A.Q. Khan de doter le Pakistan de l’arme de dissuasion étaient justifiés. Mais la réponse des USA est de trouver le moyen d’attaquer le Pakistan en restant en dessous de la limite  “nucléaire”, même en dessous de la limite “conventionnelle”. Et c’est là où intervient la tactique consistant à exporter la guerre civile afghane au Pakistan.

L’architecte de la nouvelle guerre civile pakistanaise est le Commandant général des forces armées USA, le général McKrystal, connu pour avoir organisé le tristement célèbre réseau américain de lieux de torture en Irak. Le crédit spécifique de McKrystal dans cette guerre civile pakistanaise est d’avoir déclenché la guerre civile en Irak entre les sunnites et les chiites à l’aide de le sinistre agent double Zarkawi désormais décédé. Si la société irakienne avait fait bloc contre l’envahisseur américain, les occupants auraient rapidement dû déguerpir. Les gangs connus sous le nom d’”Al-Qaida en Irak” ont permis d’éviter cela en tuant les Chiites, provoquant ainsi des représailles qui ont pris la forme d’une guerre civile. Ces techniques sont expliquées dans les travaux du Général Frank Kiston dans son livre “Low Intensity Warfare” (guerres à faible intensité). Si les États-Unis possèdent un personnage moderne comparable au chef SS Heinrich Himmler, c’est bien le Général McKrystal qui a été choisi personnellement par Barack Obama. Le supérieur de McKrystal, le Général Petraeus veut devenir le nouveau “Field Marshal von Hindenburg” autrement dit, le prochain président américain.

La faiblesse du Pakistan sur laquelle comptent les USA et leurs alliés de l’OTAN est plus facile à comprendre en utilisant une carte des principaux groupes ethniques d’Afghanistan, du Pakistan, de l’Iran et de l’Inde. La plupart des cartes ne montrent que les frontières politiques qui remontent à l’époque de l’Empire britannique, et pour cette raison, ne reflètent pas les appartenances ethniques dans la région. Pour mener à bien cette analyse, nous devons commencer par énumérer un certain nombre de groupes. En premier, nous avons le peuple Pachtoune, localisé principalement en Afghanistan et au Pakistan. Puis nous avons les Baloutches situés essentiellement au Pakistan et en Iran. On trouve aussi les Punjabis au Pakistan, et les Sindhis. La famille Bhutto est d’origine Sindhie.

LE PACHTOUNISTAN

La stratégie des USA et de l’OTAN commence par les Pachtounes, qui constituent la vaste majorité de ceux qu’on appelle les taliban. Les Pachtounes représentent une proportion importante de la population afghane, mais ils sont écartés du pouvoir central de Kaboul depuis l’arrivée du président  Karzai,  marionnette des USA qui passe pourtant pour être d’origine pachtoune. Le problème vient de l’Armée nationale afghane qui fut créée par les USA au lendemain de l’invasion en 2001. Le Corps des officiers afghans est largement constitué de Tadjiks issus de l’Alliance du Nord,qui se rallia aux États-Unis contre les taliban pachtounes. Les Tadjiks parlent le Dari, qu’on appelle aussi le perse oriental. Certains autres officiers viennent du peuple Hazara. Mais la chose importante est que les Pachtounes se sentent mis à l’écart.

La stratégie US est clairement une tentative délibérée de persécuter, harceler, contrarier, réprimer, et décimer les Pachtounes. Les 40.000 soldats supplémentaires de l’OTAN et des USA qu’Obama demande pour l’Afghanistan seront concentrés dans la province d’Helmand et dans les autres régions à majorité Pachtoune. L’effet attendu est de pousser les Pachtounes – peuple farouchement indépendant – à entrer en rébellion contre le pouvoir central de Kaboul et contre l’occupation étrangère, et dans le même temps de repousser la plupart de ces nouveaux combattants Moudjahidins radicalisés derrière la frontière pakistanaise d’où ils pourront déclencher une guerre contre le gouvernement d’Islamabad. L’aide américaine ira directement aux chefs de guerre et de la drogue, alimentant ainsi la dynamique centrifuge.

