Dossier Anthrax: Le FBI voudrait bien le clore !
Le FBI assure avoir attrapé le tueur. Mais tant de preuves ont été négligées ou mal traitées que beaucoup d’experts ont toujours des doutes.
Par Christopher Ketcham, le 25 août 2008 , Issue Copyright © 2008 The American Conservative
Le Dossier Anthrax
Sept ans après que les attaques d’anthrax ont entraîné la fermeture temporaire du Congrès, semé la panique dans tout le pays, tué 5 personnes, rendu malade 17 autres et permis aux propagandistes néo-conservateurs de blâmer indifféremment al-Qaida et Saddam Hussein, le FBI proclame tenir son homme. Mais l’histoire officielle ne colle pas vraiment avec les faits. N’importe quelle analyse raisonnable des preuves suggère que les mêmes puissants intérêts qui auraient pu bénéficier du prolongement de l’enquête, trouvent autant d’avantages dans une fin en queue de poisson. Cela ne signifie pas que le tueur ait été attrapé.
Ce qui est certain c’est que les lettres à l’anthrax n’étaient pas l’oeuvre d’islamistes ou d’Irakiens. Les attaques ont été commises par quelqu’un de haut placé ayant accès aux stocks gouvernementaux US de cette bactérie mortelle. Le point de départ de l’enquête a longtemps été l’Institut de recherche médicale des maladies infectieuses de l’armée de Terre des Etats-Unis (U.S. Army Medical Research Institute of Infectious Diseases – USAMRIID) à Fort Detrick dans le Maryland. Mais le nom de ce laboratoire n’a réapparu que récemment dans cette affaire, où le FBI semble avoir perdu beaucoup de temps.
La première semaine d’août, la presse populaire s’est reprise au jeu en rapportant le suicide apparent du scientifique de l’USAMRIID, Bruce E. Ivins, tenu pour seul responsable des lettres à l’anthrax. L’agence de presse américaine Associated Press (AP) indique que Ivins, dont on dit qu’il s’est donné la mort le 29 juillet par une overdose de Tylenol mélangé à de la codéine, « était l’un des plus éminents scientifiques gouvernementaux faisant des recherches sur les vaccins et les remèdes contre l’exposition à l’anthrax.» Selon AP, «il était brillant mais dérangé». Son avocat, Paul Kemp, dit qu’Ivins avait passé un certain nombre de tests au détecteur de mensonges et que le jury qui devait décider de sa mise en accusation en avait encore pour des semaines à rendre son acte d’accusation. Quelques jours après sa mort, le FBI annonçait qu’il allait mettre fin à l’enquête «Amerithrax». «Le dossier Anthrax est bouclé» claironnait le Daily News le 4 août.
En avril, on avait appris que le FBI se concentrait sur pas moins de 4 suspects. Fox News les identifia comme «un ancien commandant adjoint», sans doute de l’US Army, «un scientifique leader sur l’anthrax», et «un microbiologiste». Le quatrième suspect n’était pas décrit. Maintenant, le FBI est «confiant dans le fait que le Dr Ivins était la seule personne responsable de ces attaques», selon les affirmations du procureur général du District of Columbia {la capitale fédérale}.
Ces annonces sur Ivins ont suivi de près une autre, beaucoup plus discrète le 27 juin concernant un autre suspect, Steven Hatfill, également chercheur sur l’anthrax au USAMRIID. L’annonce portait sur la fin de son procès gagné contre le FBI, condamnant celui-ci à une amende d’un montant de 5.8 millions de dollar au motif que ce suspect avait été accusé à tort. Hatfill avait été poursuivi et harcelé par les enquêteurs pendant trois longues années, sa carrière et sa réputation ruinées.
Steven Hatfill |
Ivins a été soumis au même traitement que Hatfill. Selon AP, il s’est plaint à des amis que les agents le traquaient lui et sa famille. Ils offrirent à son fils 2,5 millions de dollars et «une voiture de sport de son choix» pour qu’il trahisse son propre père. Ils approchèrent sa fille hospitalisée pour qu’elle fournisse des preuves contre lui en remplissant sa chambre d’hôpital avec des images de victimes de l’anthrax, et en lui disant: « c’est ton père qui a fait ça». W. Russell Byrne, le superviseur de Ivins à l’USAMRIID raconta à AP que Ivins, 62 ans, avait été émotionnellement affecté par le comportement du FBI : «Une personne dit l’avoir vu pleurer, assis à son bureau.»
