Blog de l'association ReOpen911

En première ligne sur le 11-Septembre : Rencontre avec Arno Mansouri

Posté par Lalo le 19/02/2013

Depuis le lancement de la collection Résistances en 2006, Arno Mansouri, créateur et directeur des éditions Demi-Lune, est devenu l'un des éditeurs au monde qui a publié la plus grande diversité d'ouvrages traitant du 11-Septembre, plus d'une dizaine en tout. Cette collection, consacrée essentiellement à la géopolitique, rassemble de grands auteurs internationaux qui ont abordé la question du terrorisme d'État et celle, plus spécifique, des enjeux liés aux événements de 2001 et à leurs conséquences historiques. Parmi ces auteurs, on retrouve David Ray Griffin, Webster G. TarpleyNafeez Mosaddeq Ahmed, Thierry Meyssan ou encore Peter Dale Scott.

La série d'entretiens « En première ligne sur le 11-Septembre », entamée l'an dernier avec Guillaume de Rouville, nous offre aujourd'hui l'occasion de mesurer l'ampleur du travail accompli en moins de sept ans par Arno Mansouri et de revenir sur son parcours dans le monde de l'édition, partagé entre le point de vue dissident qu'il cultive à l'égard de la géopolitique et sa passion pour les musiques du Monde. Cette double approche atypique caractérise bien cet homme dont les propos révèlent une connaissance à la fois globale et précise des sujets qu'il aborde. Alors que Demi-Lune vient de publier en France le dernier ouvrage de Peter Dale Scott, La Machine de guerre américaine (American War Machine), Arno Mansouri nous livre son témoignage relatif aux projets éditoriaux qu'il a menés à bien ainsi que son appréciation du rôle que jouent les médias en France.
 
Notons enfin qu'Arno Mansouri fait partie des personnalités qui ont été visées récemment par une offensive des chiens de garde de la pensée dominante à l'occasion de la diffusion, sur France 5, du premier volet de la série polémique « Les réseaux de l'extrême » dans laquelle Caroline Fourest assimile le travail fondamental d'éditeur indépendant effectué par Arno Mansouri à quelque manœuvre contribuant à nuire à l'équilibre de notre société. ReOpen911 publie, en exclusivité, la réaction de l'éditeur face à cette attaque. Par ailleurs, notre association salue le courage et la ténacité de ce franc-tireur qui a apporté au Mouvement pour la vérité sur le 11-Septembre, en France, une contribution décisive. 

 

Propos recueillis par Lalo Vespera pour ReOpen911 (*)
 

 

Arno Mansouri : « J'ai choisi ce sujet du 11-Septembre parce qu'il me semblait
fondamental pour comprendre l'époque dans laquelle nous vivons,
mais aussi la façon dont est traitée l'information. »
 

 

Votre maison d'édition, Demi-Lune, a frappé fort dès le démarrage de la collection Résistances, en 2006, avec la publication simultanée de cinq premiers livres au sujet du 11-Septembre, juste avant le cinquième anniversaire des attentats. Comment les médias ont-ils réagi par rapport à une telle initiative, à la fois inédite et spectaculaire, concernant les attentats de 2001 ? 

Avant toute chose, il faut bien comprendre que je suis un autodidacte et que les éditions Demi-Lune sont une toute petite structure, totalement inconnue à l’époque. Par ailleurs, je ne peux pas blâmer les journalistes qui reçoivent des livres par dizaines, sur tous les sujets, et qui n'ont pas le temps de tous les lire. Les cinq premiers livres de la collection Résistances [écrits par David Ray Griffin, Webster G. TarpleyVictor Thorn et Nafeez Mosaddeq Ahmed], je les ai envoyés à tout ce que la France compte de médias, aussi bien la presse écrite que les radios et les télévisions.
 
A ma connaissance, la seule mention qui ait jamais été faite de ces livres, au moment de leur parution, ce fut dans le journal de la mi-journée, sur France Culture dont l'invité était un auteur nommé Arnaud Blin qui avait sorti un livre dont le titre, La Terreur démasquée, était très proche de celui du livre de Tarpley, La Terreur fabriquée. Le journaliste a demandé à cet expert, sorti de nulle part, mais qui avait écrit un livre sur le 11-Septembre allant dans le sens qu'on attendait, ce qu'il pensait de certains ouvrages qui venaient de paraître et qui remettaient en cause la version officielle, laissant entendre qu'il n'avait pas pu les lire, mais que si son invité les lui conseillait (« Allez-y c'est du feu de Dieu, c'est formidable ! »), il s’y intéresserait éventuellement… Et Arnaud Blin de répondre en substance : « Vous savez, de tout temps, il y a eu des complotistes… » Il est certain que quelqu'un qui est invité par les médias à célébrer la version officielle ne va pas faire l'apologie de livres qui critiquent son propre positionnement. 
 
 
 

Les 5 premiers livres de la collection Résistances parus en septembre 2006 :
 
 
Un autre exemple concerne Nicole Bacharan, cette soi-disant spécialiste des États-Unis. Alors elle, attention ! Elle est spécialiste des États-Unis dans tous les médias, à la radio, à la télévision… Pour elle, les États-Unis, c'est merveilleux, c'est la plus grande démocratie, mais en fait, elle n'y connait rien. Oui, certes elle parle anglais et a vécu aux États-Unis, (elle est membre de la Hoover Institution), mais elle ne connaît pas le sujet du 11-Septembre, et cependant, elle a de nouveau écrit un livre à l'occasion du dixième anniversaire. En gros, son ouvrage, qui n'a rien d'universitaire, c'est le verbatim du Rapport, façon roman. Il reprend la version officielle, mais avec une cosmétique un peu plus avenante…
 
À la veille des élections parlementaires U.S. en 2006, elle donnait une conférence à la Sorbonne. J'y suis allé pour l'écouter : elle ne connait rien, mais elle le dit avec tant d'aplomb que ça passe. Et comme on l'a vu, notamment avec les économistes, les médias oublient systématiquement les erreurs commises par tous leurs « spécialistes » qui bénéficient ainsi d’une sorte d'immunité. Un étudiant a posé à Nicole Bacharan la question de savoir ce qu'elle pensait de la contestation du 11-Septembre. J'ai dressé l'oreille ! Elle a évacué la question en quelques secondes en disant qu'aux États-Unis, il y a une très grande et très longue tradition du complot et que les Américains sont un peuple formidable, mais qu'individuellement, ce sont de grands enfants… La réponse était de ce niveau ! La réponse typique de quelqu'un qui n'y connait rien : « Vous savez, beaucoup de gens croient aux OVNI, d'autres ne veulent pas admettre la réalité des missions Apollo… », ce genre d'arguments qui n'en sont pas, mais qui peuvent sûrement faire illusion auprès d'autres personnes qui n'y connaissent rien, et préfèrent rester dans l’ignorance.
 
 
Il y a une très grande paresse intellectuelle
de la part de ceux qui s'autocélébrent
comme nos élites.
 
 
 
A la fin de sa prestation, je suis allé rencontrer Nicole Bacharan. Beaucoup de monde autour d'elle la félicitait. Pour ma part, je lui ai simplement demandé, par rapport à sa réponse sur le 11-Septembre et la contestation, si elle avait lu les livres que j'avais édités. Je me doutais bien qu'elle ne les avait pas lus, sans pour autant savoir si elle allait l’admettre publiquement. Mais elle l'a reconnu. Quand je lui ai parlé de Griffin, ça ne lui disait rien, et sa réaction a été de lever les yeux au ciel en haussant les sourcils… C'est-à-dire que cette universitaire qui a accès à tous les médias va dire, non seulement au grand public, mais aussi aux journalistes, qu'il ne faut pas s'intéresser au sujet parce que ce sont des bêtises, une perte de temps, tout ce que vous voudrez… Mais elle-même en est tellement convaincue qu'elle n'a pas pris le temps de lire les livres qui traitent du sujet et qu'elle ne sait pas de quoi elle parle. Les journalistes procèdent de la même manière. Ils vivent en milieu fermé, celui de la politique ou tout simplement leur milieu professionnel. Ils ne se font pas une opinion par eux-mêmes, parce que c'est le système qui veut ça, ils n'ont pas le temps, objectivement, de tout lire et de tout savoir.
 
Mais, en ce qui concerne la communication, nous savions parfaitement qu'ils n'allaient pas se plonger à corps perdu dans la lecture de cinq ouvrages qui représentent 3000 pages. C'est pour cela qu'un dossier de presse avait été confectionné à leur attention : un résumé en 16 pages. Et là, oui, j'ai été stupéfait que les journalistes ne lisent même pas ces 16 pages. C'était hallucinant ! La presse ne parlait que du 11-Septembre à cause du cinquième anniversaire, cinq livres sortent qui ne sont pas les héritiers du livre de Meyssan, mais davantage la poursuite des questions posées à la fois par Meyssan, Michael Moore ou encore Eric Laurent… Pourtant les journalistes ne trouvent pas le temps ou l'intérêt de lire ce dossier concis mis en forme de manière plutôt digeste, tout étant fait pour leur faciliter les choses. Il y a une très, très, très grande paresse intellectuelle de la part de ceux qui s'autocélébrent comme nos élites… Cela a été un choc ! Heureusement, j'ai pris connaissance peu après de l'existence, de la naissance en 2006, du site Internet du collectif ReOpen911 [qui, l'année suivante, est devenu une association]. Et imaginons que le site n'ait pas existé, je me serais senti, tout à coup, très, très, très seul.
 