Du côté pakistanais, les Pachtounes sont là aussi écartés du pouvoir central. Islamabad et l’armée sont vus par eux comme les créatures des Punjabis, et aussi dans une moindre mesure des Sindhis. Dans les territoires pachtounes du Pakistan, les opérations US incluent des assassinats de masse à l’aide d’engins commandés à distance ou drones, des meurtres par la CIA et par des éléments de la Blackwater, agissant pour le compte de la CIA. Ces actions sont insupportables et humiliantes pour un État souverain et fier. Chaque fois que les Pachtounes sont attaqués, ils accusent les Punjabis à Islamabad de laisser faire cela à cause d’accords secrets avec les USA. Pour Obama, le but le plus immédiat dans cette escalade pakistano-afghane est d’encourager une guerre de sécession généralisée et le soulèvement de tout le peuple pachtoune sous les auspices des taliban, ce qui aurait pour effet de détruire l’unité nationale à la fois à Kaboul et à Islamabad.

LE BALOUTCHISTAN

L’autre groupe ethnique que la stratégie d’Obama entend pousser vers l’insurrection et la sécession est le peuple baloutche. Les Baloutches ont leurs propres griefs envers le pouvoir central de Téhéran, qu’ils considèrent comme dominé par les Perses. Une part substantielle de la nouvelle politique d’Obama consiste à multiplier les assassinats au moyen de vols meurtriers des Predators de la CIA et autres drones dans la région du Baloutchistan. L’un des prétextes utilisés est l’information, colportée par exemple par Michael Ware sur CNN, selon laquelle Oussama Ben Laden et Zawahiri son bras droit issu du MI-6, se terrent dans la cité baloutche de Quetta, d’où ils opèrent comme la véritable cheville ouvrière pour ceux qu’on appelle les “Quetta Shura”. Les équipes de Blackwater ne doivent pas être très loin. Au Baloutchistan iranien, la CIA finance l’organisation terroriste Jundullah qui a récemment été dénoncée par Téhéran pour avoir tué plusieurs officiers parmi les Gardiens de la révolution Pasdaran. La rébellion au Baloutchistan ferait exploser l’unité nationale à la fois au Pakistan et en Iran, aidant ainsi à la destruction de deux des principales cibles de la politique américaine.

LA STRATEGIE D’OBAMA, INSPIREE DE RUBE GOLDBERG

Même Christ Matthews de MSNBC, qui habituellement ne tarit pas d’éloges pour Obama, a fait remarquer que la stratégie américaine telle qu’annoncée à West Point ressemblait fort à une tromperie “à la Rube Goldberg. (Dans le monde réel, al-Qaida est évidemment la légion arabe terroriste de la CIA). Dans le monde du mythe officiel américain, l’ennemi est censé être al-Qaida. Pourtant, de l’aveu même du gouvernement US, il reste très peu de combattants d’al-Qaida en Afghanistan. Mais alors, demande Matthews, pourquoi concentrer les forces en Afghanistan où al-Qaida ne se trouve pas, plutôt qu’au Pakistan où elle est censée se trouver ?

Il y a un représentant élu qui a critiqué cette situation incongrue: c’est le Sénateur démocrate Russ Feingold du Wisconsin, qui a déclaré lors d’une interview télévisée que “le Pakistan, dans sa région proche de la frontière afghane, est sans doute l’épicentre [du terrorisme global], même si al-Qaida opère un peu partout dans le monde, au Yémen, en Somalie, en Afrique du Nord, et a des ramifications en Asie du Sud-est. Pourquoi devrions-nous envoyer 100.000 hommes ou plus dans des régions d’Afghanistan éloignées de la frontière ? Vous savez, cette concentration de troupe, c’est pour la province de Helmand. C’est assez loin du Waziristan. Et donc, je me demande bien quelle est la stratégie, étant donné que nous avons observé très peu de présence d’al-Qaida en Afghanistan, et au contraire une présence importante au Pakistan. Que l’envoi massif de troupes dans un endroit où ces gens ne se trouvent pas constitue la bonne stratégie défie tout simplement le bon sens. Je ne comprends absolument pas.” De fait, le démocrate du Wisconsin a également expliqué que la politique américaine en Afghanistan pourrait bien repousser les terroristes et les extrémistes au Pakistan et par conséquent, déstabiliser encore plus la région. Il a déclaré sur l’antenne d’ABC: “Vous savez, j’ai demandé au Chef de l’état-Major, l’Amital Mullen, et aussi à Mr Holbrooke, si notre envoi de troupe là-bas, le précédent, à vouloir le renforcer en Afghanistan, cela ne risque-t-il pas de repousser plus d’extrémistes au Pakistan ? Ils ne pouvaient pas le nier, et cette semaine, le Premier ministre pakistanais a expliqué que sa préoccupation concernant l’envoi de renforts en Afghanistan est que cela pourrait déplacer les extrémistes vers le Pakistan, et donc je pense que c’est exactement le contraire, que cette approche “envoi de plus de troupes” affaiblit la population afghane et encourage tout spécialement les taliban à s’allier à al-Qaida, ce qui va à l’encontre de nos intérêts de sécurité." [1]. Et bien sûr, tout ceci est intentionnel et motivé par la “raison d’État” impérialiste des USA.