Francis Boyle, un professeur de droit de l’université de l’Illinois qui rédigea la loi sur les armes biologiques antiterroristes (Biological Weapons Anti-Terrorism Act) de 1989, signée par le Président George H.W. Bush, et qui conseilla le FBI lors des enquêtes préliminaires sur les lettres à l’anthrax est d’accord avec plusieurs autres experts en armes biologiques américains —parmi lesquels Jonathan King, professeur de biologie moléculaire au MIT, et Barbara Rosenberg, qui étudia la guerre biologique à la Fédération Scientifique Américaine (1). Boyle donna très tôt l’alerte sur le fait que les spores recueillies provenaient probablement de travaux de recherche américaine vraisemblablement classifiés. Il fournit au FBI la liste des scientifiques, des sous-traitants et des laboratoires qui avaient travaillé sur des projets liés à l’anthrax. Il reste sceptique sur le fait que Ivins soit le seul tueur. «Les Feds poursuivaient avec Ivins la même stratégie qu’ils avaient menée contre Hatfill, le persécutant jusqu’à ce qu’il craque: Hatfill tint bon, Ivins non. Les morts ne parlent pas.» (2)
Boyle dit de Ivins qu’il ne colle pas au personnage. «Il paraît difficile qu’il ait eu la connaissance technologique nécessaire à la production de super armes à l’anthrax, réalisées à partir d’aérosols, de couches de silice et de charges électrostatiques.» Jeffrey Adamovicz, qui dirigea la division bactériologique à Fort Detrick en 2003 et 2004, déclara à McClatchy que l’anthrax envoyé par courrier au sénateur démocrate Tom Daschle était «si concentré, si consistant et si pur que j’affirmerais que Bruce ne pouvait pas avoir participé à ce travail». (3) Faisant suite à la publication du FBI concernant Ivins, le New York Times affirme dans un éditorial qu’«il n’existe pas de preuve directe de sa culpabilité» et dénonce le «manque de charges solides et incontestables.» Le Washington Post parle d’un dossier «éminemment circonstanciel». Les enquêteurs ne sont pas parvenus à localiser Ivins dans le New Jersey autour des dates de septembre et d’octobre 2001, lorsque les lettres auraient été envoyées depuis la région de Princeton. Ils ont passé au peigne fin sa résidence, son coffre, plusieurs voitures, les outils dans son laboratoire, son bureau, mais n’ont trouvé aucune trace de bacille du charbon correspondant génétiquement aux bactéries présentes dans les lettres. En revanche, certains éléments de preuve, tous de circonstance et aucun attesté médicalement, sont carrément risibles. Ivins a un temps possédé une boîte aux lettres sous un faux nom, où il recevait des magazines pornographiques. Il a été un moment «obsédé» par une sororité de Princeton en raison d’une ancienne romance de collégien insatisfaite, et la boîte de Princeton d’où une des lettres est originaire était située à moins de 100 mètres d’un lieu de stockage utilisé par cette sororité; la dernière visite de Ivins dans c’est endroit date de 27 ans. C’était un buveur. Il a fait des déclarations homicides lors d’une réunion d’un groupe de soutien sur la santé mentale. Il a écrit des lettres décousues au rédacteur en chef de son journal local. Mais comment tout ceci aurait pu amener Bruce Ivins à tuer d’autres Américains avec des armes biologiques : ce n’est pas clairement établi.