 
Extrait du dossier de presse de Demi-Lune pour le lancement
de la collection Résistances en septembre 2006
 
 
 
À l’origine, dans quelles circonstances avez-vous créé Demi-Lune ?
 
Demi-Lune est une structure éditoriale qui a été créée, au départ, pour mener à bien le projet de faire un livre sur la Capoeira [art martial afro-brésilien au croisement de la danse et des disciplines de combat] que j'ai finalement publié en mars 2005, au début de l'Année du Brésil en France. Il n'existait pas de livre sur ce sujet et je n'avais pas trouvé d'éditeur pour le coéditer avec moi. J'ai donc sauté le pas en raison – déjà à l’époque – d'une carence dans le milieu éditorial français, malgré un contexte éminemment favorable.
 
 
 
Demi-Lune a effectivement cette spécificité de se consacrer principalement à la musique et à la géopolitique. Y avait-il, dès le départ, cette volonté d'aller vers la géopolitique ?
 
En fait, la collection Voix du Monde consacrée à la musique est née en 2008, c’est-à-dire après la collection Résistances et les premiers livres sur la géopolitique. Faire un beau livre, comme Capoeira, Danse de Combat, a pris énormément de temps et je ne voulais pas sortir seulement un beau livre tous les deux ou trois ans. En 2005, j'ai réfléchi à différents projets et, très vite, le 11-Septembre s'est imposé à moi lorsque j'ai pris connaissance de tous les livres qui existaient en anglais, édités aux États-Unis et écrits par beaucoup de gens dont la plupart étaient des universitaires, des personnes brillantes qui travaillaient très sérieusement. Je me suis rendu compte qu'en France, on n'avait pas du tout accès à cette littérature. Cela m'a beaucoup étonné dans le sens où, avec Thierry Meyssan, la France avait été le pays où la contestation sur la version officielle était née avec L'Effroyable imposture en mars 2002 et, quelques mois plus tard, Le Pentagate, qui ont été des succès de librairie au niveau planétaire. À l'époque, la presse française avait eu un accueil assez dubitatif, mais en avait tout de même parlé. Meyssan avait été invité dans trois émissions de télé, puis très rapidement, il y a eu un contre-feu à la suite duquel on n’entendit plus jamais ce grand intellectuel, très fin analyste politique, dans les médias dominants. Quand on évoque son nom, c’est uniquement pour le diaboliser.
 
 
 
Ce contre-feu qui s'est propagé par rapport à Thierry Meyssan, proportionnel à l'ampleur des révélations qu'il amenait sur la scène publique, n'a-t-il pas refroidi, ensuite, toute maison d'édition française par rapport au sujet du 11-Septembre ?
 
Il y a eu une sorte d'oukase contre Meyssan avec la mise en garde adressée par le CSA [le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel] avec, à sa tête, Dominique Baudis qui a alerté les journalistes sur le grand danger de la divulgation de fausses informations… Quand on y réfléchit, après coup, il y a de quoi rire ! Ça a marqué le coup d'arrêt au semblant de débat qu'il y avait eu sur le sujet. Ensuite, il ne restait plus qu'à traiter Meyssan d'affabulateur, de ne pas discuter de ce dont il parlait, mais de se contenter d’attaques ad hominem.
 
Il y a eu aussi ces deux petits livres commandités, L'Effroyable Imposteur de Fiammetta Venner que pas grand monde n'a lu, mais qui, aux yeux de nos adversaires, a le mérite d'exister, et le livre, tout aussi mince, de Jean Guisnel et Guillaume Dasquié, L'Effroyable mensonge, un opuscule rempli de vent et de bêtises qu'aucun journaliste n'a lu, car si les journalistes l'avaient lu, ils n'auraient pas pu lui accorder le moindre crédit. Mais comme c'était signé Jean Guisnel, qui a un certain poids dans le microcosme de la presse et de la géopolitique, la messe était dite. Et on pouvait passer à autre chose. [NDLR : Guisnel est d’ailleurs convoqué dans le programme de propagande de Caroline Fourest intitulé fort subtilement « Les obsédés du complot », (voir encadré plus bas), et il pose devant son opuscule bien en vue sur l’étagère de sa bibliothèque.]
 
 
 
Ces livres servent en général de références lorsqu'un article, dans les médias dominants, s’emploie à situer Thierry Meyssan. Et finalement, n'est-ce pas la seule utilité de tels ouvrages : une référence que personne ne lit, mais qui permet, à peu de frais, de diaboliser un dissident ?
 
Exactement, un peu comme le reportage de Stéphane Malterre qui est passé quelques années plus tard sur Canal+, dans le cadre de l’émission Jeudi investigation. Le réalisateur était invité sur France Inter par Colombe Schneck, à une heure de grande écoute, pour faire la promotion de ce documentaire programmé le soir même et qui était un tissu d'âneries.
 
 
 
Nous aborderons effectivement dans cet entretien la question du fonctionnement des médias et des stratégies qu'ils emploient, mais parlons encore de votre parcours dans l'édition. Comment la collection Résistances s’est-elle construite autour du 11-Septembre ?
 
Quand je me suis rendu compte qu'il existait tout un corpus de livres très sérieux et ultra documentés écrits par des universitaires à propos du 11-Septembre, comme David Ray Griffin et Webster G. Tarpley, j'ai été très impressionné par les réactions enthousiastes des lecteurs anglophones, le plus souvent Américains, qui s'intéressaient au sujet. D’ailleurs, il y a une énorme différence entre les lecteurs francophones et les lecteurs anglophones. Ces derniers n'hésitent pas à soutenir les livres sur les réseaux sociaux ou sur Amazon, par exemple. Si on prend n'importe quel livre de Griffin, Tarpley ou Nafeez Ahmed, on trouve des centaines de commentaires, la plupart très positifs. En France, s'il y en a cinq ou dix, c'est le grand maximum. C’est dommage, car face à la désinformation constante, il est impératif que nous devenions nos propres médias.
 
 
 
Après la violence disproportionnée des critiques formulées à l'encontre de Thierry Meyssan, n'y a-t-il pas eu en France une autocensure qui s'est installée chez les journalistes, mais qui a également pesé sur le lectorat ?
 
Je suis d'accord pour ce qui concerne les journalistes. Moins pour le lectorat, car, sur Internet, on peut ne pas divulguer sa véritable identité et déposer des commentaires en utilisant un pseudo. Les gens n'ont, me semble-t-il, toujours pas compris qu'il faut qu'ils deviennent leurs propres vecteurs d'informations, leurs propres médias, même au niveau le plus personnel ; je le répète, car c'est très important.
 
A partir de 2004, on a assisté en France à une nouvelle fenêtre d'ouverture sur le sujet du 11-Septembre avec la Palme d'Or attribuée par le jury du Festival de Cannes au film de Michael Moore Fahrenheit 9/11 dans le contexte de la campagne électorale de Bush, puis avec la parution du livre La Face cachée du 11-Septembre écrit par Eric Laurent, chez Plon. Et il faut remettre en perspective le fait qu'à cette époque, quasiment personne en France n'avait entendu parler de la troisième tour, le bâtiment 7 du World Trade Center, qui s'était effondré d'une façon très spectaculaire sans même avoir été percuté par un avion. Or, ces images de la tour 7 avaient été complètement retirées du cadre, supprimées du champ de perception au point que la grande majorité du public ne s'en souvient pas aujourd'hui. Je me suis alors rendu compte, en 2005, qu'il y avait aussi des doutes sur la façon dont les trois tours s'étaient effondrées avec le livre de Victor Thorn, par exemple, Le Procès du 11-Septembre que j’ai ensuite publié en France. C'était quelque chose de totalement inédit et de choquant.
 
 

La tour 7 du World Trade Center : le Talon d'Achille du 11-Septembre.

 

J'ai donc sélectionné cinq livres. Il a fallu les traduire et les produire. Et ils sont sortis en septembre 2006 pour le 5e anniversaire des attentats. En définitive, j'ai choisi ce sujet du 11-Septembre parce qu'il me semblait fondamental pour comprendre l'époque dans laquelle nous vivons, mais aussi la façon dont est traitée l'information. J'étais très conscient du risque qu'il y avait d'être catalogué comme un « disciple » de Thierry Meyssan. En fin de compte, on l'accuse souvent d'être anti-américain, mais il est anti-impérialiste et c'est tout à fait différent. Moi non plus, je ne suis pas anti-américain. J'ai vécu aux États-Unis, j'y ai étudié un an et je n'ai aucun problème avec les États-Uniens que j’apprécie énormément.
 
 
C'est la répétition du discours,
de manière unanime,
qui en fait sa force.
 