MALICK: “OBAMA A-T-IL DÉCLARÉ LA GUERRE AU PAKISTAN ?”

Dans son discours, Barack Obama a tout fait pour gommer la distinction entre Afghanistan et Pakistan, qui sont pourtant deux pays souverains et membres de plein droit des Nations Unies. Ibrahim Sajid Malick, le correspondant américain pour Samma TV qui est l’une des chaines les plus importantes au Pakistan, a attiré l’attention sur cette machination : “Parlant devant une assemblée remplie de cadets de l’Académie militaire de West Point, le président Barack Obama semblait presque en train de déclarer la guerre au Pakistan. Chaque fois qu’il mentionnait l’Afghanistan, il évoquait aussi le Pakistan…Assis au fond du hall, à un moment j’ai presque bondi de ma chaise lorsqu’il a déclaré : ‘Les enjeux sont encore plus énormes avec un Pakistan doté de l’arme nucléaire, car nous savons qu’al-Qaida et d’autres extrémistes sont à la recherche d’armes nucléaires, et nous avons toutes raisons de croire qu’ils les utiliseraient‘. J’étais choqué d’entendre ça, d’autant qu’une flopée d’officiels américains a récemment confirmé que l’arsenal pakistanais est “secure” (en sécurité)"[2]. C’est expliqué dans cet article intitulé “Obama a-t-il déclaré la guerre au Pakistan ?”, et le point d’interrogation est purement diplomatique. Pendant les audiences du Congrès auxquelles participaient McKrystal et l’ambassadeur américain Eikenberry, l’Afghanistan et le Pakistan étaient tout simplement fusionnés en une seule entité malfaisante appelée “Afpak” ou encore “Afpakia”.

Au cours de l’été 2007, Obama, conseillé entre autres par Zbigniew Brzezinski, fut l’initiateur de la politique unilatérale américaine visant à utiliser des drones Predator pour les assassinats politiques au Pakistan. Cette politique d’assassinats est maintenant largement étendue et appuyée par la puissance des troupes sur place : “Il y a deux semaines, au Pakistan, des tireurs d’élite de la Central Intelligence Agency ont tué huit personnes suspectées d’être des militants des taliban et d’al-Qaida, et en ont blessé deux autres personnes dans un bâtiment supposé être un lieu d’entrainement pour terroristes… La Maison-Blanche a autorisé l’extension du programme de drones de la CIA dans les zones tribales du Pakistan, ont annoncé plusieurs officiels cette semaine, pour accompagner la décision présidentielle….d’envoyer 30.000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Des officiels américains discutent avec les autorités pakistanaises de la possibilité d’intervenir au Baloutchistan pour la première fois – une opération controversée puisqu’en dehors des zones tribales – en arguant du fait que c’est là que sont supposés se trouver les leaders afghans des taliban" [3]. Les USA forment actuellement davantage d’opérateurs de Predators que de pilotes de combat.