De plus, ses anciens collègues ont à maintes reprises déclaré aux médias que, à leur connaissance, Ivins ne savait pas transformer l’anthrax en arme bactériologique. C’était un spécialiste en vaccins, mais pas en armes. Une hypothèse veut qu’Ivins ait secrètement caché ses compétences en armes à ses collègues de travail. Mais alors comment aurait-il acquis ces compétences? Peut-être au cours de conversations banales avec ses collègues de Fort Detrick ? Pourtant, il n’y a pas la moindre indication que, durant ses années à Fort Detrick, Ivins ait, ne serait-ce qu’une fois, interrogé ses collègues scientifiques à propos des techniques d’armement bactériologiques. Ce qui n’est pas non plus très clair, c’est pourquoi Ivins – un démocrate attitré – aurait réservé aux seuls sénateurs Patrick Leahy et Tom Daschle (deux démocrates influents) l’envoi des lettres meurtrières. Fait intéressant, ces deux sénateurs ont joué un rôle crucial pour faire obstacle au vote du PATRIOT Act. La première vague de lettres à l’anthrax, envoyée le 18 septembre 2001, ciblait les principaux médias, la deuxième série, postée le 9 octobre, visait elle le Congrès. Le 25 octobre dans la panique générale, la loi est adoptée. Pourtant, il semble improbable qu’un savant fou puisse se spécialiser dans de telles activités politiques ciblées où il ne bénéficierait pas personnellement des répercussions. En revanche, beaucoup d’autres personnes ont, elles, bénéficié des ces répercussions.
«Sans les attaques à l’anthrax, le 11 septembre aurait pu être perçu comme un cas isolé» peut-on lire sur le salon (site web) de Glenn Greenwald. «C’est vraiment l’anthrax qui a exacerbé la peur et créé le climat qui domina dans ce pays lors des années suivantes… , et qui a donné l’impression que l’ordre social lui-même était véritablement menacé par le radicalisme islamique.»
Le 28 octobre [2001, NdT], ABC avait rapporté que, «quatre sources bien informées et indépendantes ont déclaré à ABC News que les premiers tests sur le bacille du charbon par l’armée américaine à Fort Detrick, au Maryland, avaient détecté des traces de bentonite (mélange de silice et d’aluminium)», la bentonite étant une caractéristique du programme d’armement biologique irakien. En 2007, ABC a admis qu’aucune trace de bentonite n’a jamais été détectée, mais a refusé de révéler ses sources. A l’époque Peter Jennings avait déclaré: «Certains vont rapidement se servir de cela comme d’une preuve flagrante.»
Les acolytes de l’administration (Bush) ne s’en sont pas privé. Les deux acolytes William Kristol et Robert Kagan (4) se sont plaints : « Que faut-il de plus au FBI et à la CIA pour conclure ? Un aveu signé de Saddam? » Le Wall Street Journal était du même avis «le principal fournisseur suspect doit être l’Irak», «Le gouvernement doit faire tout son possible pour détruire la menace du bacille du charbon à sa source : l’État qui la parraine.» Laurie Mylroie ajoute dans la National Review: «Les renseignements iraquiens étaient intimement impliqués dans les attaques du 11 Septembre, l’anthrax d’origine militaire envoyée aux sénateurs Daschle et Leahy venait presque certainement d’un laboratoire irakien.» Longtemps après, jusqu’à fin 2007, et alors qu’il était devenu évident que l’anthrax avait été fait à la maison (NdT: aux USA), des médias comme Fox News continuèrent d’insister sur le lien avec le Moyen-Orient.
Ceux qui prônaient la guerre en Irak et qui cherchaient à accélérer l’agenda de l’administration sur la sécurité intérieure avaient de bonnes raisons pour empêcher une conclusion rapide du dossier, surtout celle au sujet du cas délicat impliquant une source américaine. Que ce soit par suggestion ou à la suite de sa propre incompétence, le FBI se montra complaisant.
Dès le mois de novembre 2001, le New York Times signalait que les «faux pas» du FBI avait «entravé l’enquête.» En effet, dès le début, le FBI a été en possession d’une pièce maîtresse de l’affaire qu’il a, semble-t-il, ignoré.
Parmi les premiers suspects à entrer dans le collimateur du FBI on trouve Ayaad Assaad, un ex-biologiste de l’USAMRIID d’origine égyptienne. Il est apparu sur l’écran radar à cause d’une lettre anonyme envoyée au Bureau et l’identifiant comme appartenant à une cellule terroriste peut-être liée aux attaques à l’anthrax. Pourtant, selon le Hartford Courant, le FBI n’a pas cherché à retrouver l’auteur de la lettre, «en dépit de son calendrier curieux, à savoir quelques jours avant que l’existence de lettres contaminées à l’anthrax ne soit connue.»