 
 
Le fait de traiter d'anti-américain toute personne qui conteste le système impérialiste – puis éventuellement d'antisémite – correspond à une rhétorique de propagande…
 
On connaît cette rhétorique parce qu'on en est victime. Et elle fonctionne toujours, bien qu'elle soit un peu éventée, parce qu'elle titille des cordes sensibles. Même quand on y prête attention ou même si on estime être vigilant, le fait de percevoir un discours répété, encore et encore, par tous les médias à l'unisson, de manière flagrante ou insidieuse, tous les jours, forcément cela va porter ses fruits. C'est la répétition du discours, de manière unanime, qui en fait sa force. En France, nous vivons depuis longtemps totalement immergés dans la propagande atlantiste ; c’est un véritable lavage de cerveau auquel il est difficile, sinon impossible, d’échapper…
 
 
 
Cela consiste aussi à stigmatiser des individus en usant de la rhétorique de disqualification, à savoir choisir des termes qui n'ont rien à voir avec la réalité des individus critiqués, mais qui vont les marginaliser et les disqualifier au sein même de la communauté sociale ou professionnelle à laquelle ils appartiennent. Quand vous êtes-vous rendu compte qu'il s'agissait là véritablement d'une manœuvre d'un système protégeant aveuglément ses intérêts ?
 
J'étais relativement naïf, en tout cas beaucoup trop naïf, dans le sens où je me doutais bien que les cinq livres édités au départ n'allaient pas être accueillis dans la plus grande ouverture d'esprit par la presse et les médias en France. Cependant, j'espérais qu'un certain nombre d'entre eux, en premier lieu Le Monde diplomatique, éventuellement Politis, voire Le Canard enchainé, pourraient s'en faire l'écho ou s'y intéresser, en tout cas accepter le questionnement. Il faut savoir que les deux premiers livres de David Ray Griffin avaient été très bien accueillis par la gauche américaine, comme par exemple le magazine CounterPunch, qui opéra ensuite un retournement à 180 degrés. Mais, à cette époque, étant donnée la proximité idéologique entre CounterPunch et Le Monde diplomatique, je pensais que le lectorat serait intéressé et, qu'éventuellement, la rédaction pourrait l'être aussi. J'avais même investi dans un quart de page publicitaire présentant les livres de Demi-Lune. Quelques mois plus tard, j'ai eu la grande surprise de voir un des pires articles sur le 11-Septembre être traduit de CounterPunch, justement, et publié dans les colonnes du Monde diplomatique. C'était un coup de poignard dans le dos. [NDLR : Au sujet du traitement journalistique réservé au 11-Septembre par Le Monde diplomatique, dans son édition française ou dans son édition norvégienne, voir le documentaire instructif d'Olivier Taymans, Épouvantails, autruches et perroquets - 10 ans de journalisme sur le 11-Septembre].
 
 
 
Comment expliquez-vous que ces journaux de gauche, qui ont sur un grand nombre de sujets un regard critique, soient soudain emportés par ce syndrome que je nomme « la parenthèse enchantée » ? En effet, cette presse admet volontiers qu'avant le 11-Septembre, les États-Unis, par la nature de leur appareil politique, ont pu être impliqués dans des manœuvres criminelles à grande échelle, comme au Vietnam ou en Amérique latine. Ces mêmes journaux reconnaissent également qu'après 2001, les mêmes combinaisons politiques ont permis de déclencher une guerre d'agression contre l'Irak sur la base de mensonges grossiers. Mais soudain, dans la seule parenthèse du 11-Septembre, cette gauche est prise d'un aveuglement total et valide sans réserve la version officielle de l'administration Bush et l'hypothèse d'un appareil d'État nécessairement et intégralement vertueux ce jour-là.
 
Je vais répondre du mieux que je peux. Je n'ai pas envie pour autant d'enfoncer Serge Halimi [le directeur du Monde diplomatique] qui a beaucoup de qualités, qui fait un travail précieux et nécessaire mais qui, sur le 11-Septembre, est aussi fermé que peut l'être un Noam Chomsky. Voilà un esprit brillant qui produit une réflexion puissante sur un grand nombre de sujets et qui est parfaitement aveugle, en l'occurrence, sur le 11-Septembre. Mais je n'ai pas envie de taper sur lui…
 
 
 
Sans qu'il soit nécessaire de taper sur quiconque, comment comprendre cette situation aberrante ? Nous ne sommes pas en manque d'éléments qui démontrent en l'occurrence une fraude avérée concernant différents aspects du 11-Septembre avec le PNAC, la chute des tours, les délits d'initiés, etc. Une fois égratigné le vernis des apparences, les anomalies apparaissent par dizaines ! Par quel enchantement ces esprits de gauche, cultivés, qui sont perspicaces sur d'autres sujets, qui ont accès à l'information mieux que quiconque puisqu'ils sont journalistes, comment se fait-il que, sur le 11-Septembre, leur cerveau soudain s'arrête de fonctionner ?
 
Ces journalistes ne sont pas stupides, certes, mais ils n'ont pas accès à l'information dans le sens où ils ne VEULENT pas y avoir accès ; non seulement ils ne la cherchent pas, mais ils s’en détournent. Un exemple : aucun journaliste en France n'a lu ne serait-ce que le résumé du rapport d'enquête du NIST sur l'effondrement des tours ; ils ne s'y sont pas intéressés [le NIST est l’Institut national des normes et de la technologie, une agence du Département du Commerce des États-Unis]. Ceux qui ont fait le meilleur travail sur le sujet, ce sont des ingénieurs indépendants et des professeurs de mécanique ou de physique qui ont montré que ce rapport ne traitait absolument pas ce qu'il était censé traiter, c'est-à-dire l'effondrement des bâtiments. En fait, il s'arrête au moment où les tours s'effondrent et n'explique pas l'effondrement lui-même.
 
 
Kevin Ryan et Steven Jones, respectivement ingénieur chimiste
et Docteur en physique, analysent le rapport officiel de l'agence
gouvernementale NIST sur la chute des Tours Jumelles du WTC.
 
 
Ensuite, quand le porte-parole du NIST s'est trouvé confronté aux questions, elles ne sont pas venues des journalistes, mais de ceux qu'on appelle les « truthers », des personnes qui se préoccupent des faits sur le 11-Septembre et non des interprétations politiques. Lynn Margulis, professeur émérite au Département des géosciences de l’université du Massachusetts, comme tout un courant de scientifiques de renom aux États-Unis, a accusé l'administration Bush et les organismes qui travaillaient sous ses ordres, comme le NIST, de faire non pas de la science, mais de la « Bush-science ». Et ce terme sonne comme une contraction de « bullshit-science », de la science de pacotille. Griffin l'a très bien démontré dans deux de ses ouvrages, La Faillite des médias et le dernier en date Un autre regard sur le 11-Septembre, les responsables du NIST mentent dans le sens où ils affirment des choses qui ne peuvent pas être, car elles violent les lois de la physique. Et quand ils sont mis face à cette contradiction, ils avouent qu’effectivement, pendant deux secondes et demi, le bâtiment 7 du World Trade Center s'effondre à la vitesse de la chute libre… Mais ils n'expliquent pas pour autant les implications que cela suppose.
 
 
 
En effet, on peut envisager les rapports fournis par l'appareil d'État américain – ce document du NIST ou encore le Rapport final de la commission d'enquête sur le 11-Septembre dont le contenu a été dirigé par Philip Zelikow – comme des outils de propagande dès l'instant où l'on met en perspective certaines manœuvres, telles que les opérations de propagande désormais connues et avérées durant la Guerre du Vietnam, qui ont permis aux responsables de l'époque, au pouvoir aux États-Unis, d'aboutir aux résultats géopolitiques qu'ils souhaitaient. Les citoyens qui ont envie de se faire une opinion par eux-mêmes sur ces sujets disposent maintenant de nombreux documents d'archive disponibles pour y parvenir. Encore faut-il qu’ils se l’autorisent. Quand avez-vous eu le sentiment que la fenêtre d’ouverture sur le 11-Septembre, que vous évoquiez tout à l’heure, s’est refermée ?
 
Elle s’est ouverte en 2004, année d’élections présidentielles aux USA et refermée presqu’aussitôt après ces élections. Au moment de la parution de mes premiers livres, le sujet en France n'était déjà plus, ni abordé, ni abordable, à moins d'en rester, à l'instar de Michael Moore, à la surface des choses… Certes, son film Fahrenheit 9/11 (sorti en 2004) a choqué beaucoup de monde parce qu'il a porté à l'attention du grand public les liens financiers à l'intérieur du groupe Carlyle entre la famille Bush et la famille ben Laden. Sans doute Michael Moore avait-il lu le livre de Graig Unger House of Bush, House of Saud et il a fait de ces informations quelque chose qui pouvait toucher le grand public avec son talent et son humour. 
 
Mais quand on s'intéresse au 11-Septembre, comme je l'ai fait ensuite, on s'aperçoit qu'il est resté très en deçà de la réalité, qu'il ne s'est pas intéressé à ce qui est réellement important. Un exemple : l'épisode où le Président Bush est dans l'école et où il apprend les attentats. Michael Moore le montre comme un imbécile qui a du mal à lire un livre pour enfant et qui, totalement désemparé, ne réagit pas à ce qui se passe. Le but de Michael Moore était éventuellement de montrer à quel point Bush était incapable d'être le commandant en chef d'une nation attaquée. Mais, au bout du compte, il en fait presque quelqu'un de sympathique, un type normal pris dans le feu de l'Histoire, dépassé par les événements.
 