BLACKWATER ACCUSÉE DU MASSACRE DE FEMMES ET D’ENFANTS À PESHAWAR

La CIA le Pentagone et leurs différents sous-traitants parmi les sociétés militaires privées s’en donnent à coeur joie à travers tout le Pakistan, attaquant des villages tranquilles et des cérémonies de mariage, entre autres cibles. Blackwater, qui a changé de nom pour s’appeler Xe Service et Total Intelligence Solutions, est lourdement impliquée : D’après une enquête faite par le journal The Nation, “des membres d’une unité d’élite de Blackwater installés dans une base opérationnelle américaine secrète du Joint Special Operations Command (JOSC) [Commandement des Opérations Conjointes Spéciales, regroupant Navy SEALs et Delta Force - Ndlr] située dans le port pakistanais de Karachi, sont au centre d’un programme secret qui prévoit l’assassinat ciblé de membres supposés d’al-Qaida et des taliban., le kidnapping de cibles de haut niveau, et d’autres actions sensibles à l’intérieur ou à l’extérieur du Pakistan. Les employés de Blackwater aident aussi à la collecte de renseignements et à la conduite d’une campagne militaire américaine secrète de bombardements à l’aide de drones, qui se déroule en parallèle des frappes, très documentées celles-là, des drones de la CIA, d’après une source bien informée de l’appareil de Renseignement militaire US.[4]

Aussi choquant que puisse paraitre le rapport de Scahill, sa portée reste assez limitée car nulle mention n’y est faite des charges persistantes indiquant qu’une large part des bombardements meurtriers à Peshawar et dans d’autres villes du Pakistan sont conduites par Blackwater, comme le suggère cet article : “Islamabad, le 29 octobre (Xinshua) – Le chef du mouvement taliban au Pakistan Hakimullah Mehsud a accusé la très controversée société privée Blackwater des bombardements de Peshawar qui ont tué 108 personnes, a écrit l’agence de News NNI jeudi dernier.”[5] Ceci est du terrorisme aveugle conduit pour massacrer le plus possible de femmes et d’enfants.

LES USA EN GUERRE AUSSI AVEC L’OUZBÉKISTAN ?

Le rapport Scahill suggère aussi que des opérations américaines secrètes ont frappé l’Ouzbékistan, une ex-république soviétique de 25 millions d’habitants qui borde l’Afghanistan au nord. “En plus de prévoir des frappes de drones et des opérations contre des personnes suspectées d’appartenir à al-Qaida au Pakistan pour le compte de JSOC et de la CIA, l’équipe de Blackwater à Karachi aide aussi à la planification des missions du JSOC en Ouzbékistan, d’après l’informateur appartenant aux renseignements militaires. Blackwater ne mène pas elle-même les opérations, explique-t-il, sur le terrain ce sont les forces du JSOC qui les exécutent. “Ça a piqué ma curiosité et m’a beaucoup inquiété, car je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on ne nous a jamais dit que nous étions en guerre avec l’Ouzbékistan”, a-t-il dit, “ai-je loupé quelque chose ? Rumsfeld est-il revenu au pouvoir ?” [6] Tels sont les chemins de l’espoir et du changement.

Le rôle du Renseignement américain dans l’organisation de la rébellion au Baloutchistan dans le but de briser le Pakistan est confirmé par le professeur Chossudovsky : “Déjà en 2005, un rapport du US National Intelligence Council (NIC) et de la CIA prévoyait dans les 10 ans un délitement “à la yougoslave” pour le Pakistan, avec un pays ravagé par la guerre civile et des rivalités sanglantes entre provinces comme cela s’est produit récemment au Baloutchistan.” (Energy Compass, 2 mars 2005). D’après les deux agences NIC et CIA, le Pakistan devrait sombrer d’ici 2015, “aux prises avec une guerre civile, une complète balkanisation  et une lutte pour le contrôle de ses armes nucléaires” (propos tenus par l’ex-haut-Commissaire pakistanais auprès de la Grande-Bretagne, Wajid Shamsul Hasan, Times of India, 13 février 2005)…Washington est favorable à la création d’un “Grand Baloutchistan” qui intègrerait les zones baloutches du Pakistan, celles situées en Iran et si possible la pointe sud de l’Afghanistan, amenant ainsi à un processus de fractionnement politique à la fois en Iran et au Pakistan.” [7]  Les Iraniens de leur côté maintiennent que les USA sont en train de commettre des actes de guerre sur leur territoire du Baloutchistan : “Téhéran, 29 octobre (Xinhua) – le porte-parole du Parlement iranien, Ali Larijani, a dit…qu’il existe des preuves concrètes de l’implication des USA dans les récents attentats  à la bombe dans la province de Sistan-Baloutchistan, selon un officiel de l’agence d’information IRNA. L’attaque suicide par le groupe rebelle sunnite Jundallah (les soldats de Dieu) s’est produite le 18 octobre dans la province iranienne du Sistan-Baloutchistan, près de la frontière pakistanaise, au moment où des officiels locaux préparaient une cérémonie au cours de laquelle des chefs de tribus locales devaient rencontrer les responsables militaires du Corps des gardiens de la Révolution (IRGC). [8]