Assaad a été rapidement mis hors de cause par les enquêteurs du FBI, et la question a achoppé rapidement, bien que cette lettre aurait pu fournir le meilleur élément de preuve dans cette affaire. Elle a été envoyée avant l’arrivée des lettres à l’anthrax ce qui laisse suggérer une connaissance préalable des attentats, et dans un langage similaire aux lettres mortelles. En outre, elle démontre une connaissance intime des activités de l’USAMRIID, ce qui suggère qu’elle provenait du cercle fermé des chercheurs de Fort Detrick, un groupe relativement restreint ayant l’accès à l’expertise des armes à l’anthrax.
Le FBI a refusé de mettre une copie de cette lettre à disposition du public ou même d’en donner une à Assaad lui-même. Il partagea cependant son contenu avec Don Foster, un professeur du Vassar College , expert reconnu en jargon judiciaire, qui s’est rendu célèbre par ses recherches sur les auteurs anonymes, notamment en reconnaissant Joe Klein derrière Primary Colours (Les couleurs primaires), et qui a aidé à attraper le poseur de bombe des Jeux olympiques d’Atlanta en 1996. Après avoir lu un reportage dans un journal, il demanda une copie de la lettre puis, à la suite de son examen, d’autres documents écrits par «quelque 40 employés d’USAMRIID.» Foster «trouva des écrits d’une employée féminine qui semblaient coller parfaitement» selon un article dont il était lui-même l’auteur, publié dans l’édition d’octobre 2003 de Vanity Fair. Quand il a soumis cette idée apparemment cruciale à l’attention de la task force anthrax du FBI, le bureau a refusé de le suivre. Selon Foster, les agents senior du FBI n’avaient même jamais entendu parler de la lettre sur Assaad. (Pour mémoire, Foster n’est pas une source irréprochable. Il s’est écarté de son domaine d’expertise professionnelle et a publié des preuves non circonstanciées dans Vanity Fair, mettant fortement en cause Hatfill ; celui-ci a poursuivi le magazine en justice et l’affaire s’est réglée selon des termes non révélés.) (NdT: Foster s’était au préalable fourvoyé sur la piste islamique en affirmant que l’auteur des lettres n’écrivait pas habituellement de gauche à droite et ne maîtrisait pas les abréviations anglaises, avant de changer de direction et de se contredire en pointant la piste scientifique US).
«L’auteur des lettres savait clairement tout sur moi : ma formation en agents chimiques et biologiques, mon accréditation de sécurité, à quel étage je travaille, que j’ai deux fils, le train que je prends pour aller travailler et où je vis» confia Assaad à la journaliste Laura Rozen. Comme il a été presque immédiatement blanchi, le fait de tenter de l’accuser à tort n’a servi à rien, sauf peut-être à assouvir une hostilité personnelle. À ce propos, Assaad suggéra au FBI de questionner deux de ses collègues de l’USAMRIID susceptibles d’avoir une rancune contre lui : Marian Rippy et Philip Zack, lesquels quelques années auparavant avaient été réprimandés pour avoir envoyé à Assaad un poème raciste. Bien que la vidéo du Hartford Courant ait apporté la preuve que Zack faisait des visites en dehors des horaires de bureau dans les laboratoires où étaient entreposés des agents pathogènes, il n’existe aucun dossier montrant que le FBI ait jamais enquêté sur lui ou sur Rippy, une collègue avec qui il vivait une liaison extra-conjugale.
Les défaillances du FBI ne s’arrêtent pas là. L’anthrax utilisé dans les attentats terroristes a été identifié comme étant similaire à une des souches conservées aux laboratoires de Ames, dans l’Iowa. La base de données Ames, entretenue et sous la responsabilité de l’Iowa State University, est une collection de cultures de quelque 100 flacons recueillis depuis 1928. Elle conserve la liste complète des entités, des organismes et des laboratoires ayant fait l’acquisition de souches d’anthrax. Lorsque les chercheurs, par peur que les terroristes ne pénètrent dans le laboratoire, ont proposé de détruire les cultures d’anthrax, le FBI n’a pas fait d’objection. «Ce fut une étonnante décision» m’a raconté Francis Boyle. «Ils auraient dû les conserver comme preuve. Il s’agissait de la piste qui menait vers celui ou ceux qui avait accès au développement de la super-souche qui a frappé Daschle et Leahy.»