Mais, la question décisive en l’occurrence n'était pas celle-là ! La question la plus importante n'était pas de savoir comment Bush avait réagi, de manière exemplaire ou pitoyable. La vraie question était : comment les membres du Secret Service, l'agence qui assure la sécurité des Présidents américains, qui accompagnaient Bush ont-ils pu laisser le Président dans un lieu qui n'était absolument pas protégé, durant 20 minutes, alors que la nation était attaquée et que tout le monde savait depuis la veille que Bush était à Sarasota, en Floride, puisque son programme de visite avait été rendu public ?
 
 
Le documentaire Fahrenheit 9/11 montre le Président Bush sans
réaction, le 11-Septembre à 9h12, alors que la deuxième tour du WTC
a été frappée à 9h01. Mais le réalisateur Michael Moore ne s'intéresse
pas au dysfonctionnement majeur du Secret Service.
 
 
 
Ces questions de logique, dont il est insupportable de considérer qu'elles ne sont pas prises en compte par des personnes qui se veulent par ailleurs rationnelles et cohérentes dans leur analyse du monde, sont effectivement très choquantes, tout comme est choquante la léthargie des médias, depuis dix ans, quelles que soient les révélations contredisant la version officielle. Pensiez-vous au départ qu’il en serait ainsi ?
 
En termes de couverture médiatique, l'accueil a effectivement été nul sur les cinq premiers livres, si ce n'est cet article catastrophique dans Le Monde diplomatique. Je pensais, par exemple, que Daniel Mermet [qui anime sur France Inter l’émission Là-bas si j’y suis] aurait pu éventuellement parler des livres puisque Howard Zinn avait soutenu les deux premiers livres de Griffin. Cela aurait donc pu interpeller les gens qui connaissent Zinn et qui l'estiment.
 
 
 
Howard Zinn avait-il vraiment sur le 11-Septembre une position si différente du reste de la gauche américaine ?
 
La position d'Howard Zinn demande effectivement à être explicitée. Il s'est peu exprimé sur le sujet, mais il a tout de même dit : « Étant donnée la manière répétée et récurrente dont l’administration Bush a instrumentalisé la tragédie du 11-Septembre pour nous lancer dans des guerres immorales, […] les questions posées par David Ray Griffin au sujet du 11/9 doivent être prises en compte et il est nécessaire d’y répondre. » En 2004, lorsque le livre de Griffin est sorti, il y avait déjà beaucoup d'éléments sur le 11-Septembre, mais il n'y avait pas encore tout le travail critique qui a été fait ensuite. Zinn est resté un peu en retrait, certes, mais beaucoup moins que Chomsky, Amy Goodman ou d'autres, et il a même pris sur lui de conseiller la lecture de ces deux ouvrages, Le Nouveau Pearl Harbor et Omissions et manipulations de la Commission d'enquête sur le 11-Septembre.
 
 
Le 11-Septembre est comme une religion,
et dès lors qu’on doute, on est en pleine hérésie.
 
 
 
Quels sont les autres livres sur le 11-Septembre publiés ensuite par Demi-Lune ?
 
L'année suivante, en 2007, j'ai persévéré en sortant quatre autres livres en lien avec le sujet : le livre sur les attaques à l’anthrax (un épisode traumatique, mais qui est sorti de la mémoire collective), Guerre biologique et terrorisme de Francis Boyle ; le livre d'un auteur allemand, Gerhard Wisnewski, Les Dessous du terrorisme qui, outre le 11-Septembre, aborde les attentats de Londres en 2005, ceux de Madrid en 2004 et le terrorisme de la Fraction armée rouge et sa manipulation par le contre-espionnage allemand ; un nouvel ouvrage de Griffin, La Faillite des médias ; et surtout le livre de Daniele Ganser Les Armées secrètes de l'OTAN. Chacun de ces livres a été une réponse à des arguments infondés qui appuyaient la version officielle. 
 
 
Les 4 livres de la collection Résistances parus en 2007 :
 
 
Il faut voir le 11-Septembre comme une religion. C'est un culte : soit on est « croyant », on baigne dans le culte de la version officielle, et alors le monde est simple. Il y a les méchants et les gentils, les musulmans d'un côté, et les États-Unis et l'Occident de l'autre. Soit on est « athée » ou agnostique, et dès lors que l’on doute, on est en pleine hérésie. Or, le sort réservé aux hérétiques n'est jamais enviable… Au mieux, on est banni et diffamé, mais après tout peut-être faut-il se réjouir de ne plus être torturé et brûlé ? Vous me permettrez toutefois d’avoir une pensée pour le soldat Bradley Manning, dont les conditions de détention ont été jugées « trop sévères » jusque dans les colonnes du très atlantiste quotidien Le Monde.
 
 
 
Cela fait maintenant 7 ou 8 ans que les éditions Demi-Lune existent. Est-ce que vous avez reçu, d'une façon ou d'une autre, des pressions ?
 
Non, pas du tout ! Pas besoin de faire pression sur moi… Malheureusement, je n'ai pas assez d'influence, les ventes de mes livres n’étant pas assez importantes pour qu'on ait besoin de faire pression. Il en va autrement de Thierry Meyssan qui s’est senti suffisamment menacé pour devoir quitter son propre pays…
 
 
 
Même quand vous publiez La Parabole d’Esther de Gilad Atzmon ?
 
Oui. Il n'y a pas besoin de faire pression, le silence est une bien meilleure arme, surtout quand il est aussi assourdissant, aussi énorme que celui qui suit, quasiment à chaque fois, la parution d'un de mes ouvrages. Dans la grande presse, dans les médias en général, on a très, très peu parlé de n'importe lequel des livres de la collection Résistances.
 
A l'inverse, pour un livre sur la musique, il n'y a pas de soucis… J'ai publié l’excellent travail de François Bensignor sur Fela Kuti. Il y a eu cinq passages dans des émissions différentes de Radio France. Il y a eu d'autres radios d'audience nationale comme Nova, la TSR, etc. Beaucoup de choses. De la presse aussi : Libération, Le Nouvel Obs’, Marianne… Même si la politique, nigériane en l’occurrence, y est dénoncée, c'est le passé… Le Nigéria des généraux, on peut en parler. Mais des autres livres, non ! À part sur Agent Orange Apocalypse Viêt Nam, livre pour lequel il y a eu des émissions en Belgique, en Suisse et, par exemple, sur France Inter avec une émission de « Rendez-vous avec X » consacrée à l'Agent Orange et qui se basait presque à 100 % sur le travail d'André Bouny.
 
 
 
N'avez-vous pas eu aussi un certain succès avec le livre de Daniele Ganser ?
 
Oui, Les Armées secrètes de l'OTAN est un des trois livres qui a eu le plus grand retentissement, parce que le livre de Daniele Ganser a donné naissance à un documentaire réalisé par Emmanuel Amara et diffusé un dimanche soir, en début de soirée, sur France 5. Et ce documentaire se basait sur le travail de Daniele Ganser. 
 
 

1950-1990 : Le scandale des armées secrètes de l'OTAN,
documentaire basé sur les travaux de Daniele Ganser.
 
 
 
Quel impact cette diffusion a-t-elle eu sur les ventes ?
 
Les ventes du livre n'ont pas explosé après la diffusion, mais il y a eu, par exemple, une recension du livre dans Le Monde diplomatique. Je me souviens aussi d'une micro recension, quand le livre est sorti en 2007, de Roger Faligot dans Libération qui disait, en gros, qu'on n'apprenait rien de nouveau dans ce bouquin (rire). Ce qui est quand même exceptionnel étant donné que tout le monde ignorait ce qu'était le Gladio ou les réseaux Stay behind. Mais Roger Faligot, dans Libération, clamait : « Passez votre chemin ! »
 
Ce sont des livres dont je suis très fier, comme Agent Orange qui a donc fait l'objet de trois émissions de radio nationales à des moments de grande écoute puis rediffusées sur Internet. Egalement le livre de Daniele Ganser dont on vient de parler et dont l'adaptation a été diffusée sur France 5, sur la TSR en Suisse et sur la RTBF en Belgique ainsi qu'au Canada. Et le livre de Francis Boyle Guerre biologique et terrorisme qui a donné lieu, lui aussi, à un documentaire, Marchands d'anthrax, qui a été diffusé au Canada, en Belgique, en Suisse et finalement, un ou deux ans plus tard, sur Arte qui l'avait produit probablement sans savoir de quoi il s'agissait réellement.
 
 
 
 
 
Ces livres, en tout cas leur sujet, ont donc touché un vaste public, non pas par l'intermédiaire des ouvrages tels que je les ai publiés, mais par l'intermédiaire de la télévision ou d'autres médias. De mon côté, je fais des livres tirés en première édition, par exemple, à 3000 exemplaires, que je vais mettre un ou deux ans à vendre, alors qu'une émission de radio ou de télé, c'est 100 000, (ou 300 000) auditeurs ou spectateurs voire plus en un seul passage. On ne joue pas dans la même catégorie. Il y a médias et médias : pensez qu’il faudrait presque 3 ans à un auteur présentant chaque soir son livre à 100 personnes (ce qui serait une audience fort respectable) pour toucher autant de monde. Notre action est donc plus de type guérilla !
 