LE BUT DES USA : COUPER LE COULOIR ÉNERGÉTIQUE PAKISTAN ENTRE L’IRAN ET LA CHINE

Pourquoi les États-Unis sont-ils si déterminés à briser le Pakistan ? Une des raisons en est que le Pakistan est un allié stratégique et économique de longue date de la Chine, pays dont les USA et la Grande-Bretagne entendent freiner l’émergence au niveau mondial. Plus spécifiquement, le Pakistan pourrait servir de couloir d’acheminement énergétique entre les champs pétrolifères iraniens et même irakiens et le marché chinois grâce à un “pipeline” qui traverserait l’Himalaya au-dessus du Cachemire. C’est ce qu’on appelle le problème du “Pipelinestan”. Il apporterait à la Chine la garantie d’un approvisionnement en pétrole indépendamment de la supériorité navale anglo-américaine, et dans le même temps raccourcirait l’actuel cheminement par tankers long de 12.000 miles qui contourne l’Asie par le sud. Comme expliqué dans un récent rapport : “Pékin a pressé Téhéran pour que la Chine participe au projet de pipeline, et Islamabad, tout en visant un accord bilatéral avec l’Iran, a accueilli favorablement cette participation de la Chine. D’après les estimations, un tel oléoduc permettrait au Pakistan de percevoir entre 200 et 500 millions de $ par an seulement en droits de transit. La Chine et le Pakistan travaillent déjà à une proposition de création d’un pipeline à travers l’Himalaya qui convoierait le pétrole brut du Moyen-Orient vers l’ouest de la Chine. Le Pakistan fournit à la Chine la route la plus directe pour importer le pétrole des pays du Golfe…Ce pipeline, qui partirait du port de Gwadar au sud du Pakistan et qui suivrait l’autoroute de Karakoram, serait financé en partie par Pékin. Les Chinois sont aussi en train de construire une raffinerie à Gwadar. Les importations utilisant le pipeline permettraient à Pékin de réduire la proportion de pétrole transitant actuellement par l’étroit et dangereux détroit de Malacca, qui représente jusqu’à 80% de ses importations."

Islamabad prévoit aussi de rallonger la ligne de chemin de fer vers la Chine pour la connecter à Gwadar. Le port est considéré comme un terminus probable pour les futurs énormes gazoducs (plusieurs milliards de dollars de revenus) en provenance des provinces sud de l’Iran ou du Qatar et depuis les champs de Daulatabad au Turkménistan pour exporter vers les marchés mondiaux. Syed Fazl-e-Haider, “Pakistan et l’Iran signent un accord sur un gazoduc”, Asia Times, 27 mai 2009 [9]. C’est précisément le progrès économique normal et la coopération que les Anglo-américains font tout pour stopper.

Les pipelines de pétrole ou de gaz naturel entre l’Iran et la Chine à travers le Pakistan transporteraient les ressources en énergie vers l’Empire du Milieu, et permettraient aussi de donner un coup d’accélérateur à l’influence de l’économie chinoise au Moyen-Orient. Cela rendrait évidemment la domination anglo-américaine de plus un plus ténue dans une région du monde que Londres et Washington ont traditionnellement cherché à contrôler dans leur stratégie de domination mondiale.

La propagande américaine aux États-Unis mêmes, dépeint le Pakistan comme le nouveau foyer du terrorisme. Les quatre pigeons pathétiques qui seront jugés pour tentative d’attentat à la bombe contre une synagogue dans le Bronx près de New York City ont savamment été associés au sombre et douteux Jaish-e-Mohammad, supposé être un groupe terroriste pakistanais. Même chose pour les cinq musulmans de Virginie du Nord qui viennent juste d’être arrêtés près de Lahore au Pakistan.

L’INDE ET L’ IRAN

En ce qui concerne les États voisins, l’Inde sous la houlette malheureuse de Manmohan Singh semble accepter le rôle de poignard continental contre le Pakistan et la Chine que lui confient les USA et les Britanniques. C”est la voie qui mène à une tragédie colossale. L’Inde devrait au contraire faire la paix avec le Pakistan en quittant la vallée du Kashemire où 95% de la population est musulmane et voudrait rejoindre la Pakistan. Si ce problème n’est pas résolu, il n’y aura pas de paix sur le sous-continent.