Les questions sur la base de données de Ames pointent sur une préoccupation plus grande encore : où donc ont pu être produites les lettres à l’anthrax selon un procédé tellement sophistiqué ? Si le FBI a la conviction que le tueur à l’anthrax travaillait à Fort Detrick (des nouvelles techniques ADN ayant permis opportunément d’associer les spores à ce laboratoire), alors la lettre au sujet d’Assaad est une pièce maîtresse qui innocente Ivins. À tout le moins, il faudrait expliquer ce fait plutôt que l’ignorer.
Une autre possibilité est que les attaques ne soient pas du tout originaires de l’USAMRIID, et que le FBI a une fois de plus accusé un innocent. Ironie du sort, c’est Ivins qui avec d’autres enquêteurs, avait d’abord été chargé par le FBI d’analyser le bacille du charbon dans les lettres. Le Dr Gerry Andrews, un professeur de microbiologie de l’université du Wyoming et ancien collègue de Ivins à Fort. Detrick, a écrit dans le New York Times : «Quand l’équipe d’Ivins a analysé la poudre, elle a constaté qu’il s’agissait d’une arme à l’anthrax dont la qualité de préparation des spores était étonnamment raffinée, à un point jamais vu avant par le personnel à Fort Detrick.» Certes, Andrews a un intérêt à exonérer son ancien laboratoire de tout soupçon, mais il poursuit avec une allégation étonnante: «Il est extrêmement improbable que ce type de préparation ait jamais pu être produite à Fort Detrick, et certainement pas au niveau de qualité trouvée dans cette enveloppe.»
Si les scientifiques de Fort Detrick n’ont pas la capacité de produire ce type de bacille du charbon, qui l’a fait ? Boyle suggère une réponse dans son livre : Guerre biologique et terrorisme. (5) Il allègue que la recherche de preuves basées sur les spores de la maladie du charbon, si elle était correctement menée, «conduirait directement au programme secret de guerre biologique officiellement parrainé par le gouvernement des Etats-Unis, programme illégal et criminel violant l’Anti-Terrorism Act de 1989 sur les armes bactériologiques.» On pourrait facilement classer cette analyse dans la théorie du complot, si une autre source tout autant réputée, le New York Times, n’avait publié une analyse similaire le 4 septembre 2001 : « Les États-Unis ont lancé un programme secret de recherches sur les armes biologiques qui selon les dire de certains fonctionnaires expérimente les limites du traité mondial interdisant ces armes. … Au début de cette année, l’administration a dit que le Pentagone avait des plans pour créer génétiquement une variante potentiellement plus puissante de la bactérie qui cause la maladie du charbon.»
Boyle suggère quelques pistes : le Pentagone, la CIA, ou peut-être les scientifiques du secteur privé agissant en vertu d’un contrat secret avec le gouvernement. Selon la BBC, dans un rapport datant de 2002, la CIA aurait en effet enquêté sur des «méthodes d’envoi postal de l’anthrax, qui seraient devenues totalement hors de contrôle.» «L’affirmation choquante» avance la BBC, «est que l’un des membres clés de l’opération ait pu prélever, raffiner et finalement poster des armes "anthraxées" de qualité.» Boyle émet la théorie que l’enquête du FBI a été volontairement sabotée pour opérer une dissimulation. Il fait valoir que le processus juridique découlant d’une enquête approfondie «mènerait un tribunal de droit pénal à impliquer directement le gouvernement des États-Unis, ses organismes, ses fonctionnaires et ses agents, pour conduite illégale et criminelle de recherches sur la guerre biologique.»
Mais si un tel programme existe, pourquoi une personne qui lui est associée s’exposerait à des envois de lettres de charbon brut ? Peut-être pour le plus vieux motif au monde : l’argent. À la suite de la terreur postale, le financement de la guerre biologique au titre de la rubrique "biodéfense" a reçu un important coup de fouet. Par un vote de 99 contre 0, en 2004 ,le Sénat a adopté la loi BioShield (bio-Bouclier) qui alloue jusqu’à 22 milliards de dollars pour la guerre biologique civile, et pour la "défense" un financement réparti sur 2001-2005 de 5,6 milliards de dollars jusqu’à 2014, «afin d’acheter et de stocker les vaccins et les médicaments pour lutter contre la maladie du charbon, la variole et d’autres agents potentiels de bioterrorisme.» Les critiques affirment que BioShield est une forme déguisée de planification de guerre biologique offensive.