 
 
Le point de vue d’Arno Mansouri
sur « Les réseaux de l’extrême »
 
 
Avant le « reportage » de Caroline Fourest dans lequel j’apparais, intitulé « les obsédés du complot » (premier épisode de la série « Les réseaux de l’extrême »), diffusé le 5 février dernier en prime time sur France 5, jamais je n’avais été interviewé par une chaine de télévision française au sujet du 11-Septembre, alors que les émissions ont été légions sur les « conspirationnistes » et que je suis, de très loin, l’éditeur qui a publié le plus de livres invalidant le récit officiel. D’un certain point de vue, je pourrais dire, de manière humoristique, que Demi-Lune est le « leader mondial sur le 11-Septembre dans l’édition »…
 
Pour l’anecdote, non seulement le journaliste venu à ma rencontre ne m’a jamais informé que Fourest était aux commandes du documentaire auquel il participait, mais il m’a présenté cette émission comme s’intéressant « aux raisons pour lesquelles les Français doutent des médias ». Bel exemple de déontologie que de mentir aux gens que l’on interroge, en faisant croire dans le même temps au grand public qu’il est nécessaire de « s’infiltrer chez les extrémistes » ? Voilà qui illustre les méthodes de travail propres à Caroline Fourest qui s’imagine sans doute que j’ai deux discours, un policé pour les médias traditionnels, et un autre « extrémiste » pour les « complotistes de l’Internet » ; eh bien non, désolé, je n’ai d’autre message que celui de la liberté d’expression, dans le cadre de la loi. Et pour ce qui est de mes idées, elles sont écrites noir sur blanc dans les livres que je publie. Encore faut-il les lire. Mais Mme Fourest est davantage soucieuse de se mettre en scène devant les tours du Savoir, au pied de la BNF, et de prendre la posture de l’intellectuelle qu’elle n’est pas.
 
Je ne prendrai que deux exemples me concernant directement pour illustrer la vacuité de ce personnage qui évolue dans un univers mental binaire et fantasque, et ne comprend rien au monde dans lequel nous vivons ou aux motivations de ceux qu'elle nomme les « complotistes » (Rappelons une évidence qui n'est jamais relevée dans son programme : Fourest elle-même croit dans un complot du 11-Septembre, un complot dont la responsabilité est attribuée à ben Laden !). Le reportage s’ouvre par un gros plan sur deux bovins dans les champs, après qu'on l'ait vue, elle, à Paris, « Capitale des Lumières » comme chacun sait et, qui plus est, au pied de la BNF. Ce plan vaut son pesant d'or en termes de désinformation quasi subliminale, par conditionnement du spectateur. Et Mme Fourest de surenchérir en voix off : « Ces vaches ne se doutent pas qu’à quelques pâturages de là, d'immenses conspirations sont mises à jour dans cette maison, par cet homme… ». Non madame, je ne cherche pas des secrets au cul des vaches, je publie le travail rigoureux d’universitaires anglophones, pour la plupart états-uniens.
 
Caroline Fourest me présente comme un individu s'intéressant aux « conspirations » ; de ce fait, dans sa logique si particulière, je ne peux pas travailler sérieusement, et lorsque j'apparais immédiatement après la question (ô combien « complotiste ») « à qui profitent les théories du complot ? », le spectateur ne peut pas avoir une opinion neutre sur ma personne ou mon travail : cette opinion est nécessairement défavorable a priori. Au cours du montage, elle a dû voir dans les rushes la couverture du livre Agent Orange Apocalypse Viêt Nam (et celles sur La Conquête de l'Amérique latine vue par les Amérindiens – donc aussi des Mayas – ou de La Parabole d'Esther, avec sa référence au « Peuple Élu ») et en a donc « logiquement » déduit que j'éditais des bouquins… sur l'Apocalypse !!!
 
 
 
Commentaire de Caroline Fourest en voix-off sur les images du reportage (à 2'05") :
« ... des livres vous promettant d'étonnantes révélations
sur l'Apocalypse (sic !) et le terrorisme... »
 
Ineffable ! Inestimable perle, qui n'est pas sans me rappeler celle – tout aussi révélatrice – de cet autre journaliste qui, dans un de ses articles, avait confondu les « termites » (insectes) et la « thermite » (la substance exothermique capable de faire fondre de l'acier). Cette erreur, grossière, est instructive à plus d’un titre : elle nous informe sur la façon de penser et de travailler de Caroline Fourest. À l’instar de Nicole Bacharan, dont nous avons parlé précédemment, il est manifeste qu’elle n'a aucune idée du contenu éditorial de la Collection Résistances (car si elle avait pris le temps de lire la présentation des livres sur la quatrième de couverture ou le site EDL, elle n’aurait pas confondu l’Agent Orange avec l’Apocalypse). Ainsi, par cette remarque, laisse-t-elle supposer au spectateur que Demi-Lune édite des livres qui ne sont pas sérieux, seulement des fariboles indigestes relevant de l'occultisme, de l'ésotérisme, et flattant les plus bas instincts du lectorat ou profitant de ses peurs dans des buts vilement mercantiles. Ce faisant, elle porte atteinte à la crédibilité de l’immense travail effectué depuis 7 ans et à l’image comme à la réputation des éditions Demi-Lune. C’est pourquoi je me réserve le droit de porter cela en justice.
 
Un tel manque de professionnalisme et de curiosité intellectuelle, de telles (fausses) certitudes martelées dans ce reportage, fondées sur les seules convictions de son auteure et basées avant tout sur ses fantasmes, est proprement confondant... mais tellement révélateur de la « méthode Fourest ». Tout le reste du programme est du même acabit, mais il faudrait des heures pour procéder à un décryptage complet de cette production qui atteint le comble du ridicule dans sa conclusion, lorsque Fourest assène qu'un « journaliste doit faire douter de tout, sauf des faits » alors que, précisément, dans l’épisode de cette série dont elle est responsable, elle n’évoque pratiquement aucun fait, aucune zone d’ombre relatifs au dossier complexe du 11-Septembre !
 
Et cerise sur le gâteau : au cours de la discussion avec Carole Gaessler, en clôture de programme, Mme Fourest se plaint de ne disposer que de « quelques minutes d'antenne » (pour contrer les arguments des sceptiques du récit officiel et l’immense audience/influence qu’elle leur prête, sur la Toile) alors qu'une chaîne de télévision publique lui offre 4 fois 52 minutes, à une heure de grande écoute, pour distiller sa rhétorique de diabolisation au sujet de l'Internet et du débat sur le 11-Septembre. À peu de choses près, cette même rengaine que tous les médias dominants ont servi avec constance depuis plus de 10 ans !
 

 

 

Comment les librairies réagissent-elles par rapport aux ouvrages que vous publiez ?
 
Quand, depuis 10 ans, il est dit sur l’ensemble des médias, y compris Canal+, que les gens qui s'interrogent ou qui mettent en cause la version officielle sont des révisionnistes, avec ce que cela implique, c'est-à-dire la notion de négationnisme et d'antisémitisme… Quand les médias ne connaissent ni les personnes ni les œuvres dont ils parlent et qu'ils propagent pourtant ce type de désinformation, forcément, ce discours a un poids dans l'opinion. Et les libraires, qui n'ont pas le temps de lire tout ce qu'ils voient passer et mettent en vente, sont les premières victimes de cette propagande. On trouve les livres que j'édite à la FNAC et dans toutes les grandes chaînes de distribution, mais dans les librairies les plus militantes - et j’entends par là de gauche - les libraires traînent des pieds ou refusent, soit de prendre les livres, soit de les mettre en évidence. En gros, ils les censurent alors qu'ils sont les premiers à s'élever contre toute forme de censure, en Russie ou je ne sais où… Pourtant, eux-mêmes la pratiquent et ils la pratiquent en croyant bien faire, parce qu'ils pensent protéger le public.
 
La plupart des journalistes, de mon point de vue, sont mal informés. La plupart d’entre eux ne désinforment évidemment pas en toute connaissance de cause. A mon sens, seul un petit nombre d'entre eux le font : des leaders d'opinion comme BHL et des éditorialistes comme Bernard Guetta ou Alexandre Adler. Ce type de personnes intoxique la grande masse des journalistes. Et encore, peut-être sont-elles seulement « victimes » de leur mode de pensée simpliste car binaire ? Il en va tout autrement des officines du style de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, ou des cabinets de communication commandités par les agences de renseignement, dont le métier est de désinformer.
 
 
 
Admettons que, sur le sujet du 11-Septembre, la majorité des journalistes soient davantage mal informés, incompétents ou naïfs que mal intentionnés, vous est-il arrivé d’en croiser certains qui acceptent cependant de remettre en cause leurs propres croyances ?
 
Non ! Il y a deux mondes qui existent sans réelle interpénétration, ni la moindre écoute… Non pas le monde des journalistes professionnels d'un côté et de l'autre, le monde des « journalistes citoyens », (ceux d'Agoravox, de ReOpen911, du Grand Soir, de l'Idiot du Village, voire du Réseau Voltaire…) Non, il y a les croyants dans la démocratie, dans « l'opinion publique internationale », ce qui signifie en général occidentale… Ce sont les gens qui sont convaincus de vivre dans le meilleur des mondes, contre ceux qui ont une vision plus critique, à la fois de l'Histoire et de l'actualité, de l'Histoire en devenir. Et il n'existe pas de passerelle entre ces deux mondes et encore moins de dialogue possible.
 
 
De l’autre côté du miroir,
on est dans une position intellectuelle plus juste
mais bien moins confortable…
 
 
 
Quand vous avez découvert les anomalies qui entourent le 11-Septembre, et plus encore, quand vous avez pris acte du blackout généralisé des médias dominants à l’égard des ouvrages sur ce sujet publiés par Demi-Lune, cela a-t-il changé votre perception de la société occidentale ?
 