Concernant l’Iran, George Friedman, le dirigeant de la société Stratfor qui travaille pour le Renseignement US, a récemment avoué sur les antennes de Russia Today que la grande nouveauté des 10 années à venir serait une alliance entre les États-Unis et l’Iran contre la Russie. Dans ce scénario, l’Iran stopperait ses exportations de pétrole vers la Chine. C’est l’essence même de la stratégie de Brzezinski. Il est urgent que le mouvement pacifiste aux États-Unis [et pas seulement - Ndlr] se rassemble et commence à se mobiliser contre la sinistre hypocrisie de cette guerre d’Obama et son escalade militaire, qui surpasse même les crimes de guerre des néo-conservateurs Bush-Cheney. Dans cette nouvelle phase du "Grand Jeu", les enjeux sont incalculables.

pas Webster Tarpley, publié sur Infowars, traduction GV

 

Références

  1. Feingold: Why Surge Where Al Qaeda Isn’t ?, by Sam Stein, Huffington Post, December 6, 2009. 
  2. Ibrahim Sajid Malick, “Did Obama Declare War On Pakistan?,” Pakistan for Pakistanis Blog, 2 December 2009.
  3. Scott Shane, “C.I.A. to Expand Use of Drones in Pakistan,” New York Times,  December 3, 2009. See also David E. Sanger and Eric Schmitt, “Between the Lines, an Expansion in Pakistan,” New York Times, 1 December 2009.
  4. Jeremy Scahill , “The Secret US War in Pakistan,” The Nation, November 23, 2009
  5. Taliban in Pakistan blame U.S. Blackwater for deadly blast,” Xinhua News Agency, 29 October 2009, http://news.xinhuanet.com/english/2009-10/29/content_12358907.htm
  6. Jeremy Scahill , “The Secret US War in Pakistan,” The Nation, November 23, 2009
  7. Michel Chossudovsky, The Destabilization of Pakistan, Global Research , December 30, 2007
  8. Iran says having evidences of U.S. involvement in suicide bomb attacks,” Xinhua, 29 October 2009.
  9. Asia Times : "Pakistan, Iran sign gas pipeline deal"
     

 
Notes ReOpenNews
:

Webster Tarpley est auteur, journaliste, conférencier et critique de la politique étrangère et intérieure américaine. Ses ouvrages les plus récents sont "Obama, the postmodern coup, the making of a Manchurian Candidate", "Barack Obama: The Unauthorized Biography" et  "9/11 Synthetic Terror" traduit en français et paru sous le titre "La Terreur Fabriquée – Made in USA" aux Éditions Demi-lune en 2006.

Lire aussi notre précédent article sur Webster Tarpley avec une interview prémonitoire faire en janvier 2009 : "Les hommes derrière Obama"

7 Responses to “Webster Tarpley : Obama déclare la guerre au Pakistan”

  • inca

    Analyse extrêmement intéressante et riche en enseignements.
    Merci pour la traduction.

    Les US se trouvent à un point de non retour. Serait-il le début de la fin de l’empire? Toute ces violences et cette arrogance ne sont que des signes de faiblesse.

  • Shrykull

    Si le diable avait une apparence, il ressemblerait beaucoup à Brzezinski… Il faudrait trouver un moyen de neutraliser ce taré, l’enlever ou le faire connaître aux yeux du public je sais pas !

    Mais tant qu’il agit dans l’ombre des présidents comme ça il représente à lui seul une menace pour la paix dans le monde. Et la preuve que la frontière est décidément bien mince entre le génie et la folie…

    Je crois que le jury du prix Nobel va beintôt avoir des crises d’insomnie…

  • Bonsoir, j’espère que mon post passera cette fois ci. Interview très très intéressante. Mais, hélas, qui semble confirmer la déception amère des premiers mois d’Obama. Non ce n’est pas le Messie, non il ne « nettoiera » pas Wall Street, non il ne s’impliquera pas dans le débat climatique! Non à tout celà. NON A SON PRIX NOBEL. Oui, il obéira au doigt et à l’oeil à ses conseillers. Cet homme là n’est pas le digne représentant de Martin Luther King.





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