Ce type de recherches pourrait revenir à un prix bien plus élevé que les milliards acquis grâce à l’aval du Congrès. «Les programmes de bioterrorisme vont très probablement générer de nouveaux risques pour la santé publique, au lieu de fournir des protections supplémentaires» déclare le professeur Jonathan King, microbiologiste au MIT. Des programmes tels que BioShield «vont également générer un réseau de petites et grandes entreprises qui tenteront d’en tirer profit.»
Hillel W. Cohen, professeur associé d’épidémiologie et de santé publique au Albert Einstein College of Medicine, offre une évaluation similaire. «Avant 2001, certains d’entre nous décrivaient le bioterrorisme comme une menace exagérée en terme de santé publique» dit Cohen. «Personne n’avait jamais succombé au bioterrorisme, et nous nous alarmions que la prolifération des laboratoires d’étude de l’anthrax et autres agents biologiques fût une terrible erreur, détournant l’argent réellement nécessaire pour la santé et multipliant dangereusement le nombre de personnes y ayant accès. Après les lettres à l’anthrax de 2001, nos mises en garde ont été ensevelies par la rhétorique de peur. » Aujourd’hui, Cohen pense que «des milliards sont dépensés pour soutenir toujours plus de laboratoires.»
Le sénateur Chuck Grassley appelle à une enquête du Congrès, mais nous ne connaîtrons peut-être jamais l’identité du "tueur à l’anthrax". S’agit-il de cet employé de Fort Detrick, l’auteur doué de prescience de la lettre dénonciatrice, qui n’a jamais été interrogé par les enquêteurs ? D’un scientifique mort à qui le FBI a demandé dans un premier temps d’investiguer les attaques, et contre qui il s’est retourné par la suite ? Ou d’un autre individu ou d’un groupe ayant accès à des souches de haute qualité, et bénéficiant de la panique créée par le bioterrorisme ? Ce que nous savons, c’est qui n’a pas posté l’anthrax : ni Saddam Hussein ni Osama ben Laden. Au-delà de cela, tout ce que nous savons, c’est que la conduite du FBI, que ce soit pour des raisons de sabotage bureaucratique ou de dissimulation, a rendu très improbable le fait que cette affaire trouve un jour sa conclusion.
Christopher Ketcham écrit pour Vanity Fair, GQ, Harper’s et beaucoup d’autres magazines.
The American Conservative accepte le courrier envoyé à la rédaction. Envoyez vos lettres (NdT: sans anthrax !) à : letters@amconmag.com
Traduit par Pascal.A pour ReOpen911
1 – NdT : Barbara Hatch Rosenberg est une personne influente sur ce sujet, ancienne fonctionnaire du gouvernement et microbiologiste à l’université de New-York, elle défend des thèses plutôt opposées à la version officielle
2 – NdT : Steven Hatfill a tenu dès 2002 plusieurs conférences de presse pour nier les accusations portées contre lui
3 – NdT : la forte concentration, 1000 spores au gramme, l’homogénéité et la grande pureté forment la signature de l’anthrax US, le procédé breveté, ultra secret, a été inventé par Bill Patrick
4 – NdT : tous deux confondateurs du PNAC, think-tank américain ayant suggéré dès 1998 à B. Clinton de renverser Sadam Hussein pour préserver les intérêts américains dans le Golfe
5 – NdT : Plus d’informations sur le livre du professeur Francis A. Boyle, Guerre biologique et terrorisme, ici:<http://www.reopen911.info/livres/guerre-biologique-et-terrorisme.html>
Impressionnant !
Il faudrait donner tous ces éléments à quelque écrivain de talent, style Mary Higgins Clark, pour diffuser largement ces infos bien réelles. Un best seller de l’histoire contemporaine pourrait voir le jour et changer des consciences béatement endormies jusqu’alors…
Merci encore pour toutes ces précisions.