Tout cela s’est fait de manière graduelle. Mais effectivement, s'intéresser au sujet et voir le traitement qui en est fait par les médias entraîne une double prise de conscience. Un, les médias ne font pas leur boulot. Deux, la réalité est forcément autre que celle qu'on nous a présentée. Daniele Ganser dit que le 11-Septembre n'est pas un événement historique dans le sens où on ne sait pas encore ce qui s'est passé exactement. Et il synthétise trois possibilités : soit la version officielle de l'attaque surprise est la bonne, soit les attentats sont la conséquence d'un « laisser-faire délibéré » au sein de l'appareil d'État américain, soit ils sont le résultat d'un « déclenchement délibéré » avec une instrumentalisation d'al-Qaïda ou encore l'éventualité qu'al-Qaïda ne soit même pas responsable.
 
Il y a donc ces trois possibilités qui emportent les suffrages de telle ou telle personne en fonction de sa connaissance des événements. Pour celui qui ne connaît rien aux événements, effectivement, la version officielle est la plus facile à comprendre et à accepter. Mais alors, est-on encore dans la réalité ou dans un récit, dans un film avec le super héros et le super vilain, ce terroriste musulman, plus ou moins doté de super pouvoirs et qui représente la quintessence du mal ? Cela n’est pas crédible, le récit officiel ne résiste pas à l’examen critique. Le problème auquel on est alors confronté est double : d’une part, l'hypothèse est particulièrement effrayante (ou « effroyable » comme l’a dépeinte Meyssan) et d’autre part, elle n’apporte pas de récit alternatif global. Car la force du récit officiel est de nommer le mal (en la personne de ben Laden), alors que de l’autre côté du miroir, en l’absence d’enquête, on n’a aucune certitude, seulement des hypothèses, et ce que l’on peut appeler le « soupçon de l’Indicible », ce qui est une position intellectuelle plus juste, mais bien moins confortable…
 
 
 
En considérant une telle perspective, le 11-Septembre n'est-il pas révélateur du fait que la démocratie en Occident et le rôle qu’y jouent les médias ne sont chez nous qu'une vaste farce ?
 
Rappelons ce sondage publié par ReOpen911, en 2011, pour le 10anniversaire des attentats. Ce n'était pas un micro-trottoir, mais un vrai sondage, réalisé par HEC, qui montrait que 58% des personnes interrogées avaient des doutes sur la version officielle telle qu'elle avait été massivement présentée depuis 10 ans dans les médias. Le 11-Septembre est un révélateur du dysfonctionnement des médias et bien plus encore, à moins de préférer la posture de l’autruche, c'est un fait, incontournable.
 
Mais d'autres personnes prendront conscience de ces dysfonctionnements majeurs par rapport à ce qui s'est passé depuis en Libye ou en Syrie, ou encore, par rapport au mensonge sur la volonté de l'Iran de « rayer Israël de la carte ». Pendant près de sept ans, on nous a asséné plusieurs fois par semaine, sur tous les médias, c’est-à-dire des milliers et des milliers d'articles, de citations, de références, de pseudo analyses, et même de déclarations d'hommes politiques au plus haut sommet de l’État, comme par exemple, en 2007, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, François Fillon, Premier ministre et Nicolas Sarkozy, Président de la République, qui nous parlaient de guerre contre l'Iran, qu'il fallait se préparer à la guerre contre l'Iran sous prétexte qu'on ne pouvait pas laisser Ahmadinejad « rayer Israël de la carte ». Et qu'est-ce qu'on apprend en avril dernier dans tous les médias, à commencer par Le Figaro ou Le Point ? Qu'il n'a jamais dit ça ! Que c'est une erreur de traduction… 
 
 
Un cas exemplaire de dysfonctionnement médiatique, en France,
illustré par les titres comparés du journal Le Monde en 2005 
et du magazine Le Point en 2012.
 
 
Que s’est-il passé ? En fait, au printemps 2012, plusieurs hauts responsables, le ministre du Renseignement, le ministre de la Défense, des gens hauts placés au sein du Mossad, ont reconnu finalement qu'Ahmadinejad et l'Iran ne représentaient pas une menace réelle, sérieuse et encore moins nucléaire pour Israël. Ils ont ainsi pris position pour éviter une guerre contre l'Iran voulue par des politiques israéliens qu'ils considèrent comme totalement irresponsables. Or, dans ces articles de presse français, il n'y a jamais eu la moindre remise en cause, le moindre début d'une excuse pour dire « on s'est trompé, on a relayé une erreur de traduction tout en lui donnant une importance considérable… ».
 
 
Le journaliste, aujourd’hui, c’est le chevalier blanc.
Il ne peut pas se tromper,
car il est toujours du côté du Bien.
 
 
 
Pourtant, ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il ne s'agit pas seulement d'une erreur ou d'une incompétence des journalistes. C’est en fait beaucoup, beaucoup, beaucoup plus grave ! On parle d'un crime, du « crime des crimes ». Il s’agit de propagande de guerre. Et contribuer à la propagande de guerre, c'est, depuis le jugement de Nuremberg, le crime le plus grave qui soit selon le droit international. Est-ce que, pour autant, les journalistes ont publié ne serait-ce qu’un début de mea culpa ? Non. L'article du Point présente cette révélation comme une nouvelle, alors que tous ceux qui, depuis sept ans, ont lu le discours d'Ahmadinejad ou sa traduction savent qu'il n'a jamais prononcé les paroles qu'on lui a attribuées et encore moins appelé à « rayer Israël de la carte ». À l'inverse, loin de s'excuser, de reconnaitre qu'ils se sont trompés, ils en rajoutent une couche et prétendent qu'Ahmadinejad est un négationniste alors que le Président iranien ne nie pas la Shoah, mais s'interroge sur l'usage qui en est fait, à l’instar de Norman Finkelstein dans L'industrie de l'Holocauste. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas là d’être « l’ami des mollahs » (ou leur ennemi), mais de vérité factuelle sur laquelle « l’élite » politico-médiatique s’est essuyée les pieds pendant des années pour des questions de géopolitique. D’autant plus que la fable de la « menace nucléaire » iranienne continue, même si la Maison Blanche ne jette plus de l’huile sur le feu.
 
Cela ne fait pas partie de la culture des journalistes d'avouer qu'ils se sont trompés. Le journaliste se perçoit encore comme une sorte de héros des temps modernes, c'est le chevalier blanc. Il prend position pour les enfants syriens contre le dictateur sanguinaire. Il ne peut pas se tromper, car il est toujours du côté du Bien. Il est contre le réchauffement climatique, mais ça ne l'empêchera pas de conduire son 4x4. La conscience écologique, c'est bien souvent une posture. Je me souviens de ce journaliste de France Inter, Pierre Weill, qui condamnait le réchauffement climatique dans une phrase et célébrait le tourisme spatial dans la suivante en enchaînant : « C'est formidable… Est-ce que, demain, on pourra nous aussi aller dans l'espace ? » Il n'y a aucune cohérence, aucune logique… seulement la certitude d'être du bon côté de la morale. Un grand écart permanent !
 
Donc, il y a mille sujets qui peuvent faire prendre conscience des innombrables dysfonctionnements dans les médias. C'est vrai que la plupart des gens et l'opinion publique occidentale, française en l'occurrence, sont dupés parce que les politiques, et les médias qui les relayent, actionnent sans cesse la corde sensible des bons sentiments. Les médias ne parlent pas d'intervenir militairement contre tel ou tel dirigeant qui ne collabore pas pleinement, ou comme on le voudrait, avec l'Occident… Non, ils disent que ces dirigeants sont les bouchers de leur peuple (quand bien même ils étaient hier dans les meilleurs termes avec eux). Et, en général, ça fonctionne. Mais grâce à Internet, il est de plus en plus facile de prendre conscience de l’omniprésence de la propagande. 
 
 

L'ouverture de ce reportage à propos de la Syrie, diffusé sur la RTBF le 27 octobre 2011,
présente une manipulation manifeste entre les images montrées aux téléspectateurs
et le commentaire qui les accompagne.
 
 
Et dans le flux continu de désinformation, il y a des perles ! Comme le reportage de la RTBF sur la Syrie : dans une grande édition du soir, le journaliste de la RTBF montre des images d'une manifestation monstre en faveur de Bachar el-Assad, on y voit des gens qui tiennent son portrait qui n'est ni brûlé, ni piétiné, mais au contraire brandi fièrement. Et le journaliste, dans son commentaire, nous dit que c'est une manifestation anti-Assad… Il faut avoir cet outil qui s'appelle Internet pour faire la capture de cette vidéo, la mettre en ligne et procéder à des arrêts sur image étant donné que, dans un tel reportage, c'est le son qui prime et non l'image. Les manifestants sont très nombreux, on voit une foule immense, et si on nous dit que ce sont des Syriens et qu'ils sont contre Bachar el-Assad, on n'a aucune raison de ne pas le croire puisque tout le monde dit la même chose dans les médias. Sauf que, quand on regarde les arrêts sur image, on s'aperçoit que ce n'est pas ça ! On s'aperçoit que c'est exactement le contraire. Et ce n'est là qu'un seul exemple, mais il y a mille façons de prendre conscience, de prendre connaissance des mensonges des médias.
 
 
 
Revenons, pour conclure, sur le travail que vous avez accompli dans l'édition. Quels sont les livres publiés par Demi-Lune qui ont connu le plus de succès ?
 
Le livre de Thierry Meyssan, étonnamment, car il s'était déjà beaucoup vendu auparavant. Un autre regard sur le 11-Septembre de David Ray Griffin parce qu'il a été bien mis en place. C'est le système qui fonctionne ainsi. Les libraires l'ont mis en avant, non pas parce qu'ils sont devenus soudain réceptifs aux idées de Griffin, mais parce que c'était le dixième anniversaire et qu'il y avait plusieurs livres dont celui, excellent, de Mehdi Ba, et beaucoup d'autres, lamentables, comme celui de Nicole Bacharan. Donc, il y avait de quoi faire une table et présenter cinq, six, huit « produits » sur un sujet d'actualité. C’est comme cela que ça marche. C'est complètement stupide, mais c'est ainsi, aussi bien chez un petit libraire d'une ville comme Quimper que dans les grandes surfaces. Les Armées secrètes de l'OTAN de Daniele Ganser s'est également bien vendu, mais sur le long terme. Et La Route vers le nouveau désordre mondial également, notamment grâce à la critique extrêmement élogieuse du général Bernard Norlain parue dans la revue Défense nationale. Ce sont des ouvrages de références qui font leur petit bonhomme de chemin.
 
Pour Pétrole : la fête est finie !, l'accueil a été bon et pas seulement sur Internet. On a pu voir l'auteur, Richard Heinberg, en prime time à la télévision. Et ce n'était pas sur France 5 ou Canal+, mais sur France 3 dans une émission à forte audience de Yann Arthus-Bertrand sur la fin du pétrole. Richard Heinberg était un des intervenants majeurs et présenté comme tel. Egalement Arte qui, dans un numéro du Dessous des cartes, a dit que c'était le meilleur livre sur le sujet.
 
Ce qui s'est passé avec le pic pétrolier est aussi passionnant qu’instructif. La plupart des gens qui s'intéressent au 11-Septembre, et a fortiori ceux qui ne s'y intéressent pas, n'ont pas saisi, à mon sens, ce qui s'était réellement passé. Et c'est probablement ce qui arrivera avec le 11-Septembre, un peu à l'image du vrai faux scoop sur Ahmadinejad. La plus grosse capitalisation boursière actuellement, c'est Apple et, pas loin derrière, le pétrolier Exxon Mobil. Et plus on remonte dans le temps, plus on constate que les plus grosses entreprises se situent dans les secteurs du pétrole et de l'automobile. Cela représente donc un poids considérable. Ces gens-là avaient toujours nié, avec l'aval de l'AIE, l'Agence internationale de l'énergie, la réalité du pic pétrolier. Et depuis plus de 40 ans, les médias dénigraient ceux qui rapportaient les travaux de Hubbert sur le sujet. Le pic pétrolier, c'était des « délires de Cassandre », de gens qui « ne croyaient pas au progrès », des « oiseaux de mauvais augure », etc.
 
Et puis, patatras ! En 2008, la même année où est sorti Pétrole : la fête est finie, pour la première fois, l'AIE est passée du déni total, de ce discours qui tendait à dire que du pétrole, il y en aurait toujours, il suffisait d'investir ou de chercher, à « Effectivement… les champs commencent à s'épuiser… », ceux de l'Arabie saoudite en particulier. Ils ont donc reconnu l'existence du pic pétrolier, d'une année sur l'autre, en 2008. Et pourquoi 2008 ? Parce qu'il y avait eu six mois d'une hausse vertigineuse des prix du pétrole pour atteindre quasiment 150 dollars le baril. Ce qui a contribué, on l'oublie totalement maintenant, à la crise des subprimes. En fait, cette crise, qui a débuté aux États-Unis, était caractéristique de la financiarisation de l'économie. À la base, les montages financiers ont été créés pour permettre l'accès à la propriété de gens qui n'ont pas les ressources nécessaires pour le faire. Et ces gens-là n'habitent pas au centre ville, dans des immeubles comme en France ou en Europe, ils habitent pour beaucoup dans des banlieues où ils ne se rendent pas en RER, mais en voiture. Donc, d'un côté, ils avaient des crédits à rembourser et, de l'autre, sur la base de leurs revenus fixes, une part de plus en plus conséquente qu'ils ont dû consacrer à leur transport quotidien qui peut représenter, pour chaque américain, des centaines de kilomètres par mois. Donc, à la base, la crise des subprimes a été partiellement déclenchée par le choc pétrolier de 2008. 
 
 

 
Le journaliste George Monbiot rencontre Fatih Birol, porte-parole de l'AIE,
pour le questionner sur le changement opportun de communication
de l'Agence internationale de l'énergie concernant le pic pétrolier.
 
 
 
Or, on n’a jamais vu, à Paris, un seul journaliste prendre le métro pour aller interviewer un des dirigeants de l'AIE et lui demander : « Pourquoi, en 2007, le pic pétrolier n'existait pas alors qu'en 2008, c'est une évidence ? » Un seul journaliste a eu cette démarche. C'est George Monbiot qui a fait le voyage de Londres jusqu'à Paris pour confronter un des porte-parole de l'AIE, Fatih Birol. Pour Monbiot, il s’agissait d’une affaire personnelle étant donné qu'il s'intéresse à la question depuis 20 ans… Là, c'était un peu son heure de gloire, son triomphe. Mais dans la presse française, à ma connaissance, il n'y a pas eu un article, pas un seul. L'AIE confirme qu'il va y avoir un gros problème avec les énergies fossiles et cela ne fait pas une vague. Et pourtant, sans avoir fait d'études en géologie ou en économie, les gens ont compris de leur côté que le pétrole est une ressource rare qui prend des millions d'années à se créer et qu'il n'y en aura pas encore pour des centaines d'années à le consommer, tout juste au mieux quelques décennies. C'est une parenthèse historique. Et pendant tout ce temps, on mène des guerres pour le pétrole, l'Irak et la Libye étant les dernières en date. Et maintenant la Syrie pour le gaz.
 
 
Pour la plupart des journalistes, je ne peux pas exister
puisque le débat sur le 11-Septembre,
ce n'est selon eux qu'une rumeur sur l'Internet.
 
 
 
Je suis heureux d'entendre Nicolas Hulot au Grand Journal [sur Canal+] tenir un discours sur le pétrole qui est quasiment repris du chapitre 3 du livre de Richard Heinberg qu'il a lu. En fait, le succès des livres que j'édite, je ne l'estime pas au nombre d'exemplaires vendus, je le juge à la multitude des personnes qui ont accès à l'information que contiennent les livres édités par Demi-Lune. Car si le nombre de gens qui ont accès à l'information de façon directe par les livres, en les lisant, est malheureusement assez limité, l'accès par d'autres biais, que ce soit l'Internet, des interviews ou des programmes radio et télévisés, est beaucoup plus grand. Et quand je dis Internet, je pense aussi aux films comme Loose Change (Final Cut), comme Zero, comme One ou encore Oil, Smoke and Mirrors (Pétrole et écrans de fumée). Ces films, vus par des millions de personnes à travers le monde, sont basés sur le travail de gens comme David Ray Griffin, Nafeez Mosaddeq Ahmed ou Richard Heinberg. En fait, à mon niveau, avec mes compétences et, malheureusement, mes tous petits moyens, je contribue à la diffusion d'idées qui sont excessivement importantes, et ainsi, à faire une différence.
 
Mais il est ironique de constater que, pour la plupart des journalistes, je n'existe pas. Je ne peux pas exister, puisque le débat sur le 11-Septembre, ce n'est selon eux qu'une rumeur sur l'Internet, encore aujourd'hui… C'est une série de films faits par des étudiants qui ont raté leur école de cinéma, comme Dylan Avery, et ses détracteurs se fichent qu'il ait fait 150 millions de visionnements, au minimum, avec ses quatre films sur le sujet… Quant à moi, je n'ai pas ma place dans les médias parce que j'apporte des travaux faits par des universitaires. Ça n’entre clairement pas dans le cadre. Ces travaux ne s’intègrent pas dans leur moule donc je n'existe pas [NDLR : notre entretien a eu lieu avant la diffusion du « reportage » de Caroline Fourest sur France 5. Voir encadré : Le point de vue d’Arno Mansouri sur « Les réseaux de l’extrême »]. En France, la remise en cause de la version officielle du 11-Septembre, au mieux, c'est l’association ReOpen911 qui, soit dit au passage, fait un travail remarquable. 
 
 
 
Sur le plan personnel, précisément, quels bénéfices tirez-vous, avec le recul, des actions entreprises avec Demi-Lune et de vos choix éditoriaux, qualitatifs mais risqués, autour du 11-Septembre ?
 
J'en suis fier. Je suis très fier du travail qui a été accompli. Ce n'est clairement pas un bénéfice commercial. Je le regrette d'une certaine manière, non pas que je sois vénal, mais parce qu'un tel retour signifierait que beaucoup plus de livres ont été écoulés et qu'on a touché encore plus de gens. Et vendre plus de livres permet aussi d'en éditer davantage et de mieux communiquer dessus. Maintenant, j'ai aussi appris. C'est un cheminement que je partage avec mes lecteurs. J'ai confiance dans l'intelligence collective et je veux faire des livres sur des sujets qui me passionnent, qui m'intéressent, qui me bouleversent parce que j'ai la faiblesse de penser que ça pourra intéresser d'autres personnes que moi, tout simplement.
 
 
 
Au total, Demi-Lune a édité une douzaine de livres traitant du 11-Septembre qui se sont révélés déterminants pour le Mouvement pour la vérité sur le 11-Septembre, ici en France. Aviez-vous pensé, au départ de cette aventure, qu'il vous serait possible de marquer une différence ?
 
Oui, parce qu'il faut être un minimum optimiste quand on se lance dans quelque projet que ce soit et, en l'occurrence, dans celui, insensé, de donner à nos concitoyens un accès aux outils permettant de comprendre le dessous des cartes et une réalité qui est totalement autre que celle qui nous est présentée dans les médias de masse. Oui, mieux vaut être extrêmement optimiste concernant son prochain pour entreprendre pareille aventure.
 

 

Demi-Lune vient de publier
le nouveau livre de Peter Dale Scott,
 

 

 

 


En lien avec cet entretien :
 

• Terrorisme en France : des indignations à géométrie variable, 17 octobre 2012

• Crimes médiatiques ou les conséquences meurtrières de la désinformation, 19 juin 2012  

• Propagande : des couveuses en Irak… aux massacres en Syrie ?, 18 juin 2012  

• 11-Septembre : de la misère journalistique à la logique de collabos, 20 décembre 2011  

• Le dernier livre de David Ray Griffin « Un autre regard sur le 11-Septembre », 31 août 2011 

• Nouvelle interview filmée de Peter Dale Scott : « Conversations with History », 23 juin 2011  

• Le spécialiste du terrorisme Nafeez Ahmed analyse l’annonce de la mort de Ben Laden, 6 juin 2011  

• L’OTAN : du Gladio aux vols secrets de la CIA, 10 août 2010  

Les médias et le 11/9 en 2009/2010 : entre intérêt prudent et diffamation facile, 14 février 2010  

• Wisnewski: la diffamation n’arrêtera pas le travail des vrais journalistes, 20 janvier 2010  

Le 11-Septembre, les médias et le mythe de l’information, 3 septembre 2009  

• Interview de Webster Tarpley, 13 juillet 2009  

• Le 11/9 mentionné dans le livre « Pétrole : la fête est finie ! » de Richard Heinberg, 3 mai 2009  

• Les méthodes de France2 pour discréditer la contestation du 11-Septembre, 9 décembre 2008  

• Petite leçon de géopolitique pour le peuple, 9 septembre 2008  

Interview exclusive de Thierry Meyssan par ReOpen911, 16 août 2008  

• Les étranges propos d’un « spécialiste » du terrorisme de l’AFP…, 12 juin 2008  

11 Septembre et pic pétrolier, 18 avril 2008  

• Robert Redeker, dans Le Monde : l’effroyable légèreté de la paresse intellectuelle, 2 avril 2008      

 

  


Note : (*) Dans le cadre des interviews publiées sur son site, l'association ReOpen911 propose une tribune aux auteurs et chercheurs indépendants qui étudient le 11-Septembre et dont les arguments méritent d’être entendus, ainsi qu'à des acteurs essentiels des structures médiatiques et/ou citoyennes de notre société. Mais les propos de ces intervenants ne doivent évidemment pas être envisagés comme le reflet de la position de l’association sur les sujets traités. Le lecteur sera, comme toujours, en mesure de se forger sa propre opinion en fonction des éléments développés par les personnalités extérieures à l'association et des informations disponibles sur le site ReOpen911.info. Rappelons que, depuis le 11 mars 2006, date d'ouverture du site Web de l'association nationale de loi 1901, les membres compétents de ReOpen911 se tiennent à la disposition des médias pour débattre des points de vues exposés sur ce site et confronter les arguments des uns et des autres. L'association ReOpen911 se propose également de mettre les journalistes qui le souhaitent en contact avec les différents experts dont elle diffuse les recherches.



 

 

 

Publié dans Interviews et conférences | 9 Commentaires »

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Commentaires (9)

  1. Georges,

    Merci à Arno Mansouri qui m'a permis, par la lecture du livre "La faillite des médias" de David Ray Griffin, de voir la part d'ombre de la version officielle des attentats du 11 septembre 2001. Merci également à Reopen pour cette interview remarquable.

  2. glaza,

    Merci à toi Lalo qui à travers tes excellentes questions a enfin donné une tribune d'expression pour notre éditeur Arno

  3. Doume,

    Bonjour.
    A propos de la phrase du présidant Iranien, manifestement les journalistes ne savent pas qu'elle n'existe pas. Pire : j'ai entendu il y a quelques jours dans l'émission "Le téléphone sonne", le présentateur dire qu'Ahmadinejad ne cessait de répéter qu'il voulait rayer Israël de la carte. Personne dans ses invités ne l'a contredit.

  4. kzerrex,

    Merci à Reopen de donner la parole à ARNO MANSOURI , et merci à celui-ci d'avoir créer la collection résistance , et donc d'avoir été aussi actif pour le mouvement pour la vérité sur le 11/09 , en particulier en France . En ce qui me concerne , la remise en cause de la version officielle du 11/09 a commencé par la lecture de plusieurs livres de cette collection ; On peut dire que ces livres ont littéralement changé mon existence , et mon regard sur le monde . Pour le 11/09 , je conseille les deux derniers livres de GRIFFIN , pour le caractère assez complet avec lequel ils abordent le sujet , ainsi que le livre de VICTOR THORN . Sinon ceux de RICHARD HEINBERG , me semble également très important sur l'avenir de nos sociétés . En ce qui concerne l'analyse sur le fonctionnement des médias , on ne peut qu'être d'accord avec les nombreuses remarques dans cette entrevue , et ce combat , pour que ça change , est l'une de nos motivations à faire éclater la vérité sur les attentats du 11/09 . Gardons courage et détermination .

  5. Stealthy75,

    En ce qui concerne le 9/11,je pense qu'il faut cesser de le nommer uniquement comme "Terrorisme d'Etat"! Le 9/11,c'est bien plus hélàs que cela: C'est un véritable massacre,un meurtre de masse à la limité d'un génocide,des innocents exécutés de sang-froid et lorsque l'on pense à la façon dont très probablement les passagers ont été éliminés...enfin bref!

    Que la vérité jaillisse pour qu'enfin,les âmes de toutes ces innocentes personnes reposent enfin en paix.

  6. Candide,

    Certains fuient à jamais la question du 9/11, et certains y dénichent des infos parmi les plus essentielles qui puissent exister.

    Mais des deux, paradoxalement, ceux qui en tirent bénéfice ne sont pas ceux que l'on croit.

  7. HIjack,

    Tant que la vérité sur le 911 sera plus ou moins mise de côté, enterrée, tue ... rien ne changera !
    . Et il y a du travail ... Soit on continue comme ça ... dire que l'on n'y arrivera jamais (à la vérité ...) ... rien ne se fera et on tournera en rond ... en se mangeant la queue !

  8. Madelon,

    Longue interview mais très captivante qui montre un esprit mesuré et pourtant curieux.Personnellement je serai beaucoup moins mesuré concernant le "monde diplomatique" Serge Halimi et consorts.Je le dis d'autant plus volontiers que j'ai fait partie de cette mouvance Attac de 98 à 2003 puis de m'en être éloigné après les élections truquées qui ont porté Nikonoff à la présidence.C'est une autre histoire.Monsieur Mansouri ne veut pas enfoncer S.Halimi,c'est tout à son honneur,moi si je pouvais l'enfoncer d'un coup de botte dans sa fange d'hypocrisie je le ferais sans hésiter tout comme les Daniel Mermet Bernard Cassen et tutti quanti.(Son film "les nouveaux chien de garde"arrive trop tard et naturellement ne fait aucune allusion a 9/11).
    Avec cette tragédie ils se sont à mes yeux complètement décrédibilisés et révélés pour ce qu'ils sont: des lâches voire des traîtres.Il ne fait aucun doute que tous ces gens savent ce qui s'est passé que les "truthers"apportent des éléments convaincants au minimum troublants.Ce serait une faiblesse de croire qu'ils n'ont pas été voir sur internet dans le secret de leur bureau les thèses de ceux qu'ils font mine d'ignorer encore aujourd'hui.Quand l'évidence saute aux yeux l'esprit fonctionne malgré soi et on est bien obligé d'admettre son erreur.Ils savent et font tout pour ne pas l'admettre.Cela leur pètera à la gueule un jour ou l'autre.Ils ne valent pas mieux que C.Fourest...
    Entièrement d'accord avec M.Mansouri nous devons être notre propre journaliste.Faire le travail que les"officiels"ne font pas;multiplier les sources,les croiser,analyser,confronter etc...Merci à Reopen et M.Mansouri.

  9. François Belliot,

    Félicitations à reopen911 pour cette passionante et très pédagogique interviou d'Arno Mansouri. Je ne diffuse plus d'information auprès des personnes qui me sont proches et croient que "les conspirationnsites nagent en pleine délire, etc", mais je vais le faire avec cette inter, qui me semble de nature à convaincre au-delà des cercles traditionnels.